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Evangile même en eft le plus grand, n'y ayant rien de plus divin, de plus digne de Dieu, de plus inimitable aux hommes que la hauteur, la lamteté & la fimplicité de l'Evangile. Les hommes ne font rien qui ne fente l'homme : mais l'Evangile eft d'un caractere tout different. L'homme, c'eft à dire, fes interêts & fes paffions n'y paroiffent point; & c'eft à quoi les homines n'ont jamais pu arriver. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour fe dégui er; mais on les reconnoît aifément au travers de tous leurs déguis femens.

III

Les paroles des hommes étant pro duites par des efprits bornés, ne s'adreffent d'ordinaire qu'à ceux à qui ils parlent mais il en eft bien autrement des paroles de Jefus-Chrift. Il connoiffoit diftinctement tous ceux qui les li roient dans la fuite de tous les ficcles. Il les avoit préfens à l'efprit. Il parloit pour eux dans le tems précis où il prévoyoit qu'ils les liroient & les entendroient & ainfi il parloit véritablement à eux. Il est donc en notre pouvoir d'entendre encore prêcher Jefus-Chrift: car quand nous lifons l'Evangile il nous y par le & nous adrefle fes paroles par une volonté particuliere. Comment eft-il dons

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Matth.

poffible que les hommes l'écoutent fi pen, & qu'ils faflent fi peu d'état de ce que Jefus Chrift a dit pour eux ? On écoute avec refpect ce que les Rois difent, & l'on fe croit fort honnoré qu'ils nous veuillent parler en particulier. Per fonne ne refufe jamais de les écouter, & on néglige d'écouter Jefus-Chrift nous parlant & nous inftruifant en particulier par les paroles de fon Evangile.

VIE LABORIEUSE ET
pénible de Jefus Chrift pendant
le tems qu'il a prêché.

I.

Our comprendre combien la vie de Jefus Chrift pendant ses prédications a été remplie de peines & de fouffrances, il ne faut que confiderer,

1. Qu'il étoit fi pauvre, que comme il dit lui-même, il n'avoit pas où reposer sa 8.10. tête. Il étoit donc obligé de tirer tout ce qui lui étoit néceflaire, des charités d'au

trui. Des femmes pieufes lui fournifLuc. 8. foient ce qu'il avoit de befoin. Or quand on dépend ainfi abfolument de la charité d'autrui: il y a mille petits befoins qui ne font point remplis.

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z. Il avoit beaucoup de monde avec hui, douze Apôtres, foixante & douze

Difciples. Il étoit difficile de fatisfaire aux néceffités de tant de gens, & Jefus-Chrift ientoit les befoins de tous. Ils alloient de bourgade en bourgade, fans équipage, fans provifions. Il falloit fe contenter de ce qu'on y trouvoit. Ainfi la vie ordinaire étoit pareille à celle des plus fimples pay fans.

3. Il prêchoit non dans des Eglifes bien fermées, non en prenant des précautions avant & après, pour n'être point incommodé ; mais à l'air, fur des montagnes, dans des plaines, fur le bord de la mer, affis dans une barque pendant que tour le peuple étoit dehors; & cela fouvent pluGeurs fois le jour.

4. Il alloit à pié dans tous les voyages; & il y étoit prefque continuellement, puifqu'il parcouroit toutes les bourgades. Il efluyoit ainfi toutes les inégalités des faifons, la chaleur extrême du foleil durant l'été, les pluyes & les vents des autres faifons, ce qui eft inféparable des voyages fréquens qui fe font à pié.

II.

Quoiqu'il menât une vie commune à l'exterieur en mangeant de ce qui lui étoit préfenté, & ne refufant pas de fe trouver chez les perfonnes qui l'invitoient à manger, tout cela néanmoins étoit accompagné d'une fouveraine mor

tification, & qui pafle de beaucoup celle de tous les autres hommes. Car premie rement il n'a jamais mangé par cupidité, ni recherché par confequent le plaifir pour le plaifir. Or qui eft l'homme fi temperant qui ne falle des fautes de ce genre là :

Non feulement il n'a jamais paffé les bornes de la néceffité; mais il ne s'eft jamais trompé dans le difcernement de Conf. cette néceffité. Ainfi il n'eft jamais tomlib.. bé dans cette fante fi ordinaire aux hom cap. 31. mes, dont faint Auguilin dit que Lame miferable eft bien-aife de ne favoir » pas les bornes précifes de la neceffite pour pouvoir fous ce prétexte fatisfaire la cupidité.

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Enfin, ce qui eft encore plus confide rable, les hommes ont accoutumé de s'épargner dans les travaux, parcequ'ils ne favent pas ce que leur corps en peut porter.Mais Jefus Chrift a toujours pouf fé fon corps jufques où il pouvoit aller, fans borner fes travaux que par la feule foibleffe qu'il a bien voulu reflentir. 4.4. Quand on le voit affis fur le bord du puits de Jacob, il faut fuppofer qu'il ne pouvoit plus, felon les forces de fon corps, fe tenir debout: & ce feul point comprend plus de mortifications corporelles qu'il n'y en a eu dans la vie de tous les Saints,

III.

Mais tout cela n'eft rien au prix de toutes les peines fpirituelles qui étoient jointes à cet emploi. Les hommes ont bon marché des fautes & des imperfections des autres hommes. Ils ne font fenfibles qu'à celles qui les regardent en particulier : & de celles-là mêmes ils n'en voyent qu'une très-petite partic. La plu part des jugemens & des difcours defavantageux que l'on fait d'eux, leur demeurent cachés. Mais Jefus-Chrift a ref fenti toutes les fautes des hommes entant qu'elles étoient contre Dieu, comme il l'exprime par la bouche de fon Prophete en ces termes Les opprobres de ceux qui ps. vous ont outragé, Seigneur, font tombés fur 10. moi. Il n'a ignoré aucune de leurs ingratitudes & de leurs faux jugemens à fon égard.Il voyoit les foibleffes defes Apôtres de tous les auditeurs. Il voyoit le peu d'ulage qu'ils faifoient de fa parole. Il les voyoit tous difpofés à l'abandonner à la premiere occafion, & ce fpectacle a toujours été expofé à fes yeux pendant qu'il parloit & qu'il prêchoit aux peu ples: ce qui produifcit en lui une fouf france continuelle & incomprehenfible. De plus l'ignorance où les hommes font du jour & de la maniere de leut mort, leur en ôte la frayeur & le fentiment. Ils

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