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nouveau, mais tout-à-fait conforme à l'inftitution de Jefus- AN. 1554. Christ & à la pratique de l'ancienne églife; que ce n'étoit ni orgueil, ni amour de la nouveauté, qui les portoient à fouhaiter qu'on pourvût par cette grace au repos de leurs confciences: que véritablement ils le reconnoiffent pour le fouverain magiftrat qui pouvoit attendre d'eux toute forte d'obéiffance; mais que puifque cette affaire concernoit la gloire de Dieu, ils le prioient de ne pas fouffrir qu'on forçât leurs confciences, & qu'on les privât plus long-tems d'un fi grand bien.

Quelque tems auparavant, un certain Jean Frifius, abbé du monaftére de Newftad dans l'évêché de Wirtzbourg, étant foupçonné de Luthéranifme, fut cité le cinquiéme de Mai, pour fe rendre fix jours après à Wirtzbourg, afin d'y répondre aux demandes qu'on devoit lui faire. Ces demandes étoient: S'il étoit permis de jurer; fi en jurant on eft obligé à fon ferment; s'il eft libre de faire les voeux de chasteté de pauvreté & d'obéiffance, & fi ces vœux obligent; fi le mariage convient mieux aux miniftres de l'églife, que le célibat t; s'il y a une feule églife, vraie & apoftolique ; fi elle est tou-jours gouvernée par le Saint-Efprit, comme l'époufe de JesusChrift; fi fes décrets font toujours véritables; fi, pour les erreurs & les abus qui y paroiffent, on doit l'abandonner fi elle est justement appellée Romaine, à caufe de fon chef qui eft vicaire de Jefus Chrift; fi tous les livres de l'ancien & du nouveau teftament, qui fe trouvent dans le canon, font légitimes; fi l'écriture-fainte fe doit interpréter felon le fentiment des faints peres, des conciles & des docteurs de l'églife, plutôt que fuivant Luther & fes difciples; fi outre l'écriture-fainte on doit admettre les traditions des apôtres & d'autres, & s'il faut y ajouter foi, autorité & obéiffance comme à la fainte-écriture; fi dans les chofes politiques on doit obéir au magiftrat civil, & dans les chofes fpirituelles au magiftrat eccléfiaftique; s'il y a fept facremens; fi on doit baptifer les enfans; fi dans l'administration du baptême on doit employer la langue latine, & ufer de fel, d'huile, d'exor cifmes & d'autres cérémonies; fi par le baptême le péché originel n'est pas entiérement effacé, de forte que la concupifcence qui demeure n'eft pas appellée péché; fi le pain eft changé au corps de Jefus-Chrift, & le vin dans fon fang, par la vertu des paroles que le prêtre prononce; s'il demeure

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LXVI. Abbé d'un mo

naftére de Wirtzbourg, accufé de Luthéranifme. Sleidan. ut fup: lib. 25. p. 949.

De Thou, hift. lib. 13.

AN. 1554. f'on doit adorer l'euchariftie, la porter en proceffion aux macomme il étoit, quoiqu'il ne foit pas actuellement reçu ; fi

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lades, & la garder; fi l'on doit adorer Jefus-Chrift fous les efpèces du pain & du vin; s'il est tout entier fous l'une ou l'autre espèce; fi la confeffion des péchés eft une digne préparation pour recevoir l'euchariftie; fi la meffe eft un vrai & perpétuel facrifice; fi l'on doit admettre le canon de la meffe; fi l'on doit reconnoître le facrement de confirmation, & les trois parties de la pénitence, contrition, confeffion& fatisfaction; fi les prêtres feuls ont la puiffance des clefs, & peuvent remettre les péchés à ceux qui ne fe font pas encore confeffés; s'il faut prier les Saints, obferver leurs fêtes & honorer leurs reliques; s'il y a un purgatoire, & fi l'on doit prier, jeûner & célébrer la meffe pour les morts; s'il faut obferver le carême & les autres jeûnes établis par l'églife; s'il faut garder l'abftinence des viandes, & fi les cérémonies font faintes. Cet abbé répondit fort au long à toutes ces questions le vingt- feptiéme de Mai; mais d'une maniére conforme à fes mauvais fentimens, qu'il s'efforça d'autorifer par les témoignages de l'écriture, qu'il employa dans des fens détournés. Voyant donc qu'il perfiftoit dans fes erreurs il fut condamné le vingt-cinquiéme de Juin, déposé, & entiérement privé de toutes fes fonctions.

Le facré collége ne perdit dans cette année que le cardinal Alexandre Campegge, d'une noble famille de Boulogne, né le deuxième d'Avril 1504 de Laurens Campegge, qui après la mort de fa femme prit l'état eccléfiaftique & devint car dinal. Alexandre étoit frere de Rodolphe, qui ayant pris le parti de la guerre, mourut affez jeune ; & de Jean-Baptifte qui fut évêque de Majorque, & qui fe rendit fçavant orateur, habile théologien, & bien inftruit dans les langues grecque & latine. Alexandre acquit beaucoup de réputation par la douceur de fon efprit & de fes moeurs, par fon habileté dansla connoiffance des langues, & par fes libéralités. De clerc de la chambre apoftolique il fut élevé à la dignité d'évêque de Boulogne, le dernier du mois de Juillet 1541. Enfuite le pape le nomma vice-légat d'Avignon, où il fit échouer les deffeins des Proteftans, qui formés d'un refte de Vaudois qu'on appelloit les Pauvres de Lyon, cherchoient à fe jetter fur les terres de l'églife, & à infecter les peuples de leurs erreurs. Il contribua beaucoup à la décoration de l'église de

faint Petrone, fa cathédrale; il reçut les Jéfuites dans fa ville, AN. 1553. & favorifa beaucoup les Capucins, les Cordeliers & les Hermites de faint Auguftin. Enfin Jules III le fit cardinal-prêtre du titre de fainte Lucie, dans le mois de Novembre 1551; & il mourut trois ans après, le vingt-cinquième de Septembre 1554, âgé de quarante-huit ans. Son corps fut porté dans l'églife de fainte Marie au-delà du Tibre, enfuite à Boulogne, pour être déposé auprès de celui de Laurent Campegge fon pere. On lui attribue un ouvrage intitulé, de l'autorité du pontife Romain.

Le huitième du même mois de Septembre mourut Jean le Sauvage connu fous le nom de Jean Ferus: il s'appelloit Wild, d'un mot Allemand qui fignifie Ferus en latin, Sauvage en françois. Il étoit né à Mayence, & fut religieux de l'ordre des freres Mineurs, où il prêcha avec réputation pendant plus de vingt-quatre ans dans l'églife de Mayence fa patrie & ailleurs. Il écrivit fur la religion, mais avec tant de fageffe & de modération, qu'encore que toute l'Allemagne fût divifée fur ce fujet, fes ceuvres furent eftimées par tous ceux de l'une & de l'autre religion, Catholiques & Proteftans. Ses principaux ouvrages font des commentaires fur le Pentateuque, fur Jofué, & le livre des Juges, fur Job, l'Eccléfiafte, les Lamentations de Jérémie, fur les trente-uniéme & foixantefixiéme Pfeaumes fur les trois derniers chapitres d'Efdras Esther, Jonas, faint Matthieu, faint Jean, les actes des Apôtres, l'épitre de faint Paul aux Romains, & la premiére épitre de faint Jean. Outre ces traités fur l'écriture-fainte qui font des difcours étendus & bien écrits, dans lefquels on ne laiffe pas de trouver l'explication du fens littéral; on a encore de lui plufieurs volumes de fermons, différens opufcules, entr'autres un examen pour ceux qui fe préfentent aux ordres. Il fut enterré dans une églife de fon ordre à Mayence, qui eft occupée aujourd'hui par les Jéfuites.

On remarque dans fes ouvrages qu'il écrivoit avec beaucoup de facilité, qu'il avoit beaucoup lu les écrits des faints peres, qu'il portoit un jugement fain & folide fur les queftions qu'il traitoit, & qu'il n'étoit point prévenu en faveur des opinions ultramontaines. C'eft ce qu'on voit particuliérement dans l'explication qu'il donne au paffage de faint Matthieu: Tu es Pierre, & fur cette pierre j'édifierai mon églife; où après avoir rapporté les fentimens des peres fur ces pa

LXVIII. Mort de Jean Ferus.

Sixt. Senenfin.

blioth. facr. lib. 64
an.72
Mich. Meba
apolog. Joan. Feri,
Le Mire, de fcrip.

ecclef. faculi xvi.

S. Matthieu, o! 16. v. 18.

AN. 1554

roles, il conclud, conformément à l'explication qu'en donne faint Auguftin, que faint Pierre repréfentoit alors toute l'églife à qui les clefs ont été données en fa perfonne. Il foutient auffi que ce premier des apôtres n'a pas reçu une puiffance fans bornes, ni aucun pouvoir fur le temporel. En expliquant le chapitre vi de l'évangile de faint Jean, il l'entend de la manducation fpirituelle de l'euchariftie, fans néanmoins rejetter l'opinion des autres interprètes, qui l'entendent de la manducation réelle. Quelques-uns de fes traités ont été corrompus par les Proteftans, & fes ouvrages n'ont pas été agréables à la congrégation de l'Index. Dominique de Soto a écrit Dominic. Soto, in contre quelques articles de fa doctrine, entre autres contre 1. 4. fentent. fon explication du chapitre vi de faint Jean touchant l'euchariftie; ce qui donna fujet à Michel Medina d'entreprendre fa défense & de faire fon apologie.

LXIX.

Mort de Sixte Berulée.

De Thou, hift. lib. 13. n. 8. versus Crufius in annal.

finem.

1. 11. part. 3.

Melchior Adam, in vit. philof. Ger

man.

Portio.

Lib. 13.

LXX.

Il y eut encore quelques autres auteurs qui moururent cette année: en premier lieu Sixte Betulée ou Betuleius, vulgai rement Birck, Allemand, né l'an 1500 à Memmingen. dans la Souabe. Il fit un fi grand progrès dans les belles lettres & dans la philofophie, qu'il les enfeigna avec applaudiffement, & mérita d'être principal du collège d'Ausbourg, qu'il conduifit pendant feize ans avec beaucoup de réputation. Son goût pour la poéfie lui fit entreprendre les comédies de Sufanne, de Judith & de Jofeph, qui furent fort eftimées. H avoit formé d'excellens difciples, entr'autres Wolfang Mufculus & Guillaume Xilander, qui ont parlé de lui très-avantageufement. Ses autres ouvrages font: l'accord ou la fymphonie fur le nouveau teftament grec, des notes fur les vers fybillins & fur Lactance, des commentaires fur les livres des offices de Ciceron. Il mourut à Ausbourg le dix-neuviéme de Juin de cette année 1554, âgé de 54 ans, 3 mois & 26 jours; & fut honorablement inhumé par les foins de deux freres fes difciples, Jean-Baptifte & Paul Henzell.

Secondement, Simon Portio Napolitain, qui mourut dans Mort de Simon fa patrie âgé de 57 ans. Il avoit été difciple de Pomponace, De Thou, ibid, un des plus célèbres philofophes de fon tems; & il fçut joindre à la connoiffance de la doctrine des Péripatéticiens, qui jufqu'alors avoit été traitée d'une maniére affez barbare, tous les ornemens de la langue grecque & des belles-lettres. Néanmoins comme il paroiffoit déférer un peu trop à la doctrine d'Ariftote, l'on a cru qu'il penchoit du côté des er

reurs

reurs de Pomponace fon maître fur la nature de l'ame & de AN. 1554. l'entendement humain. Comme il commençoit à travailler fur les poiffons, à Pife où il enfeignoit publiquement, on lui apporta le livre que Guillaume Rondelet avoit compofé fur cette même matiére, fuivant les mémoires de Guillaume Pelliffier, évêque de Montpellier: ce qui fut caufe que Portio abandonna fon deffein, non fans quelque chagrin, voyant qu'un autre lui enlevoit la gloire qu'il efpéroit tirer de fon travail, & ne jugeant pas à propos de s'expofer à perdre sa réputation, par un defir de l'augmenter qui lui paroiffoit hors de faifon.

Sigifmond de Ghelenn ou Geflen, connu fous le nom de Sigifmundus Gelenius, né à Prague, mourut auffi dans cette an née. Comme il avoit appris exactement les langues, il traduifit de grec en latin les oeuvres de Jofeph, de S. Juftin martyr, de Denis d'Halicarnaffe, de Philon, d'Appien, & quel homélies de S. Jean Chryfoftôme. Peu de fçavans ont traques duit de grec en latin autant d'ouvrages que lui; car outre ceux dont on vient de parler, on lui attribue encore un dictionnaire en quatre langues, la traduction de l'histoire eccléfiaftique d'Evagre, de l'ouvrage d'Origène contre Celfe, & d'Am mian Marcellin. Son édition d'Arnobe a été fort condamnée. La faculté de théologie de Paris donna auffi quelques cenfures cette année contre plufieurs propofitions qu'elle jugea peu conformes à la faine doctrine. La premiére cenfure eft du treiziéme de Janvier, & fut donnée à l'occafion de l'apologie que Jean Sabellat, chanoine de Chartres, avoit faite, pour répondre aux accufations de fon chapitre. Il y a fix propofitions. «I. La fecte des Péripatéticiens eft la plus perverfe & pernicieuse, de laquelle font iffus les plus infignes hérétiques, qui ont pris de-là occafion de dogmatifer contre la loi chré »tienne. La premiére partie de cette propofition eft fauffe & téméraire : la feconde captieufe & téméraire : la troifiéme fcandaleufe & pernicieuse, comme tendante à réprouver la théologie fcholaftique. « II. Saint Paul montrant & prouvant » que le don des langues qui ne confifte que dans la pronon»ciation, n'est d'aucun ufage, s'il n'obferve & n'entend l'é»nergie des paroles & mots qu'il prononce. » La faculté die que cette propofition eft fauffe, qu'elle en impofe à S. Paul, & qu'elle tend à éloigner les fimples de la prière vocale lorfqu'ils prient en une langue qu'ils n'entendent point: elle Tome XX.

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LXXI: Autres auteurs

morts dans cette même année. Curio præfat. in ApCalius fecundus pian. Alexand.

De Thou, ut fup.

Henric. Valefius in præfat. Amm Marcellini.

LXXII. Cenfure des pro·

pofitions de Sa bellat. collect. judic. de no D'Argentré, in vis erroribus, t. 20 in-fol. p. 222. Jup. tom. 1. in ap prendice. p. 20.

D'Argentré, ut

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