fe rendre femblable. Sa volonté réglée par l'ordre de Dieu l'a lié à cette prifon, pour nous apprendre que ce même ordre de Dien nous doit lier à tous les états penibles où il lui plaît de nous mettre, & que nous y devons demeurer en paix & en filence autant de tems que cet ordre nous y retient.

II.

Jefus Chrift commence fa vie humaine par un état de filence, de folitude d'inaction, & de dépendance abfolue d'autrui, pour nous montrer que c'eft l'état qui convient à tous ceux en qui Jefus-Chrift eft nouvellement formé. L'agitation, le grand monde, la propre conduite leur eft ordinairement mortelle. Comme il faut une certaine fermeté, & pour ainsi dire, une certaine dureté au corps des enfans pour fouffrir l'air & le mouvement; il faut aufh une certaine force & une certaine fermeté à l'ame pour être capable d'agir au dehors, & de réfifter aux objets exterieurs. C'est le fondement de cet avis de l'Apôtre : Qu'il ne 1. Tim, faut pas élever aux emplois de l'Eglife les 3.6. néophites, de peur que s'étant élevés d'orgueil ils ne tombent dans la même condannation que le diable. Les graces nouvellement reçues s'évaporent plus facilement, & l'ame qui n'y eft pas encore accoutumée,

& qui n'en elt pas encore bien penetrée, eft bien plus capable d'en concevoir de l'enflure, tant Dieu dans l'ordre de la grace s'accommode à l'ordre de la na

ture.

III.

Jefus-Chrift dans le fein de fa Mere ayant joui pleinement de sa raison, avoit toutes les vertus dans un fuprême degré; & il n'a point fait d'actions dans la fuite de fa vie, dont il n'eût deja les difpofitions toutes formées dans une entiere perfection. Il y a de même dans certaines ames une plénitude de volonté, qui renferme l'eflence de toutes les vertus. Elles font pénitentes, charitables, patientes, pauvres, fans avoir eu d'occafions exterieures de pratiquer ces vertus, & lors même que par leur etat elles font dans l'impuiffance d'en faire les actions. Il y a des pauvres vraiment riches, & des riches vraiment pauvres. Il y a des martyrs devant Dieu, qui ne le font point devant les hommes, comme il y a des martyrs devant les hommes qui ne le font point devant Dieu. C'est ce qui fait voir qu'il n'y a que Dien qui foit le véritable juge de vertu, & que nous n'en en pouvons avoit que des conjectures fouvent trompentes & toujours incertaines : ce qui nous doit porter d'une part à nous défier de nos

la

meilleures actions, parceque nous ne lavons pas de quelle disposition elles naisfent, faulle où vraie, imparfaite ou parfaite, foible ou forte; & de l'autre àne nous préferer jamais à perfonne à caufe de ces actions, parceque peut-être ceux qui ne les ont jamais faites, en poffedent en perfection les difpofitions, qui eft ce que Dieu regarde le plus.

¥3÷3÷÷£3÷÷£3÷£3<÷E3+

LA VISITATION.

1.

ON ne doit point douter que la fainte Vierge, aprés ce myftere ineffable opeté en elle, & dont elle étoit la feule dépofiraire, n'y ait en continuellement le prit & le cœt attaché, & qu'elle n'ait vécu dans une adoration, une admiration, & une action de graces continuelle. Ce pendant incontinent aprés l'accompliffement de l'Incarnation, elle s'en va en diligence vifiter Elifabeth. La contempla- Luc. 1. tion parfaite & l'amour parfait de Dien 39 nempêchent point les exercices de charé. Ces exercices en font au contraite une citation toute naturelle. Il n'y a que Pamour imparfait qui ait befoin de repos, Farcequ'il ne poffede pas tout le cœur, &

que l'amour du monde qui en poffede une partie, fe fortifie par les actions exterieures. Mais quand l'amour de Dieu remplit tout le cœur, ces actions cellent de lui être dangereufes. L'ame ne quitte point la contemplation pour agir. Ainf cette vifite fi promte après ce qui s'étoit paffé dans la fainte Vierge, eft une preuve de la perfection de fon amour. Dieu l'a conduite en ame parfaite, parcequ'il favoit bien ce qu'il avoit mis en elle. II.

Saint Jean prévint Jefus-Chrift dans l'ordre du miniftere, & Jefus-Chrift prévint faint Jean dans l'ordre de la grace qu'il ni confera dans la vifite que la Vierge rendit à Elifabeth qui le portoit dans fon fein. Airfi faint Jean, après la fainte Vierge, reçut les prémices des graces operées par P'Incarnation du Fils de Dieu. Toutes celles qui avoient été données auparavant, avoient bien été données en vue de l'Incarnation de Jefus Chrift; mais elles ne l'avoient été par Jefus Chrift homme. La premiere action de Jefus Chrift a été de former fon précurfeur. Ceft pour cela qu'il le va chercher, & qu'il le prévient par fa vifite, afin de lui donner lieu de le prévenir & de le chercher enfuite.. Cherchez-nous, Seigneur, afin que nous

pas

vous cherchions. Car fi vous ne nous cherchez le premier, nous ne vous chercherons jamais.

III.

7.

Jefus Chrift affocie la Vierge au deffein qu'il avoit de former un Précurfeur, en rempliflant de grace l'ame de faint Jean. Il veut que cela s'execute par fon miniftere. Il lui donne part à la naiffance fpirituelle de faint Jean, comme elle avoit eu part au myftere même de l'Incarnation. Et comme faint Jean Foan. 1, représentoit toute l'Eglife & tous les élus, puifqu'il eft dit de lui, qu'il a été envoyé de Dieu, afin que tous croyent par lui, & qu'on ne peut parvenir au falut que par la voie de la penitence qu'il a enfeignée aux hommes: Jefus-Chrift nous a montré par là que la fainte Vierge coopere par fa charité à la naiflance fpirituelle de tous les élus, comme faint Auguftin le dit, & que lorfque Jefus Chrift les vifite par fa grace, la Vierge les vifite par fa charité, en leur obtenant cette grace par fes interceffions. Ainfi elle est notre véritable Mere, & nous la devons toujous regarder auffi unie à JefusChrift dans les operations de grace qu'il fait fur nous, comme elle l'étoit dans cette vifite tendue à Elifabeth & à faint Jean.