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IV. Les hommes ne font pas obligés de s'afinjettir à fuivre les paroles des hommes, en faisant veu d'obéiffance à un fuperieur. Mais s'ils veulent vivre fagement & éviter la folie dont nous venons de parler, ils n'ont guere plus de liberté dans leurs actions & dans leurs paroles. Car il leur fera toujours défendu de fuivre d'autre regle que celle de la verité, & ils feront toujours obligés de la confulter fur toutes chofes.Rien ne les pent difpenfer de cette obligation. Elle eft naturelle, eflencielle, indifpenfable : & fouvent l'affujettiflement au commandement d'un autre n'eft qu'une facilité de pratiquer cette loi. Car l'engagement d'obéir à un homme fait que dans toutes les chofes bonnes & indifferentes, la voix de cet homme devient la voix de la verité; & ainfi en la fuivant on fuit la verité. On n'eft plus en peine de la difcerner, parceque nous l'entendons d'une maniere claire & fenfible. Mais dans les chofes où l'on fe conduit foi-même & non par obéiffance, il est bien plus difficile d'entendre & de difcerner la voix de Dieu, quoiqu'il ne foit jamais permis de fuivre une autre regle que fa parole interieure qui fe fait entendre au fond de nos cœurs.

V. Jefus -Chrift a trouvé tous les hommes dans cette obligation indispensable

d'entendre & de fuivre la verité, qui est une fuite de la nature; & dans cette impuiffance génerale de l'entendre & de la fuivre, qui étoit un effet de leur peché, il eft venu uniquement pour guérir cette impuiflance. Comme il eft la parole du Pere, il ne s'eft revêtu de notre chair que pour faire entendre aux hommes cette parole. Mais pour nous faire concevoir notre état, & les voies de notre guérison, il lui a plu de les repréfenrer dans le miracle qui eft rapporté dans l'Evangile. Il fit donc qu'on lui préfenta un fourd & muet à guérir. Il le pouvoit faire par sa feule parole, & même par le feul mouvement de fa volonté; mais il voulut accompagner cette guérison de certaines circonftances myfterieufes, qui nous marquaffent ce qui fe doit rencontrer dans la guérifon de notre furdité fpirituelle.

L'Evangile rapporte donc que pour 33. guérir cet homme, Jefus-Chrift le tira de la foule, & le prit à part. C'est le premier remede de notre furdité. Tant que nous ferons dans la foule, nous ferons incapables d'entendre la voix de Dieu. Tant que notre esprit fera rempli des objets du monde, & qu'il y confacrera fon attention, il n'écoutera pas les paroles de vie. Il faut néceflairement faire taire le tumulte du monde, pour entendre cette pa

role, unique remede de notre furdité & de notre mort ípirituelle.

VI.Il eft marqué enfuite qu'il mit fes 1bid.. doigts dans les oreilles de ce fourd, pour fignifier qu'elles étoient fermées par quelque empêchement qui avoit befoin d'être ôté. La furdité de l'homme n'eft point naturelle. C'est un défaut & un vice de fa volonté, & non de fon être. Dieu l'ayant fait pour connoître la verité, ne l'a point créé dans l'impuiflance de la connoître. Ceft la volonté de l'homme qui fe la cache à elle-même, qui met obftacle à la lumiere de Dieu, & qui réduit l'entendement à l'impuiffance de la connoître en le tenant lié & colé aux créatures. Cet obftacle ne peut être ôté que par le doigt de Dieu, c'est-à-dire, par fon efprit qui change la volonté. Et c'est ce que Jefus-Chrift nous a voulu faire connoître en mettant les doigts dans les oreilles de cet homme pour les ouvrir; afin de nous faire entendre que notre efprit demeurera toujours fermé à la voix de la verité, fi l'efprit de Dieu n'y fait ouverture, & n'ôte l'obstacle qui l'empêchoit de recevoir l'impreffion de la verité.

VII. On doit conclure de-là, que pour rendre les hommes fufceptibles de la verité, il faut plus avoir recours à la priere qui attire l'efprit de Dieu, qu'à l'induftrie

N. 33.

humaine; & qu'il faut plus parler à Dieu qu'aux hommes, rien n'étant plus capable de rendre nos paroles inutiles, que d'y mettre notre confiance. On a beau propofer aux hommes les verités les plus terribles, fi Dieu n'ouvre leurs cœurs, on frappe en vain les oreilles de leurs corps. Ainfi quand il arrive qu'ils les entendent, il ne faut pas attribuer cet effet à l'efficace des paroles de l'homme, mais à l'operation fecrette du Saint-Efprit dans les cœurs. Tout ce que l'on peut dire est, que comme Jefus-Chrift guérit cet homme de la furdité exterieure par l'operation de fon Efprit, en y joignant cette action corporelle; de même il fe fert fouvent de la parole des hommes pour convertir les cœurs en y joignant l'efficace de fon Efprit. Mais comme ç'auroit été mal juger de ce miracle que fit Jefus Christ, de l'attribuer uniquement à cette action fenfi ble; c'eft auffi mal juger de tous les bons mouvemens qui font excités dans les cœurs par la parole des Prédicateurs, que de les attribuer à leurs paroles confiderées comme humaines, & féparées de l'Esprit

de Dieu.

VIII. Jefus Chrift ne fe contenta pas de toucher les oreilles de ce fourd avec fes doigts, il mit auffi de fa falive fur fa langue, pour rompre le lien qui la ren

1. Cor!

doit incapable de parler. La falive est la figure de la grace du Saint- Efprit, qui eft le principe de ces deux effets. C'est lui qui diffipe la furdité fpirituelle, & qui fait enfuite parler ces fourds; c'eftà-dire, qui les fait confeffer la mifericorde de Dieu & publier fes louanges. On ne peut faire ni l'un ni l'autre que par fon impreffion.Toutes les louanges qu'on donne à Dieu de bouche, ne font comptées pour rien devant Dieu, s'il ne les a lui-même formées dans le cœur. Sans cela on ne laiffe pas d'être muet au jugement de la verité. C'est de ces paroles de grace dont l'Apôtre dit, que perfonne ne peut dire 12. 34) JESUS eft le Seigneur,que par le Saint-Efprit: NEMO poteft dicere Dominus, JESUS, nifi in Spiritu Santo. Cependant qu'y a-t-il de plus aifé que de prononcer ces paroles: JESUS eft le Seigneur? Mais ce n'eft pas les prononcer que d'en former le fon, fi l'on n'en forme le fens dans l'efprit ; & ce n'eft pas encore les prononcer que d'en concevoir fimplement le fens dans l'efprit file cœur n'y a point de part. Elles ne font finceres que lorfque le coeur les veut prononcer, & qu'il exprime ce qu'il fent; & alors ces paroles font certainement un effet du Saint-Elprit.

IX. Jefus-Chrift voulut que l'action du Saint-Elprit fût accompagnée de ces

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