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LIVRE CENT QUARANTE-SIXIÈME.

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AN. 1550.

1.

L'empereur de. puté vers le nou

veau pape Jules

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Pallavic. hift. concil. Trident. lib. 11. Voyez le liv. précédent 145, n. 105.

cap.8. n. 1.

OM ME la mort du pape Paul III facilitoit beaucoup le rétablissement du concile; & que d'ailleurs Jules III, qui venoit de lui fuccéder, s'étoit obligé dans le concile, par un ferment fait avec les autres cardinaux, de reprendre cette importante affaire l'empereur dirigea toutes fes vues du même côté, afin de rétablir la paix dans l'empire, & d'obliger les Proteftans à fe foumettre aux décifions d'une fi augufte afsemblée. Dès qu'il eut appris en Flandre la nouvelle de l'élection du pape, il nomma pour l'ambaffade d'obédience Dom Louis d'Avila , grand maître de l'ordre d'Alcantara qu'il chargea de féliciter le nouvel élu fur fon exaltation, & les V. p. 270. de l'entretenir des affaires du concile, dont il defiroit la con-> tinuation & l'heureux fuccès.

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& 110.

D. Antonio de

Vera hift. de Char

II.

Le pape fait fçatablir le concile.

voir qu'il veut ré

Pallavic, ibid. ut

Le nouveau pape reçut cet ambaffadeur avec beaucoup de joie, & répondit aux complimens de l'empereur avec de grandes marques d'affection. A l'égard du concile, il paroît que l'on en parla peu, parce qu'auffi-tôt après son élection le nouveau pape avoit chargé François de Tolède, ambaf- Jup. fadeur de Charles V, de mander à ce prince que fon intention étoit de rétablir ce concile à Trente, & de le faire continuer autant de tems que cela feroit néceffaire pour le bien & honneur de la religion. L'empereur voulut répondre à cette bonne intention du pape, par de nouveaux témoignages de zèle pour la vraie religion. Ce fut pour cette raifon qu'il fit publier un édit très-févére contre tous ceux qui feroient profeffion d'une autre religion que de la catholique ; & pour tenir la main à l'exécution de cet édit, il rétablit plufieurs tribunaux femblables à ceux de l'inquifition, choififfant des juges févéres pour punir à la rigueur tous ceux qui y contreviendroient, & ordonnant lui-même les peines auxquelles ils feroient condamnés fans aucune rémiffion.

Cet édit, qui fut rendu public fur la fin du mois d'Avril, quelque tems avant le départ de l'empereur de Bruxelles pour fe rendre à une autre diète qu'il avoit convoquée à Aufbourg, portoit que ce prince, après tous les foins qu'il s'é

III.

Edit de l'empereur contre les hé.

rétiques

Sleid. in comm:

defaurelig. & reip.
1.22.p.781. ex edit.
ann. 1556.
Heiff. hist. de l'em-
pire, to. 1.1. 3. P.

397.

AN. 1550.

toit donnés pour conferver la religion dans fes pays, & en déraciner l'erreur & l'héréfie, apprenoit avec un vrai chagrin, que non feulement fes fujets, mais encore les étrangers qui habitoient fes provinces & y négocioient, répandoient cette pefte dans tous les endroits parmi le peuple; enforte qu'il croit qu'il eft abfolument néceffaire d'y pourvoir par de violens remèdes, & de s'informer exactement des coupables, pour arracher entiérement cette ivraie, & extirper le mal jufqu'à fa racine. Que c'eft dans cette vue qu'il avoit eu foin d'avertir dans les derniéres diètes, les gouverneurs des provinces & les états d'y veiller, & de maintenir l'ancienne & catholique religion, vu que chacun voit évidemment les troubles & féditions que cette tache a caufés parmi les peuples voifins, fans parler de la perte du falut d'une infinité d'ames. L'empereur ajoute que, du confeil de fa trèschere four gouvernante des Pays-Bas, il a fait cette loi; & qu'il défend en premier lieu qu'on vende, qu'on achète & qu'on retienne les ouvrages de Luther, d'Ecolampade, de Zuingle, de Bucer, de Calvin & d'autres, imprimés depuis trente ans fans nom d'auteur, & contenus dans le catalogue des théologiens de Louvain. De plus, continue-t-il, on n'aura aucun tableau ou image faite en dérifion de la Ste. Vierge & des Saints; on n'abattra ni ftatue ni tableau d'aucun Saint; on ne prêtera point sa maison pour tenir des affemblées secrettes, où l'on a coutume de répandre l'erreur, où l'on confpire contre l'églife & contre l'état, & où quelques-uns fe font rebaptiser: on ne difputera ni en public ni en particulier de la fainte écriture; on ne s'ingérera point de l'interpréter, à moins qu'on ne foit théologien, & que l'on n'ait un témoignage authentique d'une univerfité approuvée. Enfuite l'édit expofe les peines auxquelles il menace de condamner ceux qui contreviendront à ces défenses.

Les contrevenans, dit-on, feront punis comme des féditieux & des perturbateurs de la tranquillité publique; & en cas d'obftination dans leurs erreurs, les hommes périront par l'épée, les femmes feront enterrées vives, tous leurs biens confifqués, fans qu'ils aient le pouvoir de faire aucun testament; & s'ils en ont fait quelqu'un, il fera caffé & annullé. De plus on défend à tous fujets de recevoir dans leur maison, ou d'affifter ceux qu'on connoîtra fufpects d'héréfie; on enjoint de les dénoncer au plutôt à l'inquifiteur ou au gouver

neur

neur de la ville, fi l'on ne veut pas fubir la même peine. AN. 1550. Ceux qui par foibleffe feront tombés dans l'erreur, s'il n'y a ni malice, ni opiniâtreté, ni esprit de fédition, & qui fe feront reconnus pour retourner dans le fein de l'église, ne s'entretiendront jamais entre eux des chofes concernant la foi & la religion; autrement, ils feront punis comme s'ils étoient retombés dans le crime, auffi-bien que ceux qui étant feulement foupçonnés d'héréfie, auront été condamnés à faire abjuration ou à fatisfaire publiquement, & qui enfuite feront accufés de nouveau. Aucune dignité, aucune charge ne feront accordées aux perfonnes fufpectes. On ne recevra point d'étrangers dans les villes, s'ils ne font munis d'un témoignage de vie & de moeurs du curé de leur paroiffe. Les gouverneurs & lieutenans s'informeront avec foin de ceux qui contreviendront à cet édit, & prêteront, main-forte aux inquifiteurs & aux juges eccléfiaftiques pour faire arrêter les coupables, & les punir felon les formalités; l'empereur fe réservant le droit de les punir lui-même, fi ces officiers manquent à leur devoir.

Les évêques, archidiacres & abbés prendront foin d'examiner fi quelques-uns d'entre les eccléfiaftiques font infectés de cette pefte, & en feront une févére punition. Le délateur dont l'accufation fera bien fondée, aura la moitié du bien de l'accufé, pourvu qu'il n'excédât pas fix cens écus d'or; autrement, il n'aura que la dixième partie de tout ce qui excédera cette fomme. Celui qui révélera à l'inquifiteur quelques affemblées fecrettes, quoiqu'il ait communiqué avec eux, ne fera pas puni, pourvu qu'il foit orthodoxe, & qu'à l'avenir il ne se trouve jamais dans de pareilles affemblées. Les libraires n'imprimeront & ne vendront aucun ouvrage touchant l'écriture-fainte qu'avec l'approbation de ceux qui en font chargés, & ils expoferont dans leur boutique le catalogue des livres cenfurés par l'univerfité de Louvain, afin que ni eux, ni eux, ni ceux qui achètent, ne puiffent l'ignorer; & celui qui y manquera, payera cent écus d'amende. Enfin perfonne ne s'ingérera d'enfeigner les enfans, qu'avec la permiffion du magiftrat ou de l'évêque, & ne proposera aux jeunes - gens qu'une doctrine pure & faine, conformément à la règle donnée par les théologiens de Louvain.

IV.
Cet édit eft mal

Cet édit fit beaucoup de plaifir à la cour de Rome, qui ne manqua pas de louer le zèle de l'empereur; mais il fut reçu des Luthé

Tome XX.

I i

AN. 1550.

cians d'Anvers. Sleidan in comm. Lib. 22. p. 734.

fort mal reçu des Luthériens, qui en firent beaucoup de bruit. riens & des négo. La révolte fut beaucoup plus grande dans les Pays-Bas, parce que cet édit étoit particuliérement pour ces provinces. Il fema dans tout le pays l'épouvante & le défefpoir, fur-tout parmi les négocians d'Allemagne & les Anglois qui y étoient établis, principalement à Anvers; ils cefférent tout leur commerce, ce qui fit un très-grand tort à cette ville. La plûpart se retirérent avec indignation; ceux qui demeurérent, ou vivoient fans continuer leurs premiéres occupations, ou ne confultoient plus que leurs intérêts particuliers, fans fe mêler de rendre aucun fervice au public. Le défordre fut tel, que la reine de Hongrie gouvernante des Pays-Bas, fut contrainte d'aller trouver l'empereur fon frere, pour le prier d'adoucir la févérité de fon édit, & d'en ôter fur-tout le terme d'inquifition, qui faifoit foulever tous les peuples.

V.

forme fon édit fen

Charles V écouta d'abord avec beaucoup de peine les proL'empereur ré- pofitions de la princeffe; il défendit enfuite fon propre ou faveur des étran- vrage avec chaleur, & déclara qu'il ne vouloit point y tougers feulement. cher: mais enfin, preffé par ses vives follicitations, il confenSleidan. ubi fuprà, tit à fupprimer le nom d'inquifition, & à révoquer tout ce De Thou, hift.l.6. qui concernoit les étrangers dans cette ordonnance. A l'égard

des naturels du pays, il perfifta toujours dans la réfolution de les y foumettre, & de les forcer à y obéir, en cas de réfiftance. Cette fermeté de l'empereur caufa de nouveaux troubles. Illyricus fit imprimer cet édit traduit en Allemand & s'éleva vivement contre 'Iflèbe & les Adiaphoriftes, qui vouloient perfuader au peuple qu'on n'en vouloit point à la religion. Les princes & les états Luthériens fe trouvérent fort offenfés; & comme ils avoient repris courage après que l'empereur eut licentié une partie de fes troupes, ils protestérent hautement contre fon Interim, ceux même qui l'avoient reçu auparavant. Cependant l'empereur étoit parti de Flandres pour fe rendre à Ausbourg, où il arriva le vingt-fixiéme de Juillet. Il vint avec le duc de Saxe, fon prifonnier, qu'il menoit toujours avec lui. Pour le landgrave, il l'avoit laiffé à Malines fous bonne garde. Jufques-là il n'avoit pas encore voulu rendre la liberté à ces deux princes, quoiqu'il en fût vivement follicité, & ce refus fut caufe que l'électeur de Brandebourg, beau-pere du landgrave, & Maurice de Saxe fon gendre, ne fe trouvérent point à la diète d'Ausbourg, quoiqu'ils y euffent été fort follicités par des lettres particuliéres

de l'empereur; il fe contentérent seulement d'y envoyer leurs députés.

La raison pour laquelle Charles V avoit convoqué cette diète à Ausbourg, étoit pour faire fçavoir aux états les intentions du pape Jules III pour le bien du chriftianifme. En conféquence il avoit écrit aux états de l'empire le treiziéme de Mars, & leur avoit mandé que fon deffein avoit été de retourner en Allemagne dès la fin de l'année précédente; mais qu'il en avoit été détourné par les affaires des Pays-Bas, & par les foins qu'il s'étoit donnés à y faire recevoir fon fils & à le conduire par les villes. Que comme il étoit prêt de partir, il avoit appris la mort de Paul III, ce qui lui avoit fait différer fon voyage jufqu'à ce que le fiége vacant fût rempli. Qu'enfin Jules III avoit été élu, & que fur les lettres qu'il avoit reçues de ce nouveau pape, il avoit lieu de beaucoup espérer de fon zèle & de fa piété. Qu'il les prioit donc, & leur ordonnoit même de s'y trouver tous dans le mois de Juillet, fans pouvoir alléguer aucune excufe que celle de la maladie, dont il falloit qu'ils donnaffent des affurances par leur ferment; & que fi une véritable indisposition ne leur permettoit pas d'y affifter en perfonne, ils y envoyaffent leurs députés, avec plein pouvoir de traiter de leur part, afin que les réfolutions qui fe devoient prendre fur les affaires, ne fuffent point différées.

En effet, le pape Jules III, auffi-tôt après fon élection, avoit affemblé le facré collége dans une congrégation de cardinaux & d'évêques : les mêmes qui avoient été choifis par Paul fon prédéceffeur, à l'exception du cardinal Cervin, qui étoit alors dangereufement malade. Dans cette affemblée il fut réfolu que le pape enverroit Pierre de Tolède à l'empereur, & l'abbé Roffette au roi de France, pour les remercier de la part qu'ils avoient prise à fon élection, leur témoigner fa bienveillance paternelle, & les exhorter à la paix, Funique remède pour foulager l'églife affligée. Celui qui fut envoyé au roi de France, fut chargé en particulier de lui parler de Parme. Le pape avoit rendu cette ville à Octave Farnèfe, felon qu'il l'avoit juré dans le conclave avant fon élection, & lui avoit affigné deux mille écus pas mois pour la défendre. Il avoit eu foin auffi de dédommager Camille Urfin des dépenfes qu'il avoit faites en gardant cette ville, & lui avoit fait compter vingt mille écus. Cette conduite, dont le roi de France étoit déja in

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