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SILENCE DE JESUS-CHRIST dans fa Paffion.

S'lly a

1.

'Il y a quelque chofe de plus qu'humain dans toute la Paffion de JefusChrist, c'eft principalement le filence qu'il y a gardé. La parole eft l'inftrument géneral de toutes les paffions, & elles ne font jamais fi excitées dans ceux qui en ont, que lorsqu'il s'agit de défendre leur vie. L'amour de la vie porte à se justifier. La colere porte aux reproches. Les autres paffions ont auffi leur langage. Mais Jefus-Chrift ne parle que pour rendre témoignage à la verité quand il eft néceffaire, & rentre incontinent dans un filence qui marque qu'il n'étoit conduit que par la raison. Elle veut qu'on prati que les vertus propres à l'état où l'on eft, & non pas qu'on faffe paroître celles qui feroient hors de faifon. Il n'y en avoit point qui convînt mieux à l'état où Jefus Christ étoit dans fa Paffion, qu'une patience invincible accompagnée de douceur & de filence. Mais il n'y avoit que' JESUS qui le pût comprendre. Tout autre que lui auroit été renversé par le trouble qu'auroit produit dans fon efprit une fi énorme injuftice.

IL

Ce filence fait voir qu'il pensoit plusà Dieu qu'aux hommes; qu'il étoit appli qué à accomplir fon œuvre par la malice même des hommes; qu'il ufoit de leur injustice, mais qu'il n'y fuccomboit pas. Il fait voir par la maniere dont il la fouffre & l'excufe, qu'il y a quelque chofe digne de compaffion dans l'excès même de l'injustice; puisqu'elle procede toujours d'un aveuglement qui ôte la connoiffance de ce qu'on fait. Mais l'efprit humain qui fent le mal qu'il en reçoit, n'y cherche point d'excufe, & ne s'applique qu'à ce qui peut au-contraire augmenter l'idée du mal qu'il reflent. Il n'en étoit pas ainfi de Jefus-Chrift. L'aveuglement des hommes le touchoit de compaffion, lors même qu'il en reffentoit les plus terribles effets. Et c'est ce qui eft caufe qu'il ne les repouffe point par des paroles de colere, & qu'il conferve ce filence divin qui paroît dans toute fa Paffion.

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Que nous fommes éloignés de certe fainte difpofition, & que nos paffions fe produifent aisément par nos paroles! Combien de fois exerçons nous une vengeance fecrette par des mots que nous ju

geons pouvoir faire quelque dépit à ceux à qui nous les difons? Combien de fois l'amour propre fe fert-il de ce moyen pour chercher la nourriture & s'attirer des louanges & de l'eftime dans les fouffrances mêmes? Combien de vues fecretres, d'interêts humains fe gliffent & fe mêlent dans nos difcours ? Quiconque defire fincerement de fe purifier de cette corruption fecrette, n'en a point de meil leur moyen que de s'adreffer à Jesus garàJESUS dant ce prodigieux filence dans sa Paffion; & de lui demander quelque participation de cet efprit qui l'a attaché fi uniquement à Dieu, que les plus grandes injuftices des hommes n'ont pu tirer de lui aucune parole non néceffaire.

BARABBAS PREFERE à Jefus Chrift.

I

On s'étonne de l'excèsde la fureur des

Pharifiens & des Juifs dans cette préference; mais ce n'est que l'effet ordinaire d'une forte paffion. Les Pharifiens avoient fait de la haine de J.C.leur pas fion dominante. La haine qu'ils avoient contre Barabbas étoit beaucoup moin

dre. Il falloit donc que l'une l'emportât fur l'autre. Pilate étoit bien fimple d'avoir cru qu'ils choifiroient plutôt Jefus que Barabbas, & il ne connoiffoit gueres le cœur des hommes. Il devoit favoir qu'un cœur ulceré par une haine maligne & envenimée eft capable, ou de hair plus les plus grandes vertus que les plus grans vices, ou de fe figurer les plus grans vices, dans les plus grandes vertus. Car il ne faut pas s'imaginer que tout cela manquât de prétextes dans l'efprit des Pharifiens. Leur malice leur avoir perfuadé que Jefus étoit ennemi de la loi de Moïle, qu'il la vouloit abolir; qu'il étoit un blaf phemateur, qu'il fe faifoit Dieu. Ils conchuoient de là qu'il étoit plus pernicieux aux Juifs qu'un feditieux & un homici de. La conclufion étoit jufte, mais le principe étoit faux. Ainfi les méchans prin cipes que l'on admet par l'inftinct des paffions, font une fource féconde des crimes les plus énormes, & en fuivant ce que la raifon conclut de ces faux principes, on fe précipite dans les plus effroyables excès.

II.

Il paroît par l'Evangile qu'il y avoit de deux fortes de Juifs. Les uns, comme les Pharifiens & les autres Docteurs de la loi conclurent d'eux-mêmes & par

leur propre malice, qu'il falloit préferer Barabbas à Jelus. Les autres eurent befoin d'en être follicités, & s'y porterent en quelque forte par légereté. Il y avoit fans doute moins de malignité dans la difpofition des feconds. Cependant ils fe portent au même crime à la follicitation des autres. Et cela nous fait voir qu'un foible amour pour la juftice n'empêche pas qu'on ne foit capable des plus grans crimes, lorfque Dieu permet qu'on y foit follicité; & que fouvent on ne s'en abf tient que parceque Dieu ne permet pas que nous nous rencontrions avec des gens qui nous y portent fortement.

III

On a une jufte horreur de ce choix déteftable que firent les Juifs en préferant Barabbas à Jefus-Chrift: mais on ne confidere pas affez que ce crime hor rible eft en même tems le plus commun de tous les crimes, & qu'il n'y en a point qui ne le renferme. Car toutes les fois qu'on abandonne Dieu pour la créature, & qu'en mettant fon bonheur dans les plaifirs on renonce ainfi à la felicité du ciel & à la jouillance de Dieu, ne préfere t on pas non feulement Barabbas à Jefus Chrift, mais le diable même à Dieu ? Ainfi toute la terre eft pleine de ces choix injustes.Le démon qui regne

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