Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Hift. liv.

*x111.

58.

mal.

vail des mains, rétabli sérieusement dans l'obfervance de Cifteaux: mais on y introduifit une nouveauté, qui dans la fuite contribua au relâchement; je veux dire la diftinction des moines du chœur, & des freres lais. La regle n'en fait aucune mention, & jufques à l'onziéme fiecle les moines fe rendoient eux-mêmes toutes fortes de fervices & s'occupoient tous des mêmes travaux.

Saint Jean Gualbert fut le premier qui inftiI. . 4. tua des freres lais en fon monaftere de Valombreuse, fondé vers l'an 1040. La raison de Mabil. cette institution fut apparemment l'ignorance praf.z.Sac. des laïques, qui la plûpart ne fçavoient pas 9. An- lire, même les nobles de forte que le latin 'n'étant plus la langue vulgaire comme du temps de faint Benoit, ils ne pouvoient apprendre les pleaumes par cœur, ni profiter des lectures qui fe font à l'office divin: au lieu que les moines étoient dès lors clercs pour la plûpart, ou destinez à le devenir. Mais il femble que ceux qui introduifirent cette distinction ne confideroient pas que l'on peut arriver à la plus haute perfection fans aucune connoiffance des lettres. La plupart des anciens moines d'Egypte ne fçavoient pas lire, & faint Antoine tout le premier: & faint Arfene s'étant retiré chez eux Je fçai les sciences des Grecs & des Romains ; mais je n'ai pas encore appris l'alphabet de ce vieillard que vous trouvez groffier. On occupoit donc ces freres lais des travaux corporels, du menage de la campagne & des affaires du dehors; pour prieres on leur prefcrivoit un certain nombre de Pater, à chacune des heures canoniales; & afin qu'ils s'en puffent acquiter, ils portoient des grains enfilez; d'où font venus les chapelets. Ces freres éroient vêtus un peu differemment des moines,

& portoient la barbe longue, comme les autres laïques. Les Chartreux eurent de ces freLes dès le commencement, aufli bien que les moines de Grandmont & ceux de Cifteaux ; & tous les Ordres religieux venus depuis ont fuivi leur exemple. Enfin il a passé même aux religieufes; & on diftingue chez elles les filies du chœur & les fours converfes, quoique la même raison n'y foit pas, puifqu'ordinairement elles ne fçavent pas plus de latin les unes que les autres.

Or cette diftinction entre les Religieux a été une grande fource de relâchement, les moines du choeur voïant les freres lais audeffous d'eux, les ont regardez comme des ignorans & des hommes groffiers deftinez à les fervir, & fe font regardez eux-mêmes comme des feigneurs: car c'eft ce que fignifie le titre Dom, abregé de dominus ou domnus, Reg. c. 61. qui en Italie & en Efpagne, eft encore un titre de nobleffe, & je ne croi pas qu'on le trouve attribué aux fimples moines avant l'onziéme fiecle, au moins la regle de faint Benoît ne le donne qu'à l'abbé feul. C'est donc principalement depuis ce temps qu'ils ont cru le travail des mains indigne d'eux, fe trouvant fuffisamment occupez de la priere & de l'étude.

D'un autre côté les freres convers ont été une fource de divifion dans les monafteres, qui étant compofez de deux corps fi differens n'ont pas été parfaitement unis. Les freres manquant d'étude, & fouvent d'éducation, ont quelquefois voulu dominer, comme étant plus neceffaires pour le temporel, que le fpirituel fuppofe car il faut vivre avant que de prier & d'étudier. Vous avez vû ce qui arriva dans l'Ordre de Grandmont fous le pape In

Hift. liv. nocent III. & comment il fut obligé de répri XXV. n. 28. mer l'infolence des freres, qui vouloient régler même le spirituel; & l'ordre ne s'eft jamais bien remis de cette divifion. Ce font apparemment de tels exemples qui ont obligé tous les religieux en general à tenir les freres convers fort bas & fort foumis: ce qui eft difficile, fans s'élever au-deffus d'eux : l'uniformité de la régle de faint Benoît étoit plus sûre.

VI.

moines.

Les moines aïant abandonné le travail des

que

Etudes des mains, crûrent l'étude étoit une occupation plus digne d'eux; & l'ignorance des fèculiers, même des clercs, les y engageoit par une efpece de neceffité. Or ils ne fe bornerent pas à l'étude qui leur étoit la plus convenable, l'écriture fainte & les peres, en un mot la theologie: en quoi ils auroient imité S. Jerôme, & quelques autres anciens moines, mais depuis le huitiéme & le neuvième fiecle ils embrafferent toutes fortes d'études, comme on voit entre autres par Alcuin. Ils joignirent à la theologie l'étude des canons, qui fait partie de la fcience ecclefiaftique, mais plus convenable aux évêques & aux prêtres deftinez à gouverner les peuples. Les moines ne laifferent pas de s'y appliquer fortement, comme on voit par le fameux Gratien auteur du decret; & cette étude attira celle du droit civil, principalement depuis la découverte du digefte, & des autres livres de Juftinien.

: Les moines donnerent encore dans une autre étude plus éloignée de leur profeffion, fçavoir la medecine. Rigord moine de S. Denis étoit phyficien, c'est-à-dire, medecin du roi Louis le Gros, dont il a écrit l'hiftoire ; & S. Bernard parle d'un moine de fon ordre, qui s'étoit rendu fameux dans cet art. Je veux -croire que les moines avoient commencé à s'y appliquer

appliquer par charité pour les malades: mais comme il falloit fortir pour les vifiter, c'étoit toûjours une fource de diffipation. On peut dire le même de la jurifprudence, qui attiroit au moins des consultations.

Mais s'ils avoient commencé ces études par charité, ils les continuerent par intérêt : foit pour conferver les biens de la communauté ou pour leur propre fanté, foit pour gagner de l'argent comme auroient fait des feculiers. C'est ce que nous apprend le concile de Reims,

Can. 6.

tenu par le pape Innocent II. en 1131. qui Hift. liv. défend aux moines & aux chanoines reguliers LXVIII, d'étudier les loix civiles ou la medecine; &" ajoûte : C'est l'avarice qui les engage à fe faire avocats, & à plaider des causes juftes ou injuftes fans diftinction. C'eft l'avarice qui les engage à méprifer le foin des ames, pour entreprendre la guérifon des corps: & arrê ter leurs yeux fur des objets dont la pudeur défend même de parler. Ces défenfes furent réï- Can. terées au concile de Latran, tenu par le même Hift. liv. pape en 1139. & encore au concile de Tours LXV111. 8. tenu par Alexandre III. en 1163. on ne dé- 54.5.8. Hift. liv. fend qu'aux religieux les profeffions de mede- xx, . 63. cin & d'avocat, & non aux clercs feculiers: parce que les laïques en étoient incapables n'é-tant point lettrez.

Au commencement du fiecle fuivant, on permettoit encore aux religieux d'exercer la fonction d'avocat pour des reguliers, comme on voit au concile de Paris, tenu par le légat Robert de Corçon en 1212. & ce même concile marque un grand relâchement dans les communautez religieufes de l'un & de l'autre fexe. On en voit encore plus au grand concile de Latran tenu trois ans après; qui pour y remedies-ordonne la tenue des chapitres gene

**

Hift. liv.

xxi. "'

54.

VII.

cations

raux tous les trois ans. Mais ce remede a en peu d'effet, & depuis ce temps les moines & les chanoines reguliers ont continué de se relâcher de plus en plus, jufques aux dernieres réformes. D'ailleurs les chapitres generaux ont leurs inconveniens, & la diffipation inféparable des voïages, eft plus grande: & plus ils font grands plus eft la dépenfe, qui oblige à faire des impofitions fur les monafteres, fource de plaintes & de murmures. Et quel eft le fruit de ces chapitres? De nouveaux reglemens & des députations de vifiteurs pour les faire executer c'eft-à-dire, multiplication de voïages & de dépenses; & le tout fans grande utilité, comme a fait voir l'experience de quatre fiecles. Auffi faint Benoît n'a-t-il rien ordonné de femblable, quoiqu'il ait eu en même temps la conduite de plufieurs monafteres: chacun étoit gouverné par fon abbé & chaque abbé avoit pour infpecteur fon évêque, qui étant fur le lieu étoit plus propre que tout autre à lui faire obferver la regle.

d'Ordres re- de ligieux.

Le même concile de Latran en 1215. défenMultipli dit d'inventer de nouvelles religions, c'est-àdire, de nouveaux ordres ou congregations: peur, dit le canon, que leur trop grande diverfité n'apporte de la confufion dans l'églife. Ne nimia Mais quiconque voudra entrer en religion emextra 9 ex- braffera une de celles qui font approuvées. tra de relig Cette défense étoit très-fage & conforme à l'efprit de la plus pure antiquité. Saint Bafile

Can. 13.

dom.

36.

dans fes regles demande s'il eft à propos d'avoir en un même lieu deux communautez reReg. fuf. n. ligieufes ; & il répond que non. Il ne s'agiffoit pas de deux Ordres differens, mais feulement de deux maifons du même inftitut, & faint Bafile rend deux raifons de fa réponse negative; la premiere qu'il eft difficile de trouver un

« AnteriorContinuar »