Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qu'elle n'eft point écrite dans leurs cœurs, & qu'elle ne les vivifie point. Elle y eft l'arrêt & le fceau de leur condannation. Et quoique Jefus-Chrift fe puifle fervir de leur miniftere pour écrire lui-même fa loi dans les cœurs, leur miniftere n'est point proprement évangelique: car afin qu'il le fut véritablement, il fau droit que la parole de Dieu ne fût point une lettre, ni dans le Pafteur, ni dans les auditeurs. Il faudroit que le Pasteur fût animé du Saint-Esprit, comme il en doit animer fes auditeurs. Il faudroit qu'il fûr un inftrument vivant dont Dieu fe fervit pour communiquer la vie aux autres. Car la lettre feule, foit dans les Pafteurs, foit dans les auditeus, n'eft capable que de donner la mort aux uns &

aux autres.

V. La gloire & la prééminence du miniftere évangelique confiftant donc en ce que Dieu s'en fert pour écrire fa loi dans les cœurs, on pourroit croire qu'il est moins glorieux en ce tems qu'il n'étoit autrefois, parcequ'il produit plus rarement cet effet. On ne voit au-contraire prefqu'aucun fruit de tant de prédica tions qui fe font dans tous les lieux du Chriftianifme. Et comme la lettre tue ceux que le Saint-Elprit ne vivifie pas, on a droit de conclure qu'y ayant fi pew

de perfonnes vivifiées, les Predicateurs bien-loin de communiquer la vie à leurs auditeurs, les enfoncent plus avant dans la mort. Ils s'accoutument à entendre lans fentiment & avec indifference les verités les plus terribles, & par-là ils deviennent en quelque forte incapables d'en être touchés. Ainfi bien-loin que les Prédicateurs foient des inftrumens des mifericordes de Dieu, ils ne font prefque plus que les executeurs de fa juftice. Mais quoique cela arrive en effet, fi néanmoins ce n'est point la faute du Prédicateur; s'il s'eft acquité fidellement de fon miniftere; s'il a fait ce qu'il a pu pour vaincre la dureté des cœurs, fon miniftere ne laiffe pas d'être glorieux & évangelique. Dieu ne lui imputera point la mort de ce grand nombre d'ames rebelles, & il ne laiffera pas de le récompenfer pour le petit nombre des ames obéiffantes qui en auront profite.

par

VI. Mais fi c'est par la faute du miniftre que fon miniftere eft privé d'efficace & de vertu; s'il en empêche l'effet le relâchement de fa vie; s'il n'accompagne pas fes paroles de l'onction qui devroir rejaillir de la difpofition de fon cœur ; s'il n'attire pas par les prieres la bénediction de Dieu fur les verités qu'il annonce s'il y mêle des interêts humains;

By

fi fes paroles ne font pas des effufions de fon cœur, mais de fimples productions de fon efprit: on peut dire qu'il fe rabaiffe & s'avilit à proportion que fon miniftere eft grand; qu'il le deshonore à proportion que fon miniftere eft glorieux, qu'il fe rend criminel à proportion que fon miniftere eft faint & fanctifiant. Car fi le miniftere évangelique eft fi efficace, qnel crime eft-ce que d'anéantir cette efficace, & d'éteindre ce feu divin destiné à embrafer les cœurs? Si c'eft un miniftere de vie, quel crime eft-ce que d'en faire un miniftere de mort? S'il eft deftiné à purifier les ames, quel crime eft-ce que de s'en fervir pour les corrompre? S'il a pour but de porter dans les ames la verité & la charité, quel crime eft-ce que de ne l'employer qu'à imprimer l'idée de fa vanité, de fes paffions, & fouvent de fes

erreurs?

VII. Un des grans abus de ceux qui exercent le miniftere évangelique, eft d'en borner les fonctions ou à la prédication de la parole, ou à l'adminiftration des Sacremens. Un vrai miniftre de Jefus-Chrift a bien d'autres fonctions. Il prie en miniftre, & fa priere fait partie de fon miniftere. Il converse avec le monde en ministre de Jefas-Chrift, & les paroles doivent toujours porter la verité & la

charité dans les ames. Il vit en miniftre, parceque tout doit prêcher en lui, tout y doit édifier; tout y doit cooperer à l'établiffement du royaume de Dieu. Malheur à celui qui n'eft miniftre de Jefus-Christ, que dans la chaire, à l'autel,ou au tribunal de la pénitence! Le miniftere de l'Evangile eft bien plus étendu, & il s'étend à toutes les actions de la vie. Il eft vrai que le commun des Chrétiens peut exercer une partie des fonctions de ce ministere; car c'est en exercer une partie que d'édi fier le prochain par l'exemple de fa vie ce que tons les Chrétiens doivent faire. Mais outre qu'ils participent auffi en que! que forte au facerdoce, felon faint Pierre, qui appelle le corps des Chrétiens un Sacerdoce royal, ils y participent néanmoins 1. Petr, en une maniere bien differente de ceux qui font proprement miniftres de la loi nouvelle. Car les actions du commun des Chrétiens, quoiqu'édifiantes & faintes n'étant pas jointes à la prédication de la parole & à l'adminiftration des Sacremens, ne concourent pas à ces actions sacrées. Mais toutes les actions d'un Pasteur, font un tout avec les actions propres de fon miniftere. Elles les rendent efficaces; elles font impreffion fur les cours; & ainfi elles font toutes en quelque forte des ac tions facerdotales

2.9

I

7. Cor.

VIII. La gloire que faint Paul attribue au miniftere evangelique, n'eft point une gloire de fantaisie ou de fimple cerem nie comme celle que l'on rend aux Grans du monde. C'est une gloire folide qui fubfifte devant Dieu, & qui eft fondée fur le jugement de Dieu-même. Dieu voit dans un Prêtre de la loi nouvelle qui exerce faintement fon miniftere, une grandeur réelle qui l'éleve effectivement au deffus du commun des Chrétiens, parceque la grace d'un Prêtre doit être par elle même plus éminente que celle des laïques. Et ce jugement que Dieu porte de la grandeur de ce miniftere, eft le fondement de celui que nous en devons porter. C'eft ce qui nous doit faire concevoir une haute eftime de l'éminence de l'état des Prêtres, & nous doit donner une grande foumiffion pour leurs lumieres & pour leurs avis. Il faut, dit faint Paul, les confiderer comme les miniftres de Jefus-Chrift,

comme les difpenfateurs des mifteres de Dieu. C'est-à-dire, que l'ordre de Dieu nous doit faire croire qu'il nous communiquera plutôt fes lumieres & fes graces en fuivant leur conduite, qu'en nous arrêtant à nos penfées. Il faut de grandes raifons pour fe détacher de cet ordre, & pour trouver plus de fureté dans fes hamieres que dans celles qu'on reçoit des Prêuca

« AnteriorContinuar »