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d'acquit; ce qui les irrita extrê- B. DE mement contre lui. Car ils ne dou- SPINOSA. toient point qu'il ne dût bientôt les abandonner, & fe faire Chrétien. Cependant il n'a jamais embraffé le Chriftianifme, ni reçu le Batême; & quoiqu'il ait eu depuis fa defertion du Judaïfme de fréquentes converfations avec quelques fçavans Mennonites, auffi-bien qu'avec les perfonnes les plus éclairées des autres fectes Chrétiennes, il ne s'eft pourtant jamais declaré pour aucune, & n'en a jamais fait profef fion.

Les Juifs firent tout leur poffible pour le retenir, & lui offrirent même pour cela une penfion, qui devoit aller à douze florins ; mais il la refufa, quoiqu'il continuât de garder quelques mefures avec eux, & il les auroit peut-être toujours menagez, fans l'accident qui lui ar

riva.

Un jour qu'il fortoit de la fynagogue, il vit auprès de lui un homme le poignard à la main prêt à le frapper, ce qui l'obligea à s'écarter & à éviter le coup, qui porta feule

B. DE

ment dans fon habit. Il a toujours

SPINOSA. gardé depuis cet habit, pour en conferver la memoire. Jean Colerus, qui rapporte ce fait, dit l'avoir appris de l'Hôte & de l'Hôteffe de Spinofa, à qui il l'avoit fouvent raconté. Ainfi il eft plus sûr de s'en rapporter à lui, qu'à Bayle, qui dit que ce fut en fortant de la Comedie qu'il fut attaqué par un Juif, qui lui donna un coup de couteau, dont la bleffure fut legere.

Quoiqu'il en foit de ce fait, il eft sûr que Spinofa rompit alors en-y tierement avec les Juifs; ce qui fut la caufe de fon excommunication, qu'on ne prononça cependant contre lui, qu'après qu'il eut paru encore devant les anciens de la fynagogue.

Il avoit été accufé de méprifer la loi de Moyfe, mais il s'en défendit toujours, & le nia conftamment, jufqu'à ce qu'on produisît contre lui des témoins, avec lef quels il s'étoit expliqué fur ses vrais fentimens,& qui dépoferent » qu'ils l'avoient oui fe mocquer des Juifs, » comme de gens fuperftitieux,

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B. DE

» nez & élevez dans l'ignorance, » qui ne fçavent ce que c'eft que SPINOSA. »Dieu, & qui néanmoins ont l'au» dace de fe dire fon peuple, au » mépris des autres Nations; que » pour la Loi elle avoit été infti»tuée par un homme plus adroit » qu'eux, à la vérité, en matiere » de politique, mais qui n'étoit »gueres plus éclairé dans la Phyfique, ni même dans la Theolo»gie; qu'avec une once de bon » fens on en pouvoit découvrir l'im»pofture, & qu'il falloit être auffi » ftupide que les Hebreux du tems » de Moyfe, pour s'en rapporter à » lui.

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Ces paroles impies exciterent l'indignation de la Synagogue, qui après lui avoir donné un délai, fuivant la coutume, prononça contre lui la Sentence d'excommunication & le retrancha de fon corps. Spinofa compofa alors en Espagnol fon Apologie, mais cet écrit n'a pas été imprimé, il en a feulement inferé plufieurs chofes dans fon Tractatus Theologico-Politicus.

La conduite des Juifs à fon égard

B. DE le fit penfer férieufement à execuSPINOSA. ter un deffein qu'il avoit depuis long-tems, qui étoit de fe retirer à la campagne, pour s'éloigner du tumulte & du bruit, & pour fe livrer entierement aux meditations philofophiques, qui faifoient tout fon plaifir.

Il voulut cependant sçavoir auparavant un métier, pour y trouver une reffource pour les befoins de la vie. Il apprit donc à faire des verres de lunettes, & s'appliqua auffi au deffein, & il réüffit dans ces deux chofes.

Quand il s'y fut rendu fuffifamment habile, il quitta Amfterdam, & alla loger chez un homine de fa connoiffance, qui demeuroit fur la route d'Amfterdam à Auvverkerke. Il fortit de ce lieu en 1664, & fe retira à Rhynsburg près de Leyde,où il paffa l'hyver mais il en partit auffi-tôt après, & alla demeurer à Voorburg à une lieuë de la Haye.

Il demeura trois ou quatre ans en cet endroit, & fe fit pendant ce tems un grand nombre d'amis à la Haye, tous gens diftinguez par

leur condition, & par leurs emplois B. DE dans le Gouvernement & à l'armée. SPINOSA Ce fut par leurs follicitations qu'il fe détermina à s'établir & à fe fixer en ce dernier lieu, qu'il préfera à Amfterdam,parce que l'air y eft plus fain.

Quoiqu'il aimât la folitude, & qu'il paflât quelquefois deux ou trois jours dans fa chambre fans voir qui que ce foit, plufieurs perfonnes recherchoient fa compagnie & fe faifoient un plaifir de l'entendre. La curiofité de voir un homme, à qui fes fentimens hardis avoient fait un certain nom dans le monde, & de les lui entendre debiter, lui attiroit de fréquentes vifites.

M. le Prince de Condé étant à Utrecht en 1673. eut cette curiofité comme les autres, & lui envoya un paffe-port afin qu'il vint l'y trou ver. Spinofa y alla effectivement; mais les Auteurs ne s'accordent point fur la réuffite de fon voyage. Bayle a avancé dans la premiere édition de fon Dictionnaire fur un oüi-dire, que M. le Prince » fut

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