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régle, qui fut depuis reçue par tous les chanoines, comme celle de faint Benoit par tons les moines. Ainfi voilà deux fortes de religieux, les uns clercs, les autres laïques; car les moines l'étoient pour la plupart. L'objet de leur inftitut étoit de travailler à leur falut particulier, foit en confervant l'innocence, foit en réparant les défordres de leur vie paffée par une pénitence férieufe: les clercs vivant en commun, imitoient la vie monaftique, pour fe précautionner contre les tentations de la vie active & de la fréquentation avec les féculiers.

Au commencement du neuviéme fiecle & près de trois cens ans après faint Benoît, les moines fe trouverent très-éloignez de l'obfervance exacte de la régle:parce que les monafteres répandus par tout l'occident, étant indépendans les uns des autres,reçurent infenfiblement divers ufages fur ce qui n'eft point écrit dans la régle; comme la couleur & la figure de l'habit, & la qualité de la nourriture; & ces divers ufages furent des prétextes de relâchement. Pour y remedier fut fait le réglement d'Aix-la-Chapelle en 817. au commencement du regne de Louis le Debonaire, par les foins de faint Benoît abbé d'Aniane, avec le con- to. conc. po feil de plufieurs autres abbez de tout l'empire 1505. François. On y recommande le travail des mains; dont l'abbé même n'étoit pas exempt;: & il paroît qu'il y avoit encore peu de prêtres entre les moines. L'année précedente 816. plu- Ibid. n. zz. fieurs évêques affemblez au même lieu, donnerent aux chanoines une régle qui eft comme une extenfion de celle de faint Chrodegang: elle fut envoïée par tout l'empire & obfervée pendant plufieurs fiecles.

Mais dans le reste de celui-ci & le com

Hift. liv.

XLVI.1.28.

III. mencement du dixieme, les ravages des NorOrdre de mans & les hoftilitez univerfelles entre les Clugni chrétiens ruinerent plufieurs églifes & la pluHift liv. part des monafteres, comme on voit par les to. 9. conc. plaintes du concile de Troflé tenu en 909. L'obfervance monaftique étoit prefque éteinte

LIV. n. 44.

p. 510.

en occident, quand Dieu fufcita de faints perfonnages,dont le zele ardent lui donna comme Ibid p.565. un nouveau commencement. Dès l'année fui-, Hift. liv. vante 910. Guillaume duc d'Aquitaine fondat EIV.. 45. le monaftere de Clugni, & en donna la con

Hift. liv. v.. 24.

Hift. liv.

EY. 1. 24.

duite à l'abbé Bernon, qui avec le fecours du moine Hugues, tiré de faint Martin d'Autun recueillit la tradition de l'obfervance la plus pure de la regle de faint Benoît, qui s'étoit confervée en quelques monafteres.

Saint Odon fucceffeur de Bernon perfectionna l'établiffement de Clugni, & y joignit plufieurs autres monafteres dont il avoit la condui te, y faifant garder le même ordre, c'eft-à-dire,.. la même obfervance; d'où vint enfuite le nom d'ordre appliqué aux differentes communautez, pratiquant la même regle, comme l'ordre de faint Benoît, de faint Auguftin, de faint François & les autres. Celui de Clugni fut trèscelebre, par la vertu & la doctrine de fes premiers abbez faint Maieul, faint Odilon, &: faint Hugues: mais au bout de deux cens ans il tomba dans une grande obfcurité, & je n'y voi plus d'homme diftingué depuis Pierre le venerable.

Or je trouve deux caufes de cette chute, les richeffes & la multiplication des prieresvocales. Le merite fingulier des premiers abbez de Clugni leur attira l'eftime & l'affection des princes, des rois & des empereurs qui les comblerent de bienfaits: dès le temps de faint Odon le nombre en fut fi grand qu'il en refte:

jufques à cent quatre-vingt-huit chartres. Il eft à craindre que ces faints n'euffent pas affez reflechi fur les inconveniens de la richelle, fi bien marquez dans l'évangile, & connus même des philofophes païens. Les riches font naturellement orgueilleux, perfuadez qu'ils n'ont befoin de perfonne,& qu'ils ne manqueront jamais de rien. C'eft pourquoi faint Paul recom- 1. Tim. V3, mande à Timothée d'exhorter les riches à ne 17. point s'élever dans leurs penfées, & ne pas mettre leur efperance dans les richeffes incertaines. Les grands biens attirent de grands foins pour les conferver; & ces foins ne s'accordent guere avec la tranquilité de la contemplation, qui doit être l'unique but de la vie monaftique: ainfi dans une communauté riche, le fuperieur au moins, & ceux qui le foulagent dans le maniement des affaires, quand ils ont veritablement l'efprit de leur état, trouvent qu'ils ne font prefque plus moines. Ajoutez que fouvent l'amour propre fe déguife fous le nom fpecieux du bien de la communauté; & qu'un procureur ou un cellerier fuivra fon inclination naturelle pour amaffer ou pour épargner, fous prétexte qu'il ne lui revient aucun avantage particulier.

La richeffe commune eft dangereufe même pour les particuliers. Dans une abbaie de vinge moines, joüiffans de trente mille livres de rente, chacun eft plus fier de fçavoir qu'il a part à ce grand revenu; & il eft tenté de méprifer les communautez pauvres, & les religieux mandians de profeffion. Il veut profiter de la richesse de la maison, ou pour fa commodité particuliere, & être auffi bien nourri, vêtu & logé que fon obfervance le permet; & quelquefois au-delà. C'eft ce qui étoit arrivé à Clugni, comme on voit dans l'apologie de

Hift. liv.

LXVII. n.

49.

"Opufc. 50

60.

Spicil. t. 4. p. 21.

faint Bernard. Les moines faifoient la meilleu re chere qu'ils pouvoient en maigre, & s'ha billoient des étofes du plus grand prix: les abbez marchoient à grand train, fuivis de quan tité de chevaux,& faifant porter de grands équi pages les églifes étoient bâties magnifiquement, & richement ornées, & les lieux regu hiers à proportion.

L'autre caufe du relâchement fut la multiplication des prieres : je dis de la pfalmodie & des autres prieres vocales; car ils en avoient beaucoup ajouté à celles que prefcrit la regle' de faint Benoît, comme on voit dans les coutumes de Clugni écrites par faint Ulric, qui viHift. liv. voit encore vers la fin du onzième fiecle. Ils Ex. . avoient entre autres ajoûté l'office des morts dont ils étoient les auteurs, & ils le chantoient' toute l'année. Cette longue pfalmodie leur ôtoit le temps du travail des mains : & Pierre le venerable en convient, répondant aux objections Hift. liv. de faint Bernard. La regle, dit-il, l'ordonne EXVIE. 7. feulement pour éviter l'oifiveté, que nous évitons en rempliffant notre temps par de faints exercices, la priere, la lecture, la pfalmodie. Comme fi faint Benoîr n'avoit pas affez donné de temps ces faints exercices; & n'avoit pas eu des bonnes raifons pour ordonner de plus fept heures entieres de travail.

jo.

M. Ifr. n.

à

Peut-être que Pierre le venerable & ceux qui penfoient comme lui étoient trompez par les préjugez de leur temps, & regardoient le travail corporel comme une occupation balle & fervile. L'antiquité n'en jugeoit pas ainfi, comme j'ai fait voir ailleurs; & fans parler des Ifraëlites & des autres Orientaux, les Grecs & les Romains s'en faifoient honneur, mais les nations Germaniques & les barbares du Nort accoûtumez à ne s'occuper que de la chaffe &

de la guerre, ont toûjours meprife l'agriculture & les arts, comme on voit encore aux mœurs de notre noblesse.

: la

Deux cens ans après la fondation de Clugni, Dieu suscita d'autres grands hommes, qui ramenerent l'efprit de la regle de faint Benoît, je veux dire les fondateurs de Cifteaux, particulierement faint Bernard, que je regarde comme la merveille de son fiecle. Dieu fembloit avoir pris plaifir à raffembler en lui feul tous les avantages de la nature & de la grace: nobleffe, la vertu des parens, la beauté du corps, les perfections de l'efprit; vivacité, penetration, difcernement fin, jugement folide. Un cœur genereux, des fentimens élevez, un courage ferme, une volonté droite & conftante; Ajoûtez à ces talens naturels une bonne éducation, les meilleures études que l'on pût faire de fon temps, foit pour les fciences humaines, foit pour la religion: une meditation continuelle de l'écriture fainte, une grande lecture des peres: une éloquence vive & forte, un ftile veritablement trop orné, mais conforme au goût de fon fiecle. Ajoutez les effets de la grace. Une humilité profonde, une charité fans bornes, un zele ardent: enfin le don des miracles.

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IV.

Ordre de

Cifteaux.

Hift. liv.
XIV. n.64.

LXVI. 3.21.

Hift. liv.

Il faut toutefois avotier que fon zele ne fut pas affez reglé par la difcretion en ce qui X. N. 24, regardoit la fanté qu'il ruina de bonne heure ». 43. par des aufteritez exceffives; & vous avez vû le foin que fut obligé d'en prendre son illuftre ami Guillaume de Champeaux. J'eftime plus les Egyptiens & les autres anciens moines, qui fçavoient fi bien accorder l'aufterité avec la santé, qu'ils vivoient fouvent près de

Cent ans.

Saint Bernard étoit fort affectionné au tra- Freres Laïs.

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