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le fiége apoftolique des infultes auxquelles ils prétendoient
qu'il étoit exposé à Trente, & de l'avoir transféré dans
une ville fujette au pape : les Espagnols & les Impériaux
témoignérent leur indignation contre ce parti. Ils en
accufoient principalement le cardinal Cervin
& ils pu-
blioient que cette tranflation, faite malgré les évêques
de leur nation & fans avoir confulté leur fouverain
feroit très-pernicieufe au pape & à la cour de Rome. Ils
difoient au contraire, qu'elle ne pouvoit tourner qu'à
l'avantage de l'empereur, qui fe voyant ainfi méprisé par
Paul III, fe regarderoit par-là délivré de maintenir l'au-
torité pontificale, & pourroit plus facilement s'accommo-
der avec les Proteftans, au préjudice du faint fiége. Le
pape lui-même n'eut pas plutôt reçu la nouvelle de cette
tranflation, qu'il fe fentit agité de mouvemens différens.
L'idée du bien qui lui en revenoit le combla d'abord de
joie. Il affembla la congrégation des cardinaux établie pour
les affaires du concile. Il loua fort le parti qu'avoient
pris fes légats; il approuva leur conduite, comme remplie
de fageffe & de prudence. Tous les cardinaux lui applau-
dirent à l'exception de trois dont deux étoient Espa-
gnols, les évêques de Burgos & de Coria, & l'autre Salo-
det qui étoit Italien: & fur ce que ces trois prélats lui
dirent, qu'il auroit fallu ne rien faire fans l'avoir aupa-
ravant communiqué à l'empereur, il répondit avec émo-
tion qu'on avoit très-bien fait, & qu'il étoit inutile de
différer, après avoir attendu en vain les Allemands à Tren-
te depuis deux ans. L'évêque de Coria ayant voulu ré
pliquer Il faut qu'un homme de votre état lui dit le.
pape, foit exempt d'affections humaines.

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Il ne parla ainfi en public que pour autorifer fes légats contre les accufations de leurs adverfaires. Mais fes penfées étoient bien différentes: il prévoyoit les troubles que cette tranflation alloit exciter. Et comme il aimoit fort le repos, auquel il étoit plus porté par fon penchant que par fon grand âge, l'événement modéra beaucoup fa joie, & lui fit diminuer de l'approbation qu'il avoit donnée d'abord à fes légats. Il leur fit même écrire par Maffée que s'ils avoient différé cette tranflation de deux mois feulement, elle lui auroit été beaucoup plus agréable, parce qu'en deux feffions on auroit achevé toutes les matiéres

qui concernent les dogmes de la foi & la réformation des AN. 1547. mœurs; & qu'alors on auroit pu non feulement transférer le concile, mais même le diffoudre; qu'il ne lui fembloit pas qu'on dût aujourd'hui précipiter l'examen des matiéres, eu égard à l'état préfent du concile, puifque, dans les deux derniéres feffions, on avoit pris toutes les mesures néceffaires pour maintenir la dignité du faint fiége & le respect qui lui eft dû. On leur apprenoit auffi par la même lettre les plaintes du cardinal Pacheco, qui avoit écrit à Rome que rien n'étoit plus mal fondé que le bruit qu'on avoit fait courir de la maladie contagieufe à Trente, & que l'empereur demandoit avec inftance qu'on y rétablît le concile. Cette lettre de Maffée étoit datée du dix-neuviéme de Mars. Le légat Cervin y répondit. auffitôt, & s'efforça de fe juftifier fur ces reproches: fa réponse eft du vingt-fixiéme du même mois.

Il y répète une partie de ce que l'on a déja rapporté, puis il ajoute: Comme le concile a été transféré à Boulogne du confentement du pape, il peut auffi le rétablir à Trente quand il le voudra: ce qui appaiferoit l'empereur. Je crois cependant qu'on ne doit rien précipiter, quand il s'agira de ce rétablissement, parce qu'il eft toujours fâcheux de révoquer ce qu'on a fait, quand la chofe eft importante. Si le pape eft dans ces fentimens il est de fa prudence d'écouter fes légats, qui lui apprendront ce qu'on n'ofe confier à l'écriture. Il ajouta qu'on ne peut rendre à l'empereur une réponse plus honnête, & fans courir aucun rifque, qu'en lui marquant que le concile ayant quitté Trente librement & de fon plein gré, il ne devoit y retourner que de la même maniére. Que delà il s'enfuivroit que l'empereur enverroit à Boulogne les évêques qui étoient restés à Trente, afin qu'ils ménageaffent le retour: ce qu'on pourroit perfuader aux peres plus facilement, en leur faifant efpérer par-là la réconciliation de l'Allemagne qui fe foumettroit aux décrets déja faits par le concile. Cervin difoit encore, que trois chofes étoient néceffaires pour accréditer le concile de Boulogne; la premiére, d'y envoyer un affez grand nombre de prélats pour compenfer l'abfence des Impériaux, & rendre la majefté de ce concile plus augufte: la feconde, que le pape vint lui-même à Boulogne, fi fa santé

XXXV. Réponse du car dinal Cervin au

pape

Pallav. ut fuprà,

cap. 17. n. 1.

AN. I 547.

XXXVI.

pereurfurla traní.

9. cap. 18. n. 1.

le lui permettoit, & qu'il y demeurât quelques mois, ou du moins qu'il en laiffât courir le bruit, fuppofé qu'il ne le pût faire à caufe de fon grand âge : la troifiéme, que les principaux dogmes de la foi ayant été déja décidés on employât le refte du tems à traiter feulement de la réformation des mœurs, ce qui feroit agréable à l'empe

reur.

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Le pape ayant fort goûté ces avis du cardinal Cervin, Plaintes de l'em. il envoya beaucoup d'évêques à Boulogne, répandit le lation du concile. bruit qu'il iroit lui-même, & en écrivit à l'empereur. Pallavic. ibid.lib. Pacheco avoit averti ce prince de la tranflation du concile, & l'avoit prié de lui faire fçavoir quelle conduite les évêques Espagnols tiendroient. Charles en ayant reçu la nouvelle quatre jours après que le décret eut été approuvé, c'est-à-dire, le feiziéme de Mars, avoit dépêché dans le moment un courier à Jean Véga, fon ambaffadeur à Rome, à qui il manda d'employer tous fes foins pour procurer au plutôt le retour du concile, afin qu'on fçût dans le public fon rétablissement auffi-tôt que le départ des peres: le pape n'ayant fait encore aucune bulle pour autorifer cette tranflation. L'empereur fe plaignoit en particulier qu'on eût transféré le concile fans fa participation; que c'étoit le moyen d'empêcher le fuccès de fes affaires en Allemagne, & le rétablissement de la religion. Que la qualité de protecteur des conciles, qu'il portoit, devenoit inutile: ne pouvant donner la même protection au concile affemblé à Boulogne, comme fi on l'eût continué à Trente. Les légats, pour juftifier la translation, répondirent auffi-tôt à ces lettres, dont ils envoyérent copie à Rome.

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Leur réponse se fit à l'infçu du pape, parce que l'affaire preffoit. Ils mandoient au nonce Véralle, que fa fainteté étoit fâchée qu'on n'eût pas continué le concile à Trente: mais qu'ils n'avoient pu y demeurer fans être expofés à tous momens à la mort, eux & tous les peres, plufieurs ayant été emportés par la violence du mal contagieux. Qu'ils fe flattoient que, fi l'empereur vouloit examiner les chofes par lui-même, il connoîtroit qu'ils n'avançoient rien que de vrai; & ne cefferoit pas pour cela de travailler à foumettre cette partie de l'églife d'Allemagne, dont Dieu l'avoit rendu maître. Que le pape offroit en fon nom & en celui

:

'du concile, d'embraffer tout ce qui pourroit conduire cette bonne œuvre à fa perfection. Que le même concile ayant quitté Trente très-librement, avec les fuffrages de plus des deux tiers, fi on le forçoit d'y retourner, ce feroit lui ôter · toute fon autorité & pour le paffé & pour l'avenir, & le priver de cette liberté que le pape lui avoit toujours confervée. Outre que, dans un tems où la maladie continue de régner, il n'est pas jufte de s'expofer à de nouveaux périls. Qu'au refte, auffitôt que le concile fe fera déterminé librement de lui-même, ou à retourner à Trente, ou à fe tranfporter ailleurs; le pape y confentira d'autant plus volontiers, qu'il fçait que l'empereur le fouhaite mais que, pour en venir à l'exécution, il faut que le concile fubfifte entiérement où il a été ft légitimement transféré; que les peres qui font reftés à Trente, fe rendent à Boulogne ; que cette derniére ville n'eft point fufpe&te, qu'ils y jouiront d'une liberté entiére, qu'ils y feront environnés de pays très-affectionnés à l'empereur, & qu'ils y trouveront des citoyens attentifs à leur fournir toutes les commodités de la vie. Que fa majesté Impériale pourroit même s'y rendre avec le pape, pour confirmer ce que le concile ordonneroit d'utile à l'églife & à l'extirpation de l'héréfie. Que fi ce prince affure qu'il eft de fon devoir de protéger le concile, cela ne doit s'entendre que quand il y a néceffité, & que les peres l'exigent; ce qui ne fe rencontre pas à Boulogne, où le pape eft maître & pere commun. Les légats mandoient encore au nonce de prier l'empereur de n'ajouter aucune foi aux calomnies que des efprits brouillons débitoient pour le prévenir contre le pape, & d'être perfuadé que fi le faint pere ne lui accorde pas toujours ce qu'il demande, il ne le fait que par la néceffité & pour le bien de la religion.

Dès le vingt-cinquiéme de Février, le pape avoit nommé un légat pour être envoyé auprès de l'empereur, afin de concerter avec ce prince la réconciliation de l'Angleterre à l'églife. Un mois après, ayant appris la mort de François I, il nomma un cardinal pour aller complimenter fon fucceffeur Henri II fur la perte qu'il venoit de faire, & fur fon avénement à la couronne. Le nonce Véralle étoit auffi à Ulm auprès de Charles V, lorfqu'il reçut un courier du pape, qui lui mandoit de fonder ce prince s'il vouloit recevoir fon legat, & lui ordonnoit de lui lire fa lettre. Le

AN. 1547

XXXVIII. L'empercur té moigne au nonce du pape, son ref

fentiment.
Pallav. ut fup!

lib. 9. cap. 9. n. 14

AN. 1547.

XXXIX.

Le nonce lit à ce prince la lettre du pape.

Pallav. ut fuprà, cap. 19. n. 3. & 4.

nonce n'eut pas plutôt reçu ces ordres, qu'il alla trouver l'empereur; mais il trouva ce prince fort irrité, & fi prévenu contre tout ce qu'on pouvoit lui dire, qu'il refufa d'abord de l'entendre. Comme le cardinal Madrucce étoit allé joindre ce prince auffi-tôt après le départ des prélats pour Boulogne, on le loupçonna d'être la caufe de cette préven tion. On publia même que ce car dinal étoit fâché de la tranflation, parce que, fi le faint fiége eût vaqué pendant qu'on tenoit le concile à Trente, l'élection d'un pape fe feroit faite dans fa ville, & que par-là il auroit pu avoir bonne part au pontificat. Quoi qu'il en foit, deux choses avoient offenfé l'empereur. 1°. Le fpécieux prétexte qu'auroient les Allemands de rejetter le concile, pour la convocation duquel on n'avoit pas obfervé ce qui avait été réfolu dans les diètes; ce qui le mettoit dans l'impoffibilité de réduire les Proteftans, & de procurer la paix dans l'empire. 2°. Le mépris qu'on avoit fait de fa dignité, en transférant le concile dans une autre ville fans l'avoir confulté.

2

Le pape, qui fentit bien que ce prince ne devoit pas être content de ce qui s'étoit fait, cherchoit à l'adoucir dans la lettre qu'il lui écrivit, & à s'excufer lui-même. Je n'ai eu aucune part, lui mandoit-il, à ce qui s'eft fait à Trente: mes légats, preffés par la néceffité, ont agi d'eux-mêmes. La plupart des évêques étant déja partis & les autres tout difpofés à le faire il a été plus à propos de transférer le concile, que de le diffoudre entiérement. J'ai eu affez de chagrin qu'on n'ait pu refter à Trente pour y continuer le concile, qui commençoit à être fi avantageux à la religion pour l'établiffement des dogmes de la foi, & de la réformation des mœurs ; & je fuis perfuadé que fi votre majefté connoiffoit les juftus raifons que les légats ont eues de faire cette tranflation, ayant autant de religion qu'elle en a, elle se soumettroit aux ordres de la providence, & prendroit des mefures avec moi pour le bien & les intérêts de la religion. Mais l'empereur ayant entendu lire cette lettre, peu content des raifons que le pape y apportoit, & ne les regardant que comme des vaines paroles fans fondement, répondit avec chaleur au nonce, qu'on ne lui perfuaderoit jamais que le concile eût été transféré fans la participation du pape; qu'il ne s'en tenoit qu'aux actions, & non aux paroles. Et parce qu'il croyoit que le légat

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