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qu'on n'avoit déja établi qu'un petit nombre de dogmes AN. 1547. fur la foi, qu'il y en avoit moins fur la réformation des moeurs. Il fit une longue énumération de ce qui reftoit à examiner & montra que cette difcuffion ne pouvoit pas le faire fi commodément ailleurs. Enfin ceux qui étoient de fon avis, proteftérent que, n'y ayant aucun fujet légitime de quitter Trente, ils n'en fortiroient pas, & que l'autorité du concile fubfifteroit toujours & y demeureroit avec eux. Mais les légats autorifés du bref par lequel le pape leur donnoit le pouvoir de transférer le concile dans le tems & de la maniére qu'ils jugeroient à propos, perfiftérent dans leur fentiment.

On s'affembla donc le lendemain, dixiéme de Mars, pour délibérer dans quel lieu le concile feroit transféré; mais on fut un peu embarraffé pour fe déterminer. On fçavoit qu'il n'étoit pas poffible de faire choix d'aucun lieu fans la permiffion du prince à qui il appartenoit, & l'on ne fçavoit prefque à qui le demander. Dans cet embarras, on jugea qu'il étoit plus court & plus facile d'aller dans l'état eccléfiaftique; & ce fut alors que les légats propoférent la ville de Boulogne, qui fut agréée de tous ceux qui fouhaitoient la tranflation. Il n'y eut que ceux du parti de l'empereur qui s'y oppoférent, & peu s'en fallut qu'ils ne fiffent leur proteftation, mais on ne fit aucun cas de leur oppofition. Le cardinal de Monté fe chargea d'avoir l'agrément du pape ; &, quant à l'empereur & aux autres princes, il dit qu'en les nommant dans le décret, on fatisferoit au refpe& qui leur étoit dû: il ajouta même que, pour contenter ceux qui n'approuvoient pas la tranflation, on mettroit quelque mot qui feroit efpérer qu'on retourneroit à Trente. Avant que de finir cette congrégation on dreffa le décret dont on fit la lecture, & l'on indiqua la feffion pour le lendemain matin qui fut le onze de Mars; après avoir chargé Séverole, promoteur du concile, de s'informer encore plus exactement de la maladie contagieuse, & de l'intempérie de l'air.

La huitiéme feffion fe tint le lendemain, felon qu'elle avoit été indiquée. Les peres s'affemblérent dans la falle de la grande églife, revêtus de leurs habits pontificaux; &, après les cérémonies & les priéres accoutumées, le cardinal de Monté répéta, en peu de mots ce qu'il

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XXVIII: Huitième fel

fion où l'on ordonne la tranfla

tion du concile.

Pallav. ibidem.

Labbe colleɛt, concil.tom. 14.p.784. & feq.

AN. 1547.
Raynald, hoe ann.

n. 46.

Extat in decret.

cone. poft. fell. 7. & in actis archiep. Aquenf.

Spond.hoc ann.n.4.

XXIX.

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avoit dit la veille & deux jours auparavant. Il confirma que lui & fon collégue étoient affez difpofés à rester à Trente ou à en fortir, felon le jugement du concile quoiqu'ils euffent paru pencher pour ce dernier parti; mais il infifta enfuite fortement fur la maladie contagieufe que l'on difoit régner à Trente, fur le nombre des morts qu'elle avoit déja emportés, & fur le certificat des deux médecins étrangers, qui avoient déclaré que tout étoit à craindre fi l'on demeuroit plus long-tems à Trente: il infifta, dis-je, fi fortement fur cet article, qu'il fut aifé de juger qu'il penchoit encore pour le parti de la retraite, & que l'indifférence qu'il affectoit de montrer n'avoit rien de réel. Et, en effet, après avoir beaucoup parlé fur le fujet de la maladie, il fit lire le procès-verbal qui en avoit été dreffé, & la confultation des médecins. Après quoi il dit encore, qu'après cela il n'y avoit pas d'autre parti à prendre, que de faire lecture du décret pour transférer le concile à Boulogne, qui avoit été approuvé par le plus grand nombre des évêques dans la derniére congrégation. Il étoit Décret pour la conçu en ces termes. « Trouvez-vous bon, fur ce qui vous tranflat. du con- » a été expofé de la maladie qui court en ce lieu, & fur cile à Boulogne. ce qui en eft manifeftement & notoirement connu de Labbe, ut fupra,» tout le monde, d'ordonner & déclarer, que les prélats n'y pag.785, » pouvant demeurer fans péril de leur vie, ils ne peuvent » ni ne doivent y être retenus contre leur gré? & attendu >> auffi la retraite de plufieurs prélats depuis la derniére » feffion, & les proteftations de plufieurs autres dans les » congrégations générales, qui voulant abfolument se re» tirer auffi dans l'appréhenfion de cette maladie, ne peu» vent être retenus avec juftice; de maniére que par leur » départ, ou le concile feroit entiérement diffous, ou l'af» femblée fe trouveroit réduite à un fi petit nombre de prélats qu'il ne s'y pourroit rien faire; eu égard en» fin au péril évident de la vie, & autres raifons notoire» ment véritables & légitimes, alléguées par quelques-uns >> des peres dans lefdites congrégations: Trouvez-vous bon » d'ordonner & de déclarer, pareillement pour le maintien » & conservation du concile, & pour la fûreté de la vie » des mêmes prélats, qu'il eft néceffaire de trausférer le con»cile pour un tems en la ville de Boulogne, comme au » lieu le plus en état, le plus fain & le plus propre; &

Pallavic.ibid.n.2.

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XXX.

Oppofitions de Pacheco, & des

à

évêq. Elpagnols
ce décret.
du conc. de Trente,
liv. 2. p. 250.
lib. g. cap. 15.n.3.

Fra-Paolo, hift

Pallav. ubi fup:

qu'il y foit dès-à-préfent transféré ? Que la feffion, déja AN 1547. » affignée au 29o. d'Avril, y foit tenue & célébrée, & » qu'on continue d'y examiner les matiéres, jufqu'à ce qu'il » foit jugé à propos par le très-faint pere & le faint concile, » qu'il foit ou remis en ce lieu, ou transféré en quelqu'au»tre, après en avoir communiqué avec l'invincible empe» reur, le roi très-chrétien, les autres rois & princes_chré»tiens?». Ils répondirent: Nous le trouvons bon: Placet. Ce décret fut approuvé par trente-cinq évêques & trois généraux d'ordres. Mais le cardinal Pacheco, à la tête de quinze évêques, (fçavoir, Tagliava archevêque de Palerme, Viguier de Sinigaglia, Martel de Fiéfole, Martiran de faint Marc, de Hérédia de Boffe, Fonféque de Caftellamare, de Salazar de Lanciano, de Boulogne de Syracufe, Navarre de Bajadox, Jacques de Alva d'Aftorga, Auguftin d'Huefca en Arragon, Bernard Diaz de Calahorra, Antoine de la Croix des Canaries, Balthazar de Limpo de Porto en Portugal, Galéas Florimond évêque d'Aquin,) s'oppoférent au décret; & Pacheco dit que les témoins n'avoient pas été légitimement interrogés, le promoteur n'ayant reçu aucun ordre des peres du concile, dont plufieurs demandoient que ce foin fût commis à des évêques. De plus que ces témoins avoient affuré ce qu'ils ignoroient, puifque l'évidence convainquoit leurs dépofitions de fauffeté; qu'enfin les peres qui étoient du fentiment contraire, n'avoient point été appellés. Il ajouta qu'on devoit avoir moins d'égard à la décision de deux médecins étrangers, qu'au jugement des habitans; que le départ de plufieurs prélats venoit plutôt d'ennui que de l'appréhenfion du danger; que le nombre des fuffrages pour la tranflation n'étoit pas fuffifant, n'allant pas aux deux tiers, fuivant la décision du concile de Conftance, parce que d'autres évêques s'étoient joints aux Efpagnols; & que quand il y auroit une vraie néceffité de fe tranfporter ailleurs, c'étoit une ville d'Allemagne qu'il falloit choifir, parce qu'il n'eft pas permis de paffer d'une province dans une autre. Qu'il étoit donc d'avis qu'on prorogeât la feffion, pour fournir aux peres un moyen de fe délasser, & de se délivrer de la vaine appréhenfion qu'ils avoient.

Les autres prélats Efpagnols confirmérent ce que venoit de dire Pacheco; & l'évêque de la Torre dit, qu'il étoit

AN. 1547. dangereux pour la religion de transférer le concile, dans un tems où les victoires de l'empereur faifoient espérer de voir bientôt une réduction entiére de toute l'Allemagne : qu'il étoit prêt de fe foumettre, quand l'autorité du inpape terviendroit; mais qu'à son défaut, il s'en tiendroit aux raifons qu'il avoit de demeurer à Trente, & qui étoient conformes aux canons. L'évêque d'Aftorga ajouta qu'il n'y auroit aucune liberté à Boulogne: & tous les autres infiftérent fur le défaut d'autorité dans les légats, affurant qu'il falloit être auparavant informé des réfolutions du pape & de l'empereur fur cette tranflation. Mais Michel Sarrafin, archevêque de Matera, combattit toutes les raisons des Efpagnols, quoiqu'il fût fujet de Charles V, & s'appliqua à juftifier la conduite des légats, dans le parti qu'ils avoient pris de transférer le concile. Sur ce qu'on avoit objecté du concile de Conftance, qui défendoit ces fortes de tranflations fans le confentement des deux tiers, Campegge, évêque de Feltri, dit qu'un concile poftérieur comme celui de Trente, pouvoit réformer ce qu'un concile antérieur avoit établi; mais tous ces raifonnemens étoient inutiles, puifque la translation avoit été concluè par plus des deux tiers des fuffrages. Les évêques de Brentinove & de Saluces réfutérent auffi ce que celui de la Torre venoit de dire; & celui qui parla, dit-on, le mieux, fut Marc Viguier, évêque de Sinigaglia.

XXXI.
La translation

eft approuvée de
trente-huit pré-
Pallavicin ubi

lats.

fuorà, lib. 9. cap.

15. n. 10.

Il dit qu'il croyoit néceffaire de transférer le concile ; mais que, pour concilier les efprits & les amener à l'unité, iĺ il jugeoit à propos de ne point laifferles peres partir de Trente, qu'ils ne s'obligeaffent par ferment à y revenir, dès que le pape & le concile croiroient leur retour avantageux à la religion: Que fi cela ne fuffit pas pour éviter un fchifme entr'eux, & pour mettre les peres d'accord, il valoit mieux mourir à Trente, que de caufer la moindre divifion dans l'église en voulant conferver sa vie. Claude de Guiche, évêque d'Agde, dit qu'il n'avoit point encore pris de refolution fur ce fujet; & comme Pacheco le preffoit de fe déterminer, fe flattant peut-être que le fuffrage de ce prélat entraîneroit ceux de fa nation, un auditeur de la chambre apoftolique, lui oppofa qu'il étoit permis à chacun de mettre en usage l'ancienne formule, Non liquet : Qu'il en foit plus amplement informé, Enfuite le fecrétaire Maffa

rel

XXXII.

Départ des peres fendre à Boulo

de Trente pour fe

gne.

rel recueillit les voix, & de cinquante-cinq peres qui AN. 1547. étoient préfens, trente-huit opinérent pour la tranflation. Le décret de la tranflation du concile ayant été ainfi approuvé, les légats & les évêques qui leur étoient favorables fe difpoférent à partir le lendemain douziéme de Mars, pour le rendre à Boulogne. Leur départ fe fit avec les cérémonies ordinaires ; ils étoient précédés de la croix, & ils arrivérent dans cette ville le vingtiéme du même mois, avec un grand nombre d'évêques Italiens. Les Efpagnols & les fujets de Charles V ne voulurent pas quitter Trente, où ils attendoient, difoient-ils, les ordres de ce prince. Les ambaffadeurs du roi de France étoient partis dès le milieu du mois de Février, & s'étoient reti rés à Venife, prévoyant les troubles que cette translation dont on parloit déja, cauferoit dans le concile.

L'évêque de Fiéfolve étoit demeuré à Trente avec ceux dont on vient de parler; mais fa conftance ne dura pas. li fut d'abord ébranlé par les reproches que lui en fic le premier légat; & bientôt après, croyant avoir tout perdu, il fe hâta de faire fa paix avec la cour de Rome qu'il croyoit très-irritée; & pour y réuffir plus fûrement, il employa le crédit de fes amis les plus puiffans, entr'autres, celui des cardinaux Polus & Rodolphe. Enfuite, ayant reçu une lettre du cardinal Farnèse à ce fujet, il partic aufi-tôt pour Boulogne. Les évêques d'Agde & de Porto confervérent leur neutralité, & quittérent Trente pour s'en aller à Boulogne. Le premier, que François I avoit nommé avant fa mort à l'évêché de Mirepoix, fe rendit à Ferrare pour attendre les ordres du roi: mais ce prince étant mort, & Henri II fon fils qui lui avoit fuccédé, n'étant pas encore au fait des affaires, ce prélat demeura dans le lieu de fa retraite jufqu'au mois de Septembre, qu'il eut ordre de s'en aller à Boulogne avec les ambassadeurs de France. Dans le même tems, on y vit auffi arriver l'évêque de Porto, qui jufqu'alors étoit demeuré à Trente; mais la mort de deux de fes domeftiques étant arrivée en moins de trois jours, il ne penfa plus qu'à fe retirer, & à s'aller joindre aux évêques Italiens à Boulogne.

Pendant que les partifans de la cour de Rome combloient de louanges la conduite des légats, d'avoir délivré Tome XX.

F

Pallav, ibid. lib.

9 cap. 17.
Trid. p. 214. apud
Raynald, hoc anne
n. 53 & 54.

In diario conc:

XXXIII: Jugement qu'on porte à Rome de

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