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AN. 1547. font choqués de n'obtenir que la moitié : les évêques, & fur-tout ceux d'Espagne, fe plaignoient qu'on leur faifoit injure; & ne commencérent à avoir plus de retenue & de modération , que quand ils virent augmenter le nombre des prélats Italiens qui tenoient pour les légats, & qu'ils furent informés qu'on avoit envoyé leur mémoire à Rome. En effet le pape ne l'eut pas plutôt reçu, qu'il écrivit à fon nonce à Venife d'engager les évêques Vénitiens, qui y étoient presque tous, à retourner à Trente; & le nonce s'y prit fi bien, que ces prélats fe firent tous un devoir de fe montrer dociles aux ordres du pape.

XII.

Réponse dupape

au mémoire des évêq. Espagnols. Fra-Paolo, hift. du concile de Trente, Liv. 3. p. 239.

On examina l'écrit des évêques Efpagnols dans un confiftoire à Rome : on y trouva le parti propofé par les légats, le plus honorable & le plus utile pour le faint fiége, s'il réuffiffoit, mais auffi très dangereux, s'il ne réuffiffoit pas. On dit que dans une telle conjoncture il n'étoit pas de la prudence de tout rifquer, qu'il y avoit un danger égal à tout accorder & à tout refuser; & l'on conclut enfin que, fi les légats n'étoient affurés du fuccès, ils pourroient, felon le tems & l'occafion, accorder une partie ou le tout, avec les modifications qu'on leur envoya.

Sur le premier article du mémoire des Efpagnols, qui eft de renouveller les ftatuts du concile de Latran: le pape dit qu'on peut contenter les évêques, pourvu que les canons qui fe feront là-deffus foient raifonnables. Sur le deuxième, d'obliger les cardinaux à la réfidence: la demande n'est pas jufte à l'égard de ceux qui demeurent à Rome, & qui fervent actuellement l'église universelle; mais pour les autres, le pape y mettra ordre. Sur le troifiéme, qui demande que la réfidence foit déclarée de droit divin: on répond, que quant à l'effet, il ne feroit qu'apporter plus de confufion, la permiffion d'être absent fix mois étant oppofée à ce décret. Sur le quatriéme, de la pluralité des églifes cathédrales, on peut dire la même chofe; & que pour les cardinaux, le pape y pourvoira. Sur le cinquiéme, de la pluralité des autres églifes, que ce que les légats propofent paroît fuffifant. Mais fi le concile juge à propos de faire un réglement plus sévére, le pape s'en remet aux peres: les avertiffant feulement, que l'excès de rigueur pourra produire un effet tout contraire à ce que l'on attend; parce qu'il eft à préfumer que les poffeffeurs feront

toute la résistance qu'ils pourront; d'ailleurs fi on laiffe pu- AN. 1547 rement & fimplement le jugement des difpenfes aux ordinaires, ils en pourront faire un mauvais ufage pour accroître leur autorité. Sur le fixiéme, de révoquer les unions à vie: fi l'on en veut abfolument l'abolition, cela fe peut accorder , pourvu qu'on donne un tems aux perfonnes pour difpofer de leurs bénéfices. Sur le feptiéme, de priver de leurs bénéfices les curés qui manqueroient de réfider, ce feroit ufer de trop de rigueur; & quand bien même le concile en auroit fait un décret, il ne pourroit être obfervé. Sur le huitiéme, de dépofer les curés ignorans ou vicieux cela peut paffer, fi on l'entend d'une incapacité qui mérite privation de droit; & non autrement, car ce feroit rendre les ordinaires maîtres de tout. Sur le neuviéme, de ne donner les cures qu'après un rigoureux examen; comme il eft néceffaire de s'en rapporter à la confcience du collateur, un autre décret là-deffus feroit inutile. Sur le dixiéme, de faire une recherche de la vie de ceux qui doivent être évêques : à quoi bon ce foin, y ayant de faux témoins fur les lieux auffi-bien qu'à Rome ? outre qu'il eft fuperflu de chercher d'autres informations, quand on peut d'ailleurs avoir une connoiffance fuffifante des perfonnes, comme cela fe peut presque toujours. Sur le onzième que perfonne ne foit ordonné que par fon évêque : le remède de la bulle femble pouvoir fuffire, puifqu'elle va au-devant de tous les inconvéniens qui peuvent arriver fur ce point.

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Cette réponse du pape étant arrivée à Trente vers la fin de Février, les légats en conférérent entr'eux; & le cardinal Cervin crat qu'il falloit tâcher de ramener tous les prélats, en leur accordant quelques-unes des demandes auxquelles Rome confentoit. Mais le cardinal de Monté difoit que céder à fon inférieur, & fur-tout à la multitude, c'étoit la mettre fur le pied d'en demander davantage qu'il vouloit auparavant fonder l'efprit des prélats affectionnés, & que s'il fe trouvoit le plus grand nombre, il étoit réfolu de ne pas reçuler; mais que s'il fe voyoit le plus foible, il s'accommoderoit alors au befoin. Après plufieurs difcours, Cervin céda à fon collégue: ils eurent avis que les évêques abfens feroient à Trente à la fin du mois, & parmi ceux qui étoient préfens, ils en trouvé

XIII. Embarras des lé

gats fur cette réponte du pape.

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rent plufieurs dans les intérêts du pape, & leur firent ef pérer beaucoup de fa fainteté ce qui en attira encore d'autres. De forte que dès-lors ils fe flattérent de faire paffer dans la prochaine congrégation ce qu'ils defiroient; & ils firent former le décret de la réformation en quinze chapitres, enfuite le propoférent dans la congrégation générale, où on lut d'abord les canons tout dreffés touchant les facremens, fans aucun chapitre pour fuivre les ordres du pape, comme on a dit.

maître

Mais quand on vint à la lecture du décret de la réfor mation, les difficultés parurent encore plus grandes qu'auparavant. Il y en eut d'abord une fur ces mots, felon quelques hiftoriens, fauf toujours en toutes chofes l'autorité du faint fiége: ce qui rendoit inutiles toutes les promesses de réformation, puifqu'on faifoit toujours le pape de tout. Les Espagnols, & particuliérement l'évêque de Badajox, voulant que cette claufe fût ôtée, & que le pape n'eût pas le pouvoir de difpenfer contre les canons, on lui répondit que les loix des conciles ne font pas comme les loix naturelles, où la rigueur & l'équité ne font qu'une même chose, au lieu que les autres font fujettes au défaut commun de toutes les loix, dont il faut que l'équité limite l'univerfalité dans les cas imprévus, & où il feroit injufte de les exécuter: mais que comme il n'y a pas tou jours des conciles auxquels on puiffe avoir recours; & que d'ailleurs ils ne peuvent pas régler les cas finguliers, il eft befoin pour cela de l'autorité du pape. Et comme il y en eut qui repliquérent, le cardinal de Monté leur dit qu'ils ne fe fervoient que de fubtilités, pour ne pas rendre au faint fiége ce qu'on lui devoit, ce qui impofa filence. Cependant le même évêque demanda encore qu'il fût dit que l'article de la réfidence n'étoit pas omis, mais différé. A quoi les légats répondirent que c'étoit fe méfier d'eux & même du pape, & les obliger inutilement à ce qui dépendroit toujours de leur volonté ; mais que par complaifance on diroit dans le prologue, que c'étoit l'intention du concile de poursuivre ce qu'il avoit commencé fur le fait de la réfidence; ce qui feroit entendre qu'il en reftoit encore une partie à traiter.

Il y eut encore différens avis fur l'article des qualités requifes dans les évêques & dans les curés. On difputa

encore long-tems fur la demande des évêques Espagnols, AN. 1547] que les cardinaux fuffent nommément exprimés dans la défenfe de pofféder plufieurs bénéfices. Les Italiens difoient, qu'il n'étoit pas à propos de montrer fi à découvert qu'il y avoit des abus à corriger dans le premier ordre de l'églife, ni que de fi excellens hommes négligeaffent de fe corriger eux-mêmes; que l'on pouvoit faire le même effet en termes généraux, en difant que le concile commande à toutes perfonnes, de quelque rang, dignité, & prééminence qu'elles foient. Mais on repliquoit, qu'au jugement des canoniftes, les cardinaux ne font jamais compris fous aucune expreffion générale, & qu'ils doivent être expreffément nommés; qu'ainfi l'unique moyen de remédier au mauvais exemple étoit de réformer cet ordre; que le clergé inférieur n'avoit pas tant befoin de réformation, parce qu'il ne faifoit que fuivre l'exemple des fupérieurs. Quant à l'abus des unions perpétuelles, on difoit qu'il y avoit été fuffifamment pourvu, en remettant aux évêques l'examen de celles qui étoient faites, & en déclarant fubreptices celles qui ne fe trouveroient pas fondées fur des causes raisonnables; mais que c'étoit les confirmer, & mettre les évêques en procès, que de dire, Si le fiége apoftolique n'en juge autrement. L'on demanda encore de nouveau l'abolition des unions à vie, & la caffation de celles qui avoient été déja faites: mais l'article des cardinaux fut celui fur lequel on infifta le plus.

Les légats qui n'avoient pas deffein d'en convenir répliquérent qu'il étoit à propos de fe conduire dans le décret qu'on méditoit, comme on avoit fait dans le précédent, où par les qualités on avoit fait affez entendre' que les cardinaux y étoient compris que d'ailleurs il falfoit confidérer, que quand on s'étoit adreffé au pape, pour le prier de donner fon avis fur la réfidence des cardinaux évêques & fur la multiplicité de leurs bénéfices, fa fainteté y avoit pourvu en faisant une bulle publiée dans le conAftoire du dix-huitiéme de Février, pour leur enjoindre' de réfider, donnant par-là affez à connoître que c'étoit au pape à leur impofer des loix. Mais parce que les confeils des hommes abondent toujours en raifons fpécieuses, (dit Pallavicin), Guillaume de Prat, évêque de Clermont Pallav. lib. 9. cap, en Auvergne, prit occafion de la réponse des légats pour

30. n. 8.

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dire, que puifque le pape avoit nommé lui-même les cardinaux dans fa bulle, il étoit du devoir des peres d'imi ter fa fainteté & de les nommer auffi. Cependant les plus modérés convinrent qu'il ne feroit fait aucune mention d'eux, qu'on ne fe ferviroit que d'expreffions générales fous lesquelles ils pourroient être compris, & qu'il fuf→ fifoit de les foumettre aux loix qui leur feroient impofées par le fouverain pontife. L'on ne penfa donc plus qu'à tenir la feffion, la pluralité des voix étant pour l'approbation des décrets. Les légats remirent à une autre féance la réformation des abus dont on a parlé fur l'administration des facremens, parce que cette matiére n'avoit pas encore été affez fuffifamment examinée.

peres

Toutes chofes étant donc prêtes pour la feptiéme fef fion, elle fe tint le jeudi troifiéme de Mars 1547. Tous les étant affemblés dans l'églife, les deux légats à la tête; Jacques Cauchus, archevêque de Corfou, chanta solemnellement la meffe du Saint-Efprit. Mais il n'y eut point de fermon, parce que Coriolan Martyran, évêque de faint Marc, qui devoit prêcher, fe trouva enroué & hors d'état de parler, comme on le lit dans les actes: quoique Fra-Paolo dife malicieusement que ce rhume ne fut qu'un prétexte pour fe difpenfer d'affifter à cette feffion, parce qu'étant du nombre de ceux qui avoient preffé la réformation & l'article de la résidence de droit divin, il avoit été maltraité dans la congrégation; enforte qu'il ne voulut pas s'expofer à répondre Placet, dans une décifion qui ne lui plaifoit pas : ce fut pour cela qu'il feignit d'être incommodé. Ce que Pallavicin toutefois réfute fort au long, en faisant voir que c'est une pure invention de Fra-Paolo, parce que les actes n'en parlent en aucune maniére; ce qu'ils n'auroient pas omis, fi la chose eût été vraie; ayant fait mention des querelles des peres, & des réprimandes affez vives des légats, qui paroiffent d'une plus grande importance. La meffe finie, on chanta l'hymne du Saint-Esprit, on fit les priéres & les cérémonies ordinaires; après lefquelles on fit la lecture des canons fur les facremens au nombre de trente, & du décret de la réformation qui contenoit quinze chapitres, qu'on va rapporter.

Les canons font précédés d'une introduction ou pré

face

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