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AN. 1547. privés de tous les feccurs néceffaires ; que déja douze évêques, fous prétexte de conferver leur vie, étoient partis, quelques-uns même fans permiffion; que cependant fans vouloir donner aucun confeil, il étoit difpofé à fuivre celui des autres; que lui & fon collégue étoient prêts à tout, excepté à voir le concile fe diffoudre, parce que fi l'on permettoit cette diffolution, loin de pouvoir retenir les évêques Allemands, ces prélats ne voyant plus le concile général affemblé, ne manqueroient pas de fe porter à convoquer un fynode de leur nation pour régler ce qui concerne la foi & les mœurs. Qu'il étoit donc d'avis qu'on le transférât feulement dans quelque autre ville où l'on pût être en fûreté; & là-deffus il fit lire le procès-verbal du promoteur du concile, & les confultations des deux médecins, & demanda enfuite aux peres quel étoit leur avis fur cette translation. Sur quoi plufieurs proteftérent qu'ils vouloient partir, & qu'il falloit permettre à tous de se

XXII.

tion des légats.

lib. 9. cap. 13. n.7.

hunc ann, n. 41.

retirer.

Le cardinal Pachéco, qui, dans l'absence de l'ambassaRemontrances deur de Charles V & du cardinal Madrucce, agiffoit pour ducardinal Paché l'empereur, répondit aux légats que l'affaire qu'on propoco fur la propofi. foit étoit des plus importantes & des plus difficiles, eu égard Pallav, ubifuprà, à la fituation des affaires & à la conjoncture des tems: Raynaldus, ad qu'il doutoit fort qu'il fût permis d'agiter cette question, fans avoir auparavant confulté le pape & l'empereur, puifque le concile n'avoit été affemblé que fur les demandes & par les foins du dernier ; que ne fe croyant pas affez habile pour donner fon avis fur le champ, il penfoit qu'il falloit y réfléchir avant de fe décider, & que cependant fi on le preffoit de fe déclarer, fa pensée étoit qu'on ne devoit rien entreprendre qu'après avoir été informé des deffeins du pape & de l'empereur, cette translation ne pouvant fe faire que de l'autorité du premier & du confentement des princes. Cet avis de Pachéco fut embraffé par tous les évêques Espagnols, les archevêques de la Torre & de Palerme, les évêques de Calvi, de Fiéfole, de faint Marc, de Siracufe, & quelques autres de la faction impé riale. Pour les autres, ils opinérent qu'il falloit pourvoir à leur fûreté & partir inceffamment, le fimple foupçon de pefte étant fuffifant pour autorifer leur départ. Pachéco voyant les fentimens partagés, demanda qu'on prît quel

que

que tems pour délibérer; ce qui lui fut accordé par les AN. 1547légats, qui, dans cet intervalle, gagnérent quelques évêques en faveur de la tranflation.

Le lendemain on tint une autre congrégation générale, où le cardinal de Monté dit qu'il avoit examiné, conjointement avec fon collégue, les différens avis que les peres avoient donnés dans la derniére congrégation; & qu'il croyoit que la fufpenfion du concile ne pouvoit être admife, parce que ce feroit en effet une diffolution tacite qui priveroit l'églife des avantages qu'elle commençoit à retirer, & qui feroient beaucoup plus grands dans la fuite. Qu'il n'approuvoit pas le départ des évêques qui s'étoient retirés, ni que d'autres penfaffent à les imiter; & que s'il falloit quitter Trente, comme plufieurs le fouhaitoient, il étoit plus convenable de transférer le concile dans un endroit commode & fain, qui ne fût pas fort éloigné, afin de faciliter l'arrivée des évêques Allemands, & où l'on pût aifément vivre. Enfuite il propofa la ville de Boulogne, comme celle qui lui paroiffoit renfermer ces avantages. On ajoute que le cardinal de Monté dit, que dès le tems de l'ouverture du concile, il avoit eu le pouvoir de propofer cette tranflation, & qu'il fit lire la bulle par laquelle le pape lui donnoit ce pouvoir : elle étoit conçue en ces

termes.

Paul évêque, ferviteur des ferviteurs de Dieu: A notre vénérable frere Jean-Marie, évêque de Palestrine, & à nos bien-amés fils, Marcel, du titre de Sainte-Croix en Jérufalem, & Regnault, du titre de Sainte-Marie en Cofmédin, diacres cardinaux, & nos légats à latere & du fiége apoftolique : Salut & bénédiction. Nous trouvant par la difpofition de Dieu prépofés au gouvernement de l'églife univerfelle, quoiqu'avec un mérite pcu proportionné à un fi haut emploi : nous eftimons qu'il eft de notre devoir dans les chofes importantes qui fe préfentent à régler pour le bien du christianisme, d'avoir égard qu'elles fe traitent non feulement dans un tems convenable, mais auffi dans un lieu propre & commode. C'est ce qui nous porte aujourd'hui, après vous avoir depuis quelque tems nommés & députés, par l'avis & du confentement de nos vénérables freres les cardinaux de la fainte églife Romaine, légats à latere, de notre part & du fiége apoftolique, ainsi qu'il eft plus Tome XX.

E

XXIII. Congrégation oùl'on délibére de

la tranflation du concile.

Pallav. ubi fuprà lib. 9. cap. 14.7, 13

Fra Paolo, hift. du conc. de Trente, liv.2. versùs finem,

XXIV.
Bulle de Paul
III pour
la tranf-

lation du concile.

Labbe in collect. conc. tom. 14. pag.

783.& feq.

AN. 1547. amplement contenu dans plufieurs & diverfes lettres que nous avons écrites à ce fujet, & vous avoir envoyés comme des anges de paix dans la ville de Trente au faint concile œcuménique & général, où nous ne pouvions aller, ni nous trouver en perfonne, poùr des empêchemens légitimes que nous avions alors; & lequel ayant été premiérement convoqué par nous dans ladite ville, de l'avis & du confentement defdits cardinaux, pour les causes alors exprimées; & puis ayant été enfuite, pour certaines autres causes auffi exprimées, fufpendu & remis, du même avis & confentement, à un autre tems plus propre & plus commode, dont nous nous réfervions la déclaration, étoit enfin jugé en état de pouvoir être célébré, fuivant l'avis & du confentement des mêmes cardinaux : la principale raison de fa suspension étant levée depuis la paix faite entre nos chers fils en Jefus-Chrift, Charles empereur, toujours augufte, & François, roi de France très-chrétien. C'est ce qui nous porte, voulant pourvoir comme il faut à ce qu'une œuvre fi fainte, telle que la célébration de ce concile,ne foit point arrêtée ou trop différée par l'incommodité du lieu, ou par quelque autre empêchement que ce foit, à vous accorder de notre propre mouvement & de notre certaine science & pleine puiffance apostolique, du même avis & confentement des cardinaux, comme par la teneur des préfentes nous vous accordons de l'autorité apoftolique, ou à tous trois ensemble, ou à deux d'entre vous, fi peutêtre le troifiéme fe trouvoit abfent ou légitimement empêché, plein-pouvoir & libre faculté de changer & tranfférer, quand vous le jugerez à propos, ledit concile de la ville de Trente, en telle autre ville plus commode plus propre & plus fûre qu'il vous plaira, & de le rompre & fupprimer dans ladite ville de Trente, de défendre même fous les peines & cenfures eccléfiaftiques aux prélats & autres perfonnes qui compofent ledit concile, d'y procéder plus outre dans ladite ville de Trente: comme auffi de continuer, tenir & célébrer le même concile dans l'autre ville où il aura été changé & transféré, & d'y appeller & convoquer les prélats & autres perfonnes qui le compofent, même fous les peines de parjure & autres exprimées dans les lettres de l'indiction du concile; de préfider audit concile, ainsi changé & transféré, au même nom

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&

par la même autorité que deffus; & d'y procéder & agir AN. 1547 dans toutes les chofes néceffaires qui concernent le fujetde l'affemblée: Enfin de régler, ordonner & exécuter ce que vous jugerez à propos, fuivant la teneur & le contenu

premiéres lettres qui vous ont été adreffées : déclarant que nous ratifierons & aurons pour agréable tout ce qui aura été fait, établi, ordonné & exécuté par vous à ce fujet; & qu'avec l'aide de Dieu nous le ferons observer inviolablement, nonobftant toutes conftitutions, ordonnances apoftoliques, & autres chofes à ce contraires. Que perfonne donc ne prenne la liberté de s'oppofer au préfent pouvoir que nous accordons, ni d'y contrevenir par une entreprise téméraire ; & fi quelqu'un fe rendoit coupable d'un tel attentat, qu'il fçache qu'il encourra l'indignation du Dieu tout-puiffant, & des bienheureux apôtres faint Pierre & faint Paul. Donné à Rome dans faint Pierre, le huit avant les calendes de Mars, l'an 1547.

Le cardinal Pacheco, peu content du deffein qu'avoient les légats de transférer le concile, & de ce qu'ils s'autorifoient de cette bulle du pape pour n'être point arrêtés dans cette tranflation, dit que cette action alloit irriter toute la chrétienté; qu'on les taxeroit avec raifon d'avoir agi très-précipitamment & fans un jufte fondement, puifqu'il ne s'agiffoit que de quelques fiévres ; qu'on taxoit de contagieufes & de pourprées pour mieux couvrir le deffein de fe tranfporter ailleurs. Qu'il s'étoit informé lui-même au curé de la paroiffe de faint Pierre, qui étoit très-nombreuse & remplie de petit peuple, des maladies dont on faifoit tant de bruit ; & qu'il en avoit appris que, depuis un mois, il n'avoit enterré que deux perfonnes, dont l'une étoit un enfant, & l'autre un hydropique. Qu'ayant demandé la même chofe aux autres curés, tous lui avoient répondu qu'il n'y avoit pas eu plus de quarante malades dans la ville, parmi lefquels il n'y en avoit que cinq que l'on eût foupçonnés être morts du pourpre. Que le concile pouvoit en nommer quelques-uns pour faire les mêmes informations, avant que de fe déterminer fur le feul témoi gnage de deux médecins étrangers, qui ne pouvoit prévafoir fur celui des médecins de la ville, qui penfoient autrement, & avoient refufé de foufcrire à l'avis des premiers, quoique Fracaftor les en eût priés, Qu'on ne devoit point

XXV.
Le cardinal Pa

checo veut encor
empêcher cette

tranflation. Pallav, ubi fup!

lib.9. cap. 14. n. 2.

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transférer le concile fans le confentement unanime des peres, fuivant la décision du cardinal Jacobatius, qui avoit écrit depuis peu fur cette matiére. Qu'enfin il ne falloit rien entreprendre fans fçavoir l'avis de l'empereur, qui, felon toutes les apparences, ne penferoit pas comme les légats, & ne voudroit pas ruiner fon propre ouvrage.

Le cardinal Cervin répondit en peu de mots à ces remontrances de Pacheco, que le rapport des médecins étrangers étoit inconteftable, & que leur fageffe & leur réputation le rendoit d'un plus grand poids que celui des médecins du pays que le deffein qu'on s'étoit propofé en indiquant le concile à Trente, étoit d'y attirer les Allemands; mais que cette raison ne fubfiftoit plus, depuis que les Proteftans avoient prononcé dans deux de leurs diètes, qu'ils ne regardoient point ce concile comme légitime, & qu'ils n'y vouloient point affifter: que les catholiques excufoient leur absence, tantôt fur la guerre, tantôt fur la crainte des hérétiques; & qu'il n'y avoit aucune espérance de les y voir à préfent que la pefte faifoit de fi grands ravages en Allemagne. Le cardinal de Monté reprenant les chofes de plus haut, dit qu'il étoit inutile de s'informer des curés pour fçavoir le nombre des morts, qu'il n'y avoit qu'à jetter les yeux fur les cimetières, où l'on voyoit beaucoup de foffes nouvellement couvertes; que pour rendre les effets de la maladie moins publics, & ne point allarmer les peres, il avoit défendu de fonner les cloches, & de faire les funérailles en plein jour. Qu'il n'y avoit aucune comparaifon à faire entre les médecins de la ville & Fracaftor, le plus habile de toute l'Italie; & que fi ceuxlà n'avoient pas voulu figner la confultation, c'étoit pour ne point allarmer les habitans, qu'ils avoient intérêt de ménager. Que quand on dit que, pour transférer un concile, il faut un confentement unanime des peres, on ne peut le prouver, ni par raison, ni par autorité, ni par aucune loi: furtout quand il y a une néceffité véritable, comme dans la conjoncture préfente, où il n'eft pas jufte d'expofer à la mort tous les membres d'un concile.

Cependant la plupart des évêques Efpagnols furent de l'avis de Pacheco: l'évêque de Badajox, entr'autres, s'ef força de montrer affez au long, qu'il étoit néceffaire de continuer le concile à Trente en faveur des Allemands,

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