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tion des Chrétiens qui font préfentement privés de la préfence vifible de Jefus Chrift, foit moins avantageufe que celle des perfonnes qui en ont joui. S'ils font privés du fecours des fens & de la vûe des merveilles de Jefus Chritt, ils font exemts de l'oppofition des fens qui combattoient étrangement la créance qu'un homme qu'on voyoit femblable aux autres, fût en même tems Fils de Dieu, & Dieu luimême. Les fens étoient alors un auffi grand empêchement qu'un grand fecours à la foi. Pour croire en Jefus Christ il falloit de plus fe mettre au-deffus des chefs de la Religion judaïque, & réfifter à l'exemple de la plupart des peuples. Enfin l'oppofition naturelle que la raifon de l'homme fait aux verités qui la furpaffent, n'étoit point encore adoucie par la coutume. Mais maintenant, ni les sens, ni la raison ne forment prefque plus d'oppofition à la créance de nos myfteres. L'habitude & l'exemple de tant de peu ples nous levent entierement ces obstacles. Il n'y a plus de peine à croire : & il y en auroit beaucoup plus à ne croire rien & à fe mettre au-deffus de tant de preuves de la Religion qui nous environnent, fortifiées par l'approbation publique. Nos yeux ne font donc pas moins heureux que ceux des Difciples de Jefus-Chrift: & nos

oreilles ne jouiflent pas d'un moindre bien, en entendant de la bouche de l'Eglife les verités que Jesus-Chrift a annoncées, que fi nous les avions entendues de la bouche même de Jefus-Chrift.

III. Mais helas! qu'il eft à craindre que te bonheur des Chrétiens ne foit pour la plupart d'entr'eux le comble de leur malheur. Car fi c'eft un grand bonheur de connoître & d'entendre Jefus - Chrift, c'est un grand malheur que de mépriser ce bonheur, & de n'en faire aucun ufage. Or quel ufage faifons-nous de la connoiffance de Jefus-Chrift? Quelle part a-t-elle dans la conduite de notre vie? Qui connoît Jefus-Chrift connoît la voie de la vie. Qui marche donc après cela dans la voie de la coutume & dans la voie des sens,devient d'autant plus malheureux, qu'il avoit plus de moyen d'être heureux. Car cette connoiffance n'eft un bonheur qu'entant qu'elle difpofe l'ame à l'amour & à l'obéiffance de Jefus-Chrift. Qui ne connoît point Jesus-Christ, ne fauroit F'aimer, ni lui obéir: mais qui le connoît & ne lui obéit point en le connoiffant, eft dans le fouverain malheur. Ainfi un Chrétien eft très - malheureux, ou trèsheureux. Il n'y a point de milieu.

IV. C'eft une penfée que nous devrions toujours avoir en affiftant à la Meffe, em

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recevant le corps de Jefus Chrift, où en lifant l'Evangile, que celle que Jefus 24 Chrift nous fournit en difant: Je vous dé que beaucoup de Prophetes & de Rois ont fouhaité de voir ce que vous voyez, ne l'ont point vu ; & d'entendre ce que vous entender, & ne l'ont point entendu. Nous voyons en effet & nous entendons ce que les Prophetes n'ont point vu ni entendu ; ce que David & tous les faints Rois auroient regardé comme un fouverain bon heur. Dieu nous a infiniment plus favo rifés qu'eux. Mais cette penfée, en nons faifant fouvenir de notre bonheur, & nous avertissant de la reconnoiffance que nous en devons à Dieu, nous doit porter en même tems à lui demander la grace d'en user comine nous devons: car l'une de ces graces ne fuffit pas fans l'autre. Toutes les graces de Dieu nous doivent être un avertiffement, un motif, & une obligation de prier, n'y ayant qu'une nouvelle grace qui nous puiffe empêcher d'abufer de celle que nous avons déja reçue. C'est ce qui rendra les Chrétiens réprou vés les plus malheureux de tous les hommes, & beaucoup plus que ces peuples 14 dont faint Paul dit, que Dieu les à laiffé marcher dans leur voie. Un bonheur imparfait devient un fouverain malheur. Une grace féparée des autres eft l'occa

fion d'une fouveraine disgrace. Il est vrai que cette féparation des graces vient de notre faute; Dieu eft par lui même dif pofé de les joindre, & il n'en refufe jamais la continuation à ceux qui la demandent comme il faut. Mais les hommes font fi corrompus, qu'ils ne demandent jamais comme il faut la continuation des graces de Dieu, qui renferme la perseverance, à moins que Dieu ne leur donne la perfeverance dans la priere, qui eft une grace fpéciale, comme la perfeverance dans les autres vertus.

V. Il eft dit dans la fuite de cet Evan gile, qu'un Docteur de la loi, pour tenter Jefus-Christ, lui dit: Maître, que faut- v. 253 il que je faffe pour poffeder la vie éternelle ? Il vouloit plaire à Jelus-Chrift par cette question, & s'infinuer dans son esprit, & il en avoit trouvé le moyen, fi fon cœur eût été aussi sincere que les paroles le paroiffoient. Rien ne plaît davantage à Jefus-Chrift qu'un defir efficace de fon falut, & une recherche fincere des moyens d'y parvenir. Et l'on peut dire que l'un des plus grans défauts des Chrétiens eft de manquer du defir que ce Docteur de la loi exprimoit par fes paroles. Peu de perfonnes defirent fincerement leur falut, & difent à Dieu avec verité: Que ferai-je pour poffeder la vie éternelle? Car ce defir

quand il est véritable, enferme la préference du falut à toutes les choses du monde. Cet homme n'excepte rien. Quid faciam? dit-il, Que ferai-je ? Il témoigne par là qu'il n'y avoit rien qu'il ne fût refolu de faire; qu'il confideroit l'acquifition de la vie éternelle comme l'unique néceffaire, & qu'il faifoit céder tout le rette à ce defir. Quid faciam? Mais ce defir aucontraire eft fi foible dans la plupart du monde, qu'ils ne veulent pas faire le moindre effort pour fe féparer de ce qui leury peut fervir d'obstacle. Ils ne difent pas comme ce Docteur de la loi: Que ferai-je pour obtenir la vie éternelle Mais ils difent plutôt: Je ne veux rien faire pour obtenir la vie éternelle. Ils veulent que le falut ne leur coûte rien. Et au-lieu que Jefus-Chrift promet les chofes temporelles par furcroît à ceux qui cherchent le royaume de Dieu, ils veulent au-contraire qu'en appliquant tout leur fon à acquerir les choles temporelles, Dieu leur donne fon royaume éternel comme par furcroît. Ils ne veulent pas prendre feulement la peine de s'informer avec foin des voies pour y arriver fûrement. Et quoiqu'ils fachent qu'on eft infiniment partagé fur les moyens du falut,& que les uns condannent ce qui s'eft approuvé par d'au tres, ils ne le mettent point en peine de

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