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reffouvenir de ce qu'ils lui avoient promis, à fa femme & AN. 1547. à fes enfans.

Pour le confoler, le duc Maurice & quelques-uns des confeillers de l'électeur de Brandebourg demeurérent avec lui. Le lendemain ces deux princes médiateurs allérent faire leurs plaintes à l'empereur, & lui repréfentérent que leur réputation étoit engagée dans cette affaire; que s'ils en euffent eu le moindre foupçon, ils n'auroient jamais confeillé au lantgrave de s'arrêter, & qu'ils l'auroient même empêché de venir dans un lieu où il devoit perdre la liberté. Que puifqu'ils lui avoient affuré qu'elle lui feroit confervée, ils le conjuroient d'avoir quelque égard à leurs priéres, & d'accomplir la parole qu'il avoit lui-même donnée, que le lantgrave ne feroit point prifonnier. L'empereur répondit, qu'il ne fçavoit pas ce qu'il leur avoit promis: qu'il fe fouvenoit feulement d'avoir affuré que fa prifon ne feroit pas perpétuelle, mais non pas qu'il ne feroit point du tout prifonnier; ce qu'on pouvoit aifément reconnoître en lifant les articles. Ces deux princes allérent enfuite trouver les miniftres de l'empereur, auxquels ils fe plaigni rent de ce changement, affurant qu'on étoit convenu dans le projet du traité de ne point agir ainfi envers le lantgrave. Les miniftres produifirent l'écrit qui avoit été figné; & l'on connut qu'au lieu du mot Allemand Einige, qui veut dire aucune avec une n, ils avoient fait mettre par furprise Ewige par un double w, qui fignifie perpétuelle. Beaucoup d'hiftoriens ont accufé l'empereur d'avoir manqué de bonne foi en cette occafion, quoique les Italiens & les Efpagnols fe foient fort appliqués à le juftifier.

*

L'affaire ayant été débattue avec beaucoup de chaleur, on conclut enfin, que le lantgrave pouvoit fe retirer où il lui plairoit; mais ayant demandé un fauf-conduit avec lequel il pût fe retirer chez lui en toute fûreté, il lui fut refufé, quelques inftances que purent faire les deux princes interceffeurs pour l'obtenir; &, deux jours après, on lui vint annoncer qu'il eût à fuivre l'empereur. Le lantgrave, encore plus irrité de ce nouveau procédé, qui n'étoit au fond qu'une fuite de la premiére injuftice, conçut d'abord le deffein de ne point obéir: mais comme il n'étoit pas le plus fort, il fuivit le confeil plus fage que lui donnérent le duc Maurice & l'électeur de Brandebourg,

LXV.
Plaintes du duc

Maurice & de l'é-
lecteur de Bran-
debourg à l'em-
pereur.
De Thou,lib.4i

*

L'Allemand

Ohne Einige ge.

fangnifl, fans aucune prifon, & s'il y a Ewige, cette phrafe veus dire, fans prifon perpétuelle.

AN. 1547. de prendre patience & de fe foumettre encore à ce nouvel ordre. Ils lui promirent d'employer leur crédit pour le faire révoquer, & de ne point quitter la cour, qu'on ne lui eût rendu la liberté. Ils allérent donc avec l'empereur à Naümbourg, continuant leurs follicitations. Mais trois jours après ce prince leur fit faire défense de paffer outre, avec menaces que, s'ils venoient davantage lui parler de cette affaire, il feroit conduire le lantgrave prisonnier en Espagne. Le duc Maurice & l'électeur, chagrins de se voir ainfi rebutés, & ne fçachant plus comment vaincre l'opiniâtreté de l'empereur, firent fçavoir au lantgrave la mauvaise iffue de leurs démarches & de leurs follicitations, & le priérent de les excufer, s'ils ne fuivoient pas davantage l'empereur à caufe des ordres qu'ils venoient de recevoir. Ils firent ajouter, pour tempérer en quelque forte la douleur que fa trifte fituation lui devoit caufer, que la colére de Charles ne les empêcheroit pas de fe trouver à la diète d'Aufbourg dans le mois de Septembre, & d'employer tous leurs foins en fa faveur : qu'ils croyoient cependant que, s'il faifoit payer les cent cinquante mille écus ftipulés par le traité, & s'il donnoit fûreté de faire exécuter les autres articles, cela pourroit beaucoup contribuer à fa liberté. Le lantgrave voulant, à quelque prix que ce fût, acheter cette liberté dont on le privoit, fuivit l'ouverture que les médiateurs lui donnoient, & exécuta tout ce qu'ils venoient de lui propofer; mais quoique fes places fuffent démolies, l'argent compté & le canon délivré, il ne laiffa pas de demeurer toujours prifonnier.

LXVI. L'empereur affigne une dière à Ausbourg.

Sleïdan in comment. lib. $77.& feq.

19. pag.

Cette conduite de l'empereur ayant un peu déconcerté la faction des Proteftans, ce prince convoqua, le troifiéme de Juillet, une diète des princes de l'empire à Aufbourg, & l'affigna pour le premier de Septembre. Dans fon mandement il difcit, que les guerres l'avoient empêché de tenir cette diète au premier jour de Février paffé, comme il avoit été résolu à Ratisbonne ; que maintenant ces troubles étant appaifés, & leurs auteurs entre fes mains, il n'avoit pas voulu différer davantage, afin de pourvoir à la guérifon des plaies que la république en avoit reçues : qu'on y délibéreroit fur les matiéres qui devoient être traitées l'année derniére à Wormes & à Ratisbonne. Que cette diète devoit le tenir à Ulm, mais que la pefteavoit obligéde c han

y

ger le lieu. Après cette convocation, l'empereur vint de Bamberg à Nuremberg, où il ne voulut pas que l'électeur de Saxe & le lantgrave entraffent avec lui, dans la crainte qu'il n'y arrivât quelque défordre, parce que ces princes étoient fort aimés. C'eft pourquoi il ordonna aux Efpagnols de les garder foigneufement hors de cette ville, où les députés de Hambourg vinrent trouver l'empereur pour fe remettre fous fon obéiffance, & l'affurer qu'ils étoient prêts de renoncer à la ligue. L'empereur les reçut en grace, moyennant la fomme de cent mille écus qu'ils fournirent pour les frais de la guerre. Il publia le fixiéme de Juillet un édit, pour déclarer ce qui s'étoit paffé entre lui & le Lantgrave, & pour défendre qu'on fît aucun tort à fes biens & à fes fujets. Dans le même tems le duc Maurice reçut à Leipfik, avec beaucoup de bonté, les théologiens de Wittemberg, Mélanchton, Pomeran, & d'autres qu'il y avoit fait venir. Après les avoir long-tems entretenus fur fon attachement fincére à la religion, il leur recommanda de continuer leurs foins pour le bon gouvernement des églises & des écoles, il les exhorta de poursuivre comme ils avoient commencé, il leur affigna des appointemens; &, après leur avoir fait quelques préfens, il les renvoya.

Ceux de Bohême, voyant que tout plioit fous les armes de l'empereur, députérent auffi quelques-uns d'entr'eux pour féliciter ce prince de fes victoires; & la ville de Prague fe rendit à difcrétion au roi des Romains, qui y fit fon entrée au commencement de Juillet; & le fixiéme du même mois, cinq cens bourgeois vinrent au château, fe mirent à genoux devant le prince, & lui demandérent avec larmes qu'il ufât de clémence à leur égard. Ferdinand leur répondit en fouriant, que leurs larmes venoient trop tard, & qu'ils devoient les répandre lorfqu'ils voulurent prendre les armes. Cependant à la prière de l'archiduc Ferdinand fon fils, du duc Augufte de Saxe frere de Maurice, & des autres feigneurs qui l'accompagnoient, il fit grace du crime à chacun en particulier; & commanda que tous ceux qui étoient préfens fuffent gardés dans le château, jufqu'à ce qu'il eût pris fes réfolutions. Quatre jours après, le dixiéme. Juiller, il leur fit dire à quoi ils étoient condamnés, fçavoir; Qu'en la premiére affemblée des états, ils renonceroient à la ligue & en romproient tous les fceaux. Qu'ils ap

LXVII. Réception que fait le duc Maurice aux théolo giens de WittemBergSleidan ubi fuprà, liv.19 p. 678.

LXVIII. Prague fe rend difcretion au roi des Romains. fuprà.

De Thou, ibid.ut

Sleid. lib. 19. p.

662.663.672. & 676.edit.ann.15566

le

AN. 1547. porteroient toutes les patentes de leurs priviléges, que roi pourroit révoquer, ou leur accorder de nouveau, comme il le jugeroit à propos. Qu'ils lui remettroient toutes les lettres touchant les droits des quartiers & des com-, pagnies; ce qui avoit donné occafion aux troubles. Qu'ils rendroient toutes les places qu'ils occupoient, & renonceroient aux droits de jurisdiction & d'impôt. Qu'ils livreroient l'écrit de l'al ance faite avec le duc de Saxe. Que l'impôt mis fur la biére, qu'ils avoient promis de payer durant trois ans, feroit perpétuel. Qu'ils feroient conduire au château toute leur artillerie & leurs munitions de guerre. Qu'ils mettroient dans la maison de ville toutes les armes des particuliers, pour être employées au fervice du public.

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On retint dans le château tous ces bourgeois, jusqu'à l'entiére exécution des articles; & l'affaire fut rapportée au peuple, qui ratifia le tout, après que Ferdinand en eut feulement relâché cinquante. Pour les autres, quelques-uns furent condamnés à mort, & plufieurs à une prifon perpétuelle. Beaucoup de gentils-hommes furent auffi cités en justice, & quelques-uns d'entr'eux furent condamnés par défaut, comme traîtres & rebelles. Gafpard Phlug, que les conjurés avoient élu pour chef, fut condamné comme coupable du crime de lèse-majesté; l'on mit fa tête à prix, & l'on promit cinq mille écus d'or de récompense à celui qui l'apporteroit.

L'empereur étoit encore à Bamberg en Franconie, lorsque le cardinal Sfondrate, légat du pape, vint le féliciter de la part de Paul III fur fa victoire il en fut reçu fort honorablement; & l'on efpéroit que cette légation alloit appaifer toutes les difcordes, parce que ce légat étoit chargé de convenir avec l'empereur des conditions propofées par Mendoza. Mais le fuccès fut bien différent. Sfondrate, après fon compliment, voulut entrer en matiére, & lui parla du deffein de faire la guerre à l'Angleterre, quoique l'empereur eût déja rejetté cette propofition, qui lui avoit été faite par le nonce au nom du pape & par un envoyé du cardinal Polus. Le légat lui dit que, quoiqu'il fût occupé à la guerre d'Allemagne contre les Proteftans, le pape n'apas laiffé de le charger de lui proposer une si bonne

voit

œuvre, parce qu'il espéroit qu'avant fon arrivée l'Allemagne feroit réduite, & que le prince feroit libre pour tirer vengeance des infultes faites à la dignité impériale par les Anglois, & que rien ne pourroit empêcher le fuccès d'une fi glorieuse entreprise. L'empereur lui répliqua, qu'il avoit affez d'occupations en Allemagne pour ne fe point embarraffer d'autres affaires, qu'il lui falloit du tems pour recueillir le fruit de fes victoires, & qu'il étoit trop fatigué de la guerre pour vouloir en entreprendre d'autres. Le légat voyant qu'il ne goûtoit pas ce projet, ne lui en parla pas davantage.

Il lui proposa ensuite les avantages qui reviendroient à l'églife, fi tous les peres étoient réunis dans le concile, & qu'il n'y eût plus de division; & lui dit que le moyen d'y réuffir étoit de mettre en pratique les tempéramens que Mendoza son ambaffadeur avoit approuvés à Rome. L'empereur répliqua, qu'il n'avoit entrepris la guerre par aucune vue humaine, n'ayant eu d'autre deffein que de foutenir la caufe de Dieu que le ciel l'avoit protégé, & fes que intentions étant entiérement pures & défintéreffées, avoient été amplement récompensées par des progrès auxquels il ne s'attendoit pas. Qu'on ne pouvoit régler les affaires de la religion en Allemagne, qu'en rétablissant le concile à Trente. Que cela dépendoit entiérement du pape, s'il étoit vrai, comme il l'affuroit, que ce concile eût été transféré à son infçu; puifque dès-lors il n'avoit aucune raison de foutenir cette tranflation, le prétexte du mal contagieux, dont on s'étoit fervi, ne subsistant plus. Que fi on s'obstinoit à ne le pas faire, il prévoyoit de grands malheurs qui retomberoient fur celui qui en étoit l'auteur. Le légat répartit, qu'il ne convenoit pas & qu'il étoit même impoffible que le concile retournât à Trente où les peres demeuroient malgré eux, à à. moins qu'il n'en revînt un grand avantage à la religion, qui rendit ce retour plus honnête & plus facile. Qu'on devoit fuivre ce dont on étoit convenu avec Mendoza, fçavoir, qu'auparavant les Allemands fe foumiffent aux décrets déja faits, & à ceux qu'on feroit dans la fuite; ce qui feroit honneur à l'empereur, qu'on regarderoit comme l'auteur du retour du concile, & de l'avantage qui en reviendroit à l'églife.

Mais l'empereur, qui ne vouloit pas s'en tenir à des pro

AN. 1547.

LXX. legat conférent en L'empereur & le femble fur le re

tour du concile à Trente.

Pallav. ibid. cap 3.7.2. & 3.

n.

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