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d'Egypte reconnus par l'antiquité pour les plus parfaits de tous; & qui par conféquent doivent fervir de modeles dans tous les fiecles à ceux qui voudront ramener la perfection religieufe.

Outre les vies particulieres d'un grand nombre de ces faints, nous avons dans les œuvres de Caffien, fur tout dans fes inftitutions, une defcription éxacte de leur maniere de vie, que j'ai rapportée dans l'hiftoire & qui renferme quatre principaux articles: la folitude, le Hift. liv. travail, le jeûne & la priere. Leur folitude, *x. 2.3.4. d'où leur vint le nom de moines, ne con

c.

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fiftoit pas feulement à fe féparer des autres hommes & renoncer à leur focieté, mais à s'éloigner des lieux frequentez, & habiter des déferts. Or ces déferts n'étoient pas, comme plufieurs s'imaginent, de vaftes forêts, ou d'autres terres abandonnées que l'on pút défricher & cultiver, c'étoit des lieux non-feulement inhabitez mais inhabitables : des plaines immenfes de fables arides, des monagnes fteriles, des roches & des pierres. Ils s'arrêtoient aux endroits où ils trouvoient de l'eau, & y bâtiffoient leurs cellules de rofeaux, ou d'autres matieres legeres; & pour y arriver il falloit fouvent faire plufieurs journées de Hift. liv. chemin dans le défert. Là perfonne ne leur xv11.8.22. difputoit le terrain; il ne falloit demander à 10. conc. P. perfonne la permiffion de s'y établir; & ce ne fut que long-temps après, lorfque les moines fe furent approchez jufques dans les villes,que le concile de Calcedoine défendit de bâtir aucun monaftere fans le confentement de l'évêque,

609.

Hift. liv. Le travail des mains étoit regardé com..25. me effentiel à la vie monastique; & ce fut principalement l'averfion du travail qui fit Condamner les heretiques Maffaliens. Les vrais

Chrétiens confideroient que dès l'état d'inno- Gen. 11. 15. cence Dieu avoit mis l'homme dans le para- 111.19% dis terreftre pour y travailler; & qu'après fon peché il lui donna pour penitence de cultiver la terre, & gagner fon pain à la fueur de fon vifage: que les plus grands faints de l'ancien teftament avoient été paftres & laboureurs : enfin que J.C. même avoit paffé la moitié de fa vie mortelle à un métier ferieux & pénible. Car on ne voit pas que depuis l'âge de douze ans jufques à celui de trente il ait fait autre chofe, que travailler avec faint Jofeph : d'où vient Marc.vr.3 qu'on le nommoit non feulement fils de charpentier, mais charpentier lui-même. Ainfi il nous a montré par fon exemple, que la voca tion generale de tout le genre humain eft de travailler en filence, à moins que Dieu ne nous appelle à quelque fonction publique pour le fervice du prochain.

10.

Le travail de ces premiers moines tendoit principalement à deux fins, d'éviter l'oifiveté & l'ennui infeparable de la folitude, & de gagner de quoi vivre fans êrre à charge à perfonne. Car ils prenoient à la lettre cette parole 2.Theff. un de faint Paul: Si quelqu'un ne veut point travailler, qu'il ne mange point non plus. Ils n'y cherchoient ni glofe ni explication. Mais ils choififfoient des travaux faciles & compatibles avec la tranquillité d'efprit, comme det faire des nattes & des corbeilles, qui étoient les ouvrages des moines Egyptiens. Les Syriens felon faint Ephrem, faifoient auffi de▾ la corde, du papier ou de la toile. Quelquesuns même ne dédaignoient pas de tourner la meule, comme les plus miferables esclaves. Ceux qui avoient quelques pieces de terre les cultivoient eux-mêmes: mais ils aimoient mieux les métiers que les biens en fonds, qui

Hift. live

V11. n. 3.

Ephr. pa

ran. 47.

XXI. C. 23.

demandent des foins pour les faire valoir, & attirent des quereles & des procès.

Hift. liv. Je reviens aux Egyptiens les plus parfaits xx. n. 8. de tous & les mieux connus, par les relations Caff. coll. de Caffien. Ils jeûnoient toute l'année hors les dimanches & le temps Pafcal; & foit qu'ils Juft. lib. c. jeûnaffent ou non, toute leur nourriture étoit du pain & de l'eau, à quoi ils s'étoient fixés après de longues experiences. Ils avoient auffi reglé la quantité du pain à une livre Romaine par jour, c'est-à-dire, douze onces, qu'ils mangeoient en deux petits repas, l'un à none, l'autre au foir. La difference des jours qui n'étoient pas jeûnes, n'étoit que d'avancer le premier repas jufques à midi,fans rien ajoûter à leur pain, mais ils vouloient que l'on prît chaque jour de la nourriture.

C'étoit-là toute leur aufterité : ils ne portoient ni cilices, ni chaînes, ou carcans de fer, comme faifoient quelques moines Syriens; car pour les difciplines ou flagellations il n'en étoit pas encore mention. L'aufterité des Egyptiens confiftoit dans la perfeverance conftante en une vie parfaitement uniforme; ce qui eft plus dur à la nature que l'alternative des penitences les plus rudes, avec quelque relâchement, à proportion comme à la guerre le foldat fouffre toutes fortes de fatigues dans l'efperance d'un jour de repos & de plaifir.

La priere des moines Egyptiens étoit reglée avec la même fageffe. Ils ne s'affembloient -pour prier en commun que deux fois en vingt-quatre heures, le foir & la nuit, à chaque fois ils recitoient douze pleaumes, inferant une oraison après chacun ; & ajoûtant à la fin deux leçons de l'écriture. Douze freres tour à tour chantoient chacun un pfeaume

étant débout au milieu de l'affemblée; & tous les autres écoutoient affis, gardant un profond filence fans se fatiguer la poitrine ni le refte du corps, ce que ne permettoit pas leur jeûne ni leur travail continuel; pour appeller à la priere,une corne de bœuf leur tenoit lieu de cloche, & fuffifoit dans le filence de leurs vaftes folitudes, & les étoiles que l'on voit toûjours en Egypte leur fervoient d'orloge : le tout conformément à leur pauvreté. Le reste du jour ils Lib. 11. 6. prioient dans leurs cellules en travaillant: aïant 14. reconnu que rien n'eft plus propre à fixer les penfées & empêcher les diftractions que d'être toûjours occupez: c'est ainfi qu'ils tendoient à la pureté de cœur dont la recompenfe fera de voir Dieu. Leur devotion étoit de même goût, Matth. v.8. fi je l'ofe dire, que les pyramides & les autres ouvrages des anciens Egyptiens, c'est à-dire, grande, fimple & folide. Tels étoient ces moi- Hift. liv. nes fi eftimez des plus grands faints: de faint Ba- xiv. file qui entreprit de fi long voïages pour les noître par lui-même;& qui dit,que vivant comme dans une chair étrangere, ils montroient par les effets ce que c'est que d'être voïageurs ici bas, & citoïens du ciel. Vous avez vû com- Hift. liv. bien faint Jean Chryfoftome les mettoit audeffus des philofophes païens ; & comme il pric leur défense contre ceux qui blâmoient leur inftitut, par les trois livres qu'il compofa fur ce fujet. Saint Auguftin fait leur éloge en di- n. 17. vers endroits de fes ouvrages, particulierement

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ep. 79.

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XIX. n. 4.

1. 8.

dans le traité des mœurs de l'églife Catholique, De mor. ecoù il défie les Manichéens de lui contefter les clef. c. 34% merveilles qu'il en dit.

La vie monaftique s'étendit bien-tôt par II. toute la chrétienté; & le nombre des moines Regle de étoit fi grand, que dans l'Egypte feule, où ils S. Benoît. étoient i parfaits, on en comptoit dès la fin Chanoines

du quatrième ficcle plus de foixante-feize mille,

fans ceux dont nous n'avons pas le dénombreHift. liv, ment. La régle de faint Benoît écrite vers l'an 11.7.14. 5:30. nous fait voir diftinctement l'état de la vie monaftique en occident; & il eft remarquable que ce grand faint ne la donne pas comme un modele de perfection: mais feulement comme un petit commencement, bien éloiRegl. S. gné de la perfection des fiecles précedens. Ce Bex. prolog. qui montre combien la ferveur s'eft ralentie depuis, quand on a regardé cette régle comme trop fevere; & combien ceux qui y ont apporté tant de mitigations étoient éloignez de l'efprit de leur vocation.

e. ult.

Saint Benoît croïoit avoir ufé d'une gran de condefcendance en accordant aux moines un peu de vin, & deux mets outre le pain Dial. fans les obliger à jeûner toute l'année; & faint Gregoire pape, qui vivoit dans le même fiecle, & qui pratiquoit cette régle en louë particulierement la difcretion: mais la nature corrompuë, trouve toujours de mauvaises raisons. pour le flatter,& autoriser le relâchement.Nous. les examinerons enfuite: j'ajoûte feulement ici, qu'il vaut mieux demeurer dans l'état d'une vie commune, que de tendre à la perfection par une voïe imparfaite.

Cependant s'étoient formées en plufieurs églifes des communautez de clercs, qui menoient une vie approchante de celle des moines, autant que leurs fonctions le pouvoient permettre. S. Eusebe de Verceil eft le premier évêque que l'on trouve avoir fait vivre ainfi Hift liv. fon clergé ; & faint Auguftin fuivit fon exem*111.7.14. ple, comme on voit par fes deux fermons de Hift. liv. la vie commune. On nomma ces clercs cha

XXIV. n. 40.

Hift. liv. noines, & vers le milieu du septiéme fiecle, S. XLIII.2.37. Chrodegang évêque de Metz, leur donna une

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