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La raifon ne fouffroit pas que les Chrétiens des premiers tems niaflent cette confequence: Cinq cens témoins irreprochables ont vu Jefus-Christ reffuscité, donc il le fant croire. Et la même raison ne fouffre pas aufi que l'on doute de celleci: Les Evêques de tout le monde ont décidé la divinité de Jefus Chrift dans le Concile de Nicée. Donc il la faut croire. Les favans pouvoient se fortifier dans la foi de la réfurrection par le témoignage de l'Ecriture. Mais ces preuves n'étoient pas pour les fimples. Le témoignage des Apôtres & des Difciples joint anx miracles qu'ils faifoient leur a fuffi. On peut prouver de même les mysteres que P'Eglife propofe par divers genres de preuves. Mais il n'en faut qu'une pour le penple, qui eft que c'est par l'Eglife qu'ils font propofes

V. La foi de ces Chrétiens étoit établie fur l'atteftation de ces témoins de la réfurrection, qui repréfentoient toute l'Eglife. Mais pour la croire il n'étoit pas befoin de s'adreffer en particulier à tous ces témoins: & il fuffifoit d'être afluré d'une maniere évidente qu'ils avoient rendu ce témoignage. Un feul Apôtre confirmant la réfurrection par le témoignage des autres, & prouvant la fainteté particuliere par fes miracles, méritoit d'en être cru.

A iiij.

Les hommes ont des voies & des moyens pour diftinguer quand ils doivent croire qu'on leur rapporte des faits indubitables & certains: comme quand celui qui les rapporte, ne peut s'être trompé dans le fait que volontairement: quand il feroit facile de reconnoître fa tromperie au cas qu'il voulût mentir: & quand on ne voit rien en lui qui donne lieu de le foupçonner d'un menfonge groffier & évident. Saint Paul étoit donc croyable dans le témoignage qu'il rendoit à ceux de Corinthe, que cinq cens perfonnes avoient vu Jefus Chrift reffufcité. Le fondement de la foi des Corinthiens, & de même de celle des autres Chrétiens, n'étoit donc pas le témoignage de faint Paul confideré féparément; mais c'étoit le témoignage de l'Eglife attefté par faint Paul. Äinfi l'autorité de l'Eglife a été dès le commencement le fondement de la foi des fidelles, & ils ont cru comme l'on croit à préfent. On eft perfuadé de la verité des articles de la foi, parcequ'ils font enseignés par l'Eglife. Mais le commun des Chrétiens n'eft affuré que l'Eglife les enfeigne, que par l'autorité de peu de témoins qui ne peuvent nous tromper en cela que volontairement, & en qui il ne paroît aucune raifon de nous vouloir tromper.

VI. Saint Paul n'a pas tant deffein d'établir dans l'efprit des Corinthiens la foi de la Réfurrection, que de les faire fouvenir de ce qu'il leur avoit prêché; afin, leur dit-il, que vous voiyez fi vous l'avez vers. 2. retenu: puisqu'autrement ce feroit en vain que vous auriez embraffe la foi. Mais ce fouvenir qu'il leur veut rappeler dans l'efprit n'étoit pas un fimple fouvenir de mémoire, c'étoit le fouvenir des fentimens de leur cœur. Car on peut oublier la foi en deux manieres. Premierement, lorfqu'on ceffe de la connoître, parceque l'on ceffe d'y penfer. Secondement, lorfqu'elle cefle d'être notre lumiere, de nous éclairer & de nous conduire ; c'eft-à-dire, que nous ceffons d'y conformer nos actions, & d'agir par ce principe. Ce fecond oubli elt bien plus ordinaire que l'autre ; & l'effet de cet oubli eft que la foi eft dans notre efprit comme fi elle n'y étoit point, parcequ'on ne la regarde plus comme la regle de notre vie.

Or c'eft en vain, comme dit faint Paul, que ceux qui ne croyent qu'en cette maniere ont embraffé la foi: car elle ne nous eft pas donnée pour nous apprendre fimplement la verité des myfteres, mais pour nous conduire felon cette verité. Elle nous eft donnée pour nous découvrir les objets que nous devons aimer,

afin que nous les aimions. L'amour eft la fin de la connoiffance,& fans cet amour cette connoiffance ne nous fauroit être que pernicieufe. Car c'eft un bien plus grand mal de ne faire pas ce que l'on connoît, que de ne le connoître point.

VII. Sant Paul dans la fuite de fa narration ayant confirmé la refurrection par fon propre témoignage, en prend occafion de s'humilier & de reconnoître qu'il verf. 9. eft le moindre des Apôtres, & qu'il ne méritoit pas le nom d'Apôtre. Quelque graceque Dieu nous faffe, & à quelque degré de vertu qu'il nous éleve, nous ne devons jamais oublier d'où il nous a tirés. Car quoique la grace ait détruit cet état, il eft pourtant vrai que nous y avons été,& il eft vrai que nous y pouvons retomber. Ainfi Dieu veut que ce foit le lieu: que nous regardions comme nous étant propre, afin d'empêcher l'orgueil qui naît de la vue des graces de Dieu, & des vertus qu'il nous donne. Sans ce contrepoids. cette vue feroit dangereufe; & c'eftpourquoi faint Paul ne perd point d'occasion: de fe rabaifler par ce fouvenir. Il confidere ce premier état comme celui qui lui: convenoit par la nature, & tous les dons. de Dieu comme ne lui appartenant point; parceque comme il ne nous les accorde que par une mifericorde toute gratuite

il ne nous les conferve auffi que par un effet de la même mifericorde.

VIII. Tout l'orgueil des hommes ne vient que de ce qu'ils n'ont pas foin de se tenir dans cet état ; & l'on peut dire que cet oubli eft la caufe de tous leurs pechés. Ainfi ce que S.Paul dit de lui-même eft une grande inftruction pour nous. Dieu veut que lorsque nous recevons de lui lagnérifon de nos plaies, nous n'en per、 dions pas le fouvenir: & fi nous ne les regardons pas comme fubfiftantes, il faut les regarder néanmoins comme le fujet d'une humiliation continelle; parcequ'il eft jufte que le pécheur porte toute fa vie P'humiliation de fon peché. Ainfi c'est une action de justice de se regarder toujours comme le dernier des Chrétiens, & cet n'eft point fimplement une œuvre de furérogation Ceft une action qu'on ne peut omettre que par un aveuglement, dont faint Pierre dit que celui qui n'a pas ces fentimens ne voit rien; parcequ'il est dans l'oubli des pechés dont il a été purifié: Cacus eft, & manu tentans, oblivio- 2. Petr nem accipiens purgationis veterum fuorum de- 1.9.

lictorum.

IX. Saint Paul avoue qu'il eft ce qu'il eft par la grace de Dieu. Il entend la de Dieu. Il entend la gra- v. 10.

ce qui le juftifie, & c'est à cette même grace qu'il attribue de n'être pas demeu

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