Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AN 1547.

XLVII. L'électeur de

Brandebourg obtient la grace du prifonnier. Sleidan ubi fuprà.

De Thou, hift. ibid.

Heiff. hift. de l'empire, tom. 1. liv. 3.

pag. 388.

[ocr errors]
[ocr errors]

» faut que je meure, Wittemberg ne fe rendant pas ? car » c'eft cette place qu'on demande, & non pas ma vie. Au reste, » tout ce procédé ne m'étonne point: & Dicu veuille que » ma femme, mes enfans & mes amis, que mes malheurs exposent à un plus grand péril, ne s'épouvantent pas plus que moi; car tout ce qu'on donnera à l'ennemi, à ma » considération, fera perdu pour eux, & ne me fervira de » rien. Un vieillard déja caffé & qui doit mourir bientôt, » n'a pas besoin d'un petit nombre de jours qu'on peut » lui accorder pour prolonger fa vie. S'il m'étoit donc » permis d'opter, j'aimerois mieux mourir promptement, & » laiffer à mes enfans ce qui leur refte, que de vivre plus long-tems & les voir dépouillés de tout. Je n'empêche pas » néanmoins qu'ils ne fatisfaffent & à la piété paternelle » & à leur defir, pourvu qu'ils ne fongent pas tant à moi, » qu'ils oublient leur propre confervation. » Après ces paroles, fe tournant vers fon page, il lui dit de lui apporter un jeu d'échecs & s'étant mis auffi-tôt à jouer avec le duc Erneft de Brunswick, il témoigna beaucoup de joie de lui avoir gagné deux parties.

[ocr errors]

Joachim, électeur de Brandebourg, qui étoit à une demijournée de Wittemberg, averti par la ducheffe Sybille de la fentence qu'on avoit rendue contre fon mari, fe rendit auffi-tôt au camp avec Erneft, le duc de Clèves, & d'autres. Durant quatre jours entiers, ces princes ne firent autre chole que courir de la tente de l'empereur à celle du prifonnier, pour tâcher de trouver quelque voie d'accommodement; & après de très-fortes instances, Charles V accorda la grace du criminel à ces conditions, que Jean Frédéric ratifia lui-même: le dix-huitiéme de Mai: Qu'il renonceroit à la dignité électorale, tant en fon nom, qu'en celui de fes enfans, permettant à l'empereur d'en dispofer comme il le jugeroit à propos. Qu'il remettroit entre les mains de ce prince Wittemberg & Gotha, avec leurs canons, & un tiers des munitions de bouche; qu'il feroit permis aux garnifons de fe retirer où elles voudroient en pofant les armes. Qu'il mettroit en liberté le marquis Albert de Brandebourg, au quel on rendroit tout ce qui lui auroit été pris: que l'empereur en uferoit de même à l'égard du duc Erneft de Brunswick & de fon fils. Que Frédéric reftitueroit aux comtes de Mansfeld & de Solms, & au

&

grand-maître de l'ordre de faint Jean en Pruffe, tout ce qui AN. 1547. leur avoit été pris dans cette guerre. Qu'il renonceroit à tous fes droits fur Magdebourg, Halberftat & Hall; avec promeffe de fe foumettre à la chambre impériale, de contribuer à l'entretien des officiers de cette chambre, de faire relâcher le duc Henri de Brunfwick & fon fils que le lantgrave tenoit prifonniers, fans pouvoir intenter aucune action contre eux. Qu'il fe déporteroit de toute alliance faite contre l'empereur & le roi des Romains, & qu'il n'en feroit aucune à l'avenir fans les y comprendre. Qu'il lui feroit réservé cinquante mille écus de pension annuelle, tant pour lui, que pour fes héritiers & defcendans à perpétuité, à prendre fur l'électorat & autres terres qui feroient remises au duc Maurice. Que fi fa majesté impériale y vouloit confentir, il pourroit prendre pour lui & pour les héritiers la ville de Gotha, à la charge qu'il en démoliroit les fortifications, fans en pouvoir faire de nouvelles. Enfin que, fous ces claufes & conditions, l'empereur vouloit bien ufer de clémence envers l'électeur, lui faire grace de la vie, & le tenir quitte de la peine à laquelle il avoit été condamné, & de toute autre peine corporelle; à condition toutefois qu'il demeureroit en la garde de l'empereur, ou en celle du prince d'Efpagne fon fils, & fatisferoit aux autres conditions du traité, en exécution duquel la ville de Wittemberg feroit remife au pouvoir de l'empereur, après que la princeffe Sybille de Clèves, femme du prifonnier, fon fils aîné & fon beau-frere, s'en feroient retirés avec la garnison.

On avoit mis au commencement de ce traité, que l'électeur s'obligeroit d'observer les décrets que l'empereur ou le concile feroient touchant la religion; mais voyant qu'il n'y avoit aucun moyen de l'y faire confentir, quelques menaces qu'on employât pour l'y contraindre, l'empereur fit effacer cet article.

XLVII.

Le duc Maurice

eft mis en poffef

fion de Wittem

berg.

Trois jours après, le duc Erneft frere de l'électeur, fes enfans & fes confeillers, étant fortis de Wittemberg; le prifonnier remit aux trois mille fantaffins, & aux deux cens chevaux qui étoient dans cette ville, le ferment qu'ils lui avoient fait, & leur commanda de fe retirer dans trois jours. Le neuviéme de Mai, trois régimens du colonel pag. 668. Madrucce entrérent dans la ville. Et le même jour la femme

De Thou, hift, ibidem.

Sleidan, lib. 19:

Belcar. ibid. ut fuprà, n. 39.

AN. 1547. de l'électeur, accompagnée de Catherine femme du duc Erneft, vint trouver l'empereur, à qui elle demanda avec beaucoup d'inftance, & en répandant beaucoup de larmes, de permettre à l'électeur de paffer le refte de ses jours avec elle, puifque Dieu les avoit unis pour vivre & mourir en femble. L'empereur lui reprocha avec affez de force les fautes de l'électeur, & par combien de titres il avoit mé rité la mort: & il lui dit, que fi elle vouloit fuivre fon mari, il le lui permettoit; mais qu'il ne pouvoit lui accorder de la laiffer vivre avec lui, dans les lieux qu'il lui laiffoit en Saxe. L'électrice ne pouvant rien obtenir davantage, alla trouver fon mari pour le confoler; & de-là elle fe rendit à Wittemberg, pour y recevoir l'empereur; qui y fit fon entrée le vingt-fixiéme de Mai. Ce prince alla voir l'électrice, & lui fit beaucoup d'accueil; & peu de jours après, elle fortit de Wittemberg avec tout ce qu'elle y avoit, & les habitans l'accompagnérent en pleurant. Le duc Maurice y entra le fixiéme de Juin, & étant venu droit au château, il y appella le lendemain les bourg meftres & le confeil de la ville, dont il reçut le ferment de fidélité; & il n'omit rien de ce qui fut en fon pouvoir, pour gagner l'affection de tous. Il confirma les priviléges dont ils étoient en poffeffion, il promit de faire rétablir l'univerfité; il fit revenir les payfans qui s'étoient retirés,' & leur promit des matériaux pour bâtir & du grain pour femer, fans rien exiger des pauvres. Pour faire plaifir à l'empereur, il mit en poffeffion de l'évêché de Naumbourg Jules Phlug, que l'électeur Jean Frédéric avoit chaffé fix ans auparavant; & en exclut Nicolas Amstorf, qui y avoit été installé par Luther. L'on donna en même tems Frédé ric, fils de l'électeur de Brandebourg, pour coadjuteur à l'évêque de Magdebourg, qui avoit traité l'année précédente avec l'électeur Jean Frédéric, & lui avoit cédé toutes fes terres contre la volonté de fon chapitre. L'on célébra à Rome la victoire de l'empereur avec beaucoup de pompe par des proceffions folemnelles. Le pape Paul III fur-tout en témoigna une joie extrême; & comme il avoit fait publier auparavant un jubilé pour l'extirpation de l'hérésie ; il en fit alors publier un nouveau pour rendre des actions de graces à Dieu des avantages que venoit de remporter l'empereur fur les hérétiques.

;

AN. 1547.

XLIX
Onveut établir

l'inquifition à Na-
ples.
De Thou. hift.
versus finem lib. 3•

3.

Fra Paolo, hift.

du conc de Trente, lib. 3. p. 253.

D. Antonio de Vera hift.de Char

L'empereur étant encore à Wittemberg, reçut un courier de D. Pedro de Tolède, viceroi de Naples, qui lui donnoit avis de la fédition arrivée en cette ville, à l'occafion de l'inquifition qu'on vouloit y établir. Depuis longtems le pape Paul III preffoit l'empereur d'ériger ce tribunal dans Naples, pour y arrêter les progrès de l'héréfie. Ce prince s'en étoit toujours excufé, mais enfin il fut fi fortement follicité par le cardinal Farnèle, neveu du pape, qu'il eut la foibleffe d'y confentir: il en écrivit au viceroi, les V. pag. 267, & lui ordonna d'établir l'inquifition dans ce royaume, de concert avec Raynaud Farnèfe, archevêque de Naples, autre neveu du pape. De Tolède, après en avoir conféré avec ce prélar, conclut avec lui qu'on publieroit dans l'église cathédrale un jour de fête, la bulle du pape fur la néceffité d'établir l'inquifition, fans faire autre chose cette premiére fois, pour voir ce que le peuple en penferoit. La bulle fut publiée le matin du troifiéme d'Avril qui étoit le dimanche des rameaux : & le peuple n'y ayant pas fait beaucoup de réflexion, parce qu'il étoit occupé aux cérémonies de la femaine fainte, le viceroi & l'archevêque crurent qu'ils pouvoient aller plus loin, & établir ce tribunal dans toutes les formes. De Tolède fit affembler au son de la cloche dans la même église le parlement, les députés des cinq fiéges au nombre de fix de chacun, & les élus du peuple.

S'étant rendu lui-même dans cette affemblée, il déclara que l'intention de l'empereur, conformément à celle du pape, étoit d'établir dans le royaume le tribunal du faint office qu'on jugeoit très-néceffaire pour empêcher l'héréfie de s'y introduire. Le parlement ayant oui cette propofition, commença à murmurer, & répondit feulement qu'on en délibéreroit. Le lendemain on envoya au viceroi douze députés, pour lui déclarer que la ville ne vouloit point d'un tribunal dont le feul nom infpire de la frayeur, & qu'on ne pouvoit au plus exiger que dans un pays hérétique, & non pas dins un royaume où il n'y avoit que des Catholiques. Malgré ces remontrances, le viceroi, de concert avec Farchevêque, firent publier le quatriéme Mai au matin un édit pour l'établiffement du faint office, déclarant que ce tribunal feroit dreffé dans le palais archiepifcopal; & l'édit fut affiché à la porte de l'églife cathédrale.

A la vue de cette affiche, toute la ville fe fouleva; &

L:

Sédition arrivée à cette occafion,

AN. 1547.

Pallav. hift.conc. Trid. lib. 1o. c. 1.

П. 4.

LI.

Amniftie accor

dée par l'empe

un certain Thomas Anello de Sorente, accompagné d'une grande multitude de peuple, courut à l'églife cathédrale déchira l'édit, & peut s'en fallut que le palais archiepifcopal ne fût pillé. Le viceroi fit tous fes efforts pour appaifer la fédition; mais le peuple protefta qu'il ne quitteroit jamais les armes, tant qu'on parleroit d'inquifition. Le viceroi, ayant mandé les chefs des vingt-neuf quartiers de la ville, tâcha de les appaifer; & leur promit, par un écrit figné de fa main, qu'on ne feroit plus aucune mention de ce tribunal. L'on en fit durant trois jours des feux de joie, & l'on dépêcha auffi-tôt à l'empereur le prince de Salerne, avec Placide de Sangro, homme de grande qualité; ce qui ne plut pas au viceroi, qui haïffoit extrêmement ce prince. Mais deux jeunes-gens ayant dit quelques injures, & Jetté des pierres à quelques partifans du viceroi, celui-ci voulut user de févérité; ce qui renouvella la fédition le vingt-cinq de Mai. Les corps-de-gardes furent mis dans les rues, le peuple fut toute la nuit fous les armes. L'accommodement fe fit par l'entremise du prince de Bisignano, & de l'évêque fon frere; & l'on convint qu'on oublieroit le paffé, & qu'il ne fe feroit aucune innovation, jufqu'à ce que les députés, tant de la ville que du viceroi, fuffent revenus de la cour de l'empereur. Comme le député du viceroi arriva le premier vers Charles Quint, il prévint fi fort l'efprit de ce prince contre les habitans, que leurs députés ne purent avoir audience, & que l'empereur commença à donner contr'eux des ordres févéres. Cependant Sangro, un de ces députés, fit tant d'inftances, que Charles V fut obligé de l'écouter; mais il le renvoya fi peu content, qu'étant de retour à Naples avec fon compagnon, la fédition recommença avec plus de violence qu'auparavant : & l'on fe feroit porté à des extrémités fâcheufes contre la nobleffe, fans le crédit & l'autorité de Caraccioli, qui modéra l'ardeur du peuple, en lui racontant la fable du loup & des

brebis.

L'empereur, craignant que les Napolitains n'appellaffent les François & ne fe miffent fous la protection de Henri rear, & fin de la II, confentit enfin à l'exclufion du tribunal du faint office, & à pardonner à tous les habitans, excepté un petit nombre qu'il nommoit. Auffi-tôt que l'abolition fut publiée, cette multitude de révoltés fe diffipa, & chacun quitta les

rédition.

armes.

« AnteriorContinuar »