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ne la fentent point, parcequ'ils n'y penfent point: mais Jefus-Chrift a fu toutes les circonstances de la fienne. Il a toujours eu la croix devant les yeux, & a toujours marché vers ce terme. Tous les pas ont été des pas volontaires vers la croix. Il connoifloit que tous ceux qui l'environnoient, ou l'abandonneroient dans fa mort, ou en feroient les minif tres. Qu'on juge par-là quelle fatisfaction il pouvoit avoir dans le monde. Auffi l'on remarque qu'il n'a jamais ri. Rien n'égala jamais le férieux de fa vie: & il eft clair que le plaifir, l'amufement, & rien de ce qui peut divertir l'efprit n'y a eu aucune part. La vie de JefusChrift eft toute tendue, toute occupée de Dieu & des miferes des hommes, fans qu'il ait donné à la nature que ce qu'il ne lui auroit pu refufer fans la dé

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C'E

L.

'Eft une remarque très-commune que celle-ci, que la Transfiguration n'eft pas tant un miracle qu'une ceflation de miracles, & que l'état ordinaire où paroiffoit Jefus-Christ étoit plutôt en quelque forte miraculeux, parceque la gloire

gloire de fon ame devoit naturellement fe répandre fur fon corps, à qui l'état d'infirmité ne convenoit pas. La Transfiguration ne fit donc que le mettre dans fon état naturel, & il étoit en quelque forte transfiguré en paroiffant revêtu d'infir

mité.

On peut dire qu'il y a quelque chofe de femblable dans tous les hommes bons & méchans. Ils ne font point en ce monde dans leur véritable état. Ils font tous transfigurés. Nous ne voyons point la beauté d'une ame régenerée où Dieu habite par fon efprit & par fa charité. Nous en ferions furpris fi nous la voiyons, comme les trois Apôtres le furent de l'état où Jefus-Chriit leur parut fur le Thabor. Nous ne voyons point la difformité horrible d'une ame où le peché domine, & où le démon habite: & fi nous la voiyons, nous ne pourrions fouffrir cette vûe. Les défauts humains, les reftes d'infirmité couvrent la beauté des ames faintes, & la défigurent tellement à nos yeux, que fouvent les méchans nous paroiffent auffi agreables que les bons.Certaines qualités humaines, certaines utilités que nous tirons des méchans, dérobent tellement à nos yeux la laideur interieure du fond de leur cœur, qu'ils nous paroiffent tout femblables aux autres. Cependant quand T

Tome XIIL

le tems fera venu, où ce voile qui nous cache le véritable état des chofes doit être rompu, ceux que l'efprit de Dieu poffede paroîtront tout d'un coup dans une beauté furprenante, parceque la charivé s'emparera pleinement de leur cœur ; & tout ce qui couvroit la malice des méchans étant de même diffipé, il ne paroîtra plus, ni à leurs yeux, ni à ceux des autres qu'une difformité monftrueufe.

Ainfi l'enfer & le paradis font effectivement dans le monde: mais ils y font couverts & imperceptibles aux fens. L'état de l'autre vie ne fera que découvrir ce qui eft deja, en laillant agir les ames felon les mouvemens qui conviennent à leur état, Le defefpoir, la rage, le déchirement conviennent à celles que le démon poffede, & c'est ce qui arrivera aux ames malheureufes qui s'y trouveront aflujetties. Les mouvemens d'une charité parfaite conviennent à l'habitation de Dieu dans le cœur; & c'eft ce qui arrivera à toutes les ames qui fe trouveront dans cet état en mourant. Elles n'auront jamais de cupidité: & foit qu'elles foient parfaitement purifiées de toutes les fouillures qu'elles ont contractées, foit qu'elles ayent encore quelque chofe à purger,elles auront pourtant tout cela de commun, qu'elles feront délivrées par la mort de la domina

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tica du peché; que le corps de mort n'o-
perera plus en elles; & en un mot, qu'el-
les n'aimeront jamais que Dieu.
IL.

Jefus Chrift ne voulut pas que tous fes
Apôtres fuflent témoins de fa Transfigu-
ration.Il n'en choifit que trois. C'étoit une
faveur en quelque forte pour ceux qu'il
choifit:mais c'en étoit une autre d'une au-
tre maniere pour ceuxqu'il ne choisit
pas,
felon qu'il eft dit: Heureux ceux qui n'ayant Foan. 20
point vu, n'ont pas laiffé de croire. La foi 29.
qui nous fait croire ce que nous n'avons
point vu, n'eft pas moins avantageule que
la vûe même des myfteres ; & ce n'eft
que par notre faute que nous fommes in-
fenfibles & à la Transfiguration de Jesus-
Christ, qui nous marque l'état que nous
devons attendre après la réfurrection, &
à cette double Transfiguration qui eft fi
réellement dans le monde, & que nous
n'y voyons point. Il faut demander à
Dieu ces yeux de la foi, ces yeux du cœur, Eph.
dont parle faint Paul, qui nons faffent dé- 18.
couvrir quelle est l'esperance de notre voca-
tion, & quelles font les richeffes & la gloire
de l'heritage de Dieu dans les Saints. Il faut
lui demander qu'il nous falle découvrir
la beauté de ce royaume qu'il établit dans
les ames qu'il poffede. Enfin il faut lui de-
mander qu'il nous découvre l'état effroya

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ble d'une ame en peché,& qu'il diffipe le nuage qui couvre nos yeux, & qui nous fait paroître quelquefois de l'agré ment & du plaifir dans l'extremité de la

mifere.

III.

La transfiguration de Jefus Christ a été double. L'une qu'on peut appeler une Transfiguration d'humiliation,par laquelle il a fupprimé toute la vie la gloire qui lui étoit due. L'autre qu'on peut nommer une transfiguration de gloire, par laquelle il l'a découverte une fois à trois Apôtres. La transfiguration d'humiliation a été continuelle & pour tout le monde. La tranffiguration de gloire n'a été paflagere & pour peu de perfonnes. La vraie humiliva à ne découvrir ce qu'on a de bon & de relevé qu'à moins de perfonnes qu'on peut, & le plus rarement que l'on peut. Mais il y a dans le monde, une mauvaise transfiguration bien opposée à celle-là, & que l'on peut appeler une transfiguration d'orgueil. Chacun y tend à mettre continuellement en vûe ce qu'il croit avoir de grand,& à cacher, déguiser, fupprimer toutes les baffeffes. Délivrez-nous, Seigueur, de cette corruption, & faites que fi nous fommes miferables & pécheurs, au moins nous ne craignions pas de le pa roître,

ya

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