Imágenes de páginas
PDF
EPUB

droit de nous préferer ni aux Juifs, ni à Pilate. Et c'eft une pensée que nous devrions toujours avoir à l'égard des pechés paffés: Que ce font ces pechés qui ont crucifié Jefus Chrift: de même que pour nous éloigner de tomber dans les crimes, faint Paul veut que nous ayons toujours dans l'efprit, que nous ne les faurions Hab. 6. commettre fans crucifier de nouveau le Fils de Dieu dans nous-mêmes. Ceft auffi pour marquer cette confpiration de tous les hommes à la mort du Fils de Dieu qu'elle fut accordée aux Juifs par Pilate, & executée par les Gentils, afin que perfonne ne pût s'exemter de s'en croire coupable, & ne mît fon efperance qu'en la mifeti corde de Dieu.

LE PORTEMENT
de la croix.

I.

Ly a de l'apparence que ce ne fut qu'en fuivant la coutume qui fe pratiquoit à l'égard des criminels, que Jefus condanné en fortant de Jerufalem pour être crucifié fut chargé de fa croix. Mais comme l'ordre & les coutumes du monde étoient réglées par la providence de Dien pour fervirà l'accompliffement des myfteres de Jefus Chrift on peut dire

que fi c'étoit la coutume que ceux qui étoient condannés à être crucifiés, portaffent eux-mêmes leurs croix, Dieu n'avoit permis l'introduction de cette coutume qu'afin que Jefus-Chrift portât la fienne. Il falloit que Jefus Chrift chargé de fatisfaite pour l'homme pécheur, dans cette derniere action à laquelle la réparation de l'homme étoit principalement attachée, reprefentât l'homme pécheur, le fupplice auquel il avoit été condanné, ce qu'il méritoit, & ce qu'il devoit faire pour operer fon falut. JefusChrift fort donc de Jerufalem pour mourir, comme l'homme pécheur fut chaffé du paradis terreftre, & relegué fur la terre pvur y mourir. Il en fort chargé de fa croix, comme l'homme pécheur chaflé du Paradis terreftre fut accablé de toutes fortes de miferes. Son voyage fe termine par la mort de la croix, comme la vie de l'homme fe termine toujours par une mort douloureufe. Ce que l'on doit conclure de là, c'eft que l'homme pécheur pour operer fon falut dans cet état miferable, doit porter volontairement la croix comme Jefus Chrift, & l'accepter avec fou miffion, auffi-bien que la mort qui la doit fuivre.

II.

Ainfi la vie chrétienne figurée par Jefus - Chrift portant fa croix, confifte dans trois regards. Dans le regard de Jerufalem dont on eft chaffé, c'est-àdire, dans une humble reconnoiffance de l'indignité où nous fommes par nos pechés d'entrer dans le paradis & dans une humiliation profonde que nous fommes obligés d'avoir dans le cœur, à caufe des pechés qui nous en ont fait bannit Elle confifte fecondement dans l'acceptation & le portement volontaire de la croix: & cette croix ne doit pas feulement renfermer l'amas des maux que la providence nous a ordonnés, mais auffi la privation de la jouiffance des créatures dont nos pechés nous rendent indignes, & que notre concupifcence nous rend dangereuse, & de plus toutes les mortifications qui nous font néceffaires, où pour remedier aux fources de nos pechés, ou pour fatisfaire à la juftice de Dieu. Enfin le troifiéme regard eft le regard de la mort que le Chrétien pénitent doit toujours avoir dans l'efprit comme un fupplice auquel il eft juftement condanné, mais qu'il peut changer, en l'offrant hum blement à Dieu pour fes pechés, en un facrifice de propitiation qui lui ouvrirá le ciel, s'il le joint à celui de Jefus Chrift.

III.

Quelques légeres que foient nos croix, il ne faut pas croire que nous fuffions capables de les porter, fi Jefus-Chrift n'en portoit une partie : & c'eftpourquoi Jefus en portant la fienne voulut souffrir un affoibliffement qui obligea les Juifs à lui donner un compagnon, qui fut Simon le Cyrenéen, afin qu'il l'aidât à la porter. Les maux du monde accableroient les élus, fi Jefus-Chrift figuré par ce Simon le Cyrenéen ne les foulageoit. Ainfi il est de la gratitude de tout Chrétien fouffrant, de reconnoître que ce n'eft point par fa propre force qu'il ne fuccombe pas aux fouffrances; que Jefus-Chrift en porte plus grande pattie; & qu'ayant partagé la mesure des fouffrances destinées tant à lui qu'à fon corps, en celles qu'il a voulu fouffrir lui-même, & celles qu'il répand fur fes divers membres, il a fouffert feul & par la propre force celles qui lui ont été particulieres; mais de plus il prend part à celles de les membres. Il les foutient, il les foulage, il fanctifie leurs fɔuffrances, il les empêche de fuccomber.

la

JE

CRUCIFIEMENT
de Jejus-Chrift.

I.

Esus arrivé fur le Calvaire y fut ina continent dépouillé & cloué fur la croix par les foldats Romains, miniftres de fon fupplice. C'eft proprement là le tems de fes plus grandes douleurs corporelles, dont la verité eft que perfonne ne fait la mefure. De forte que quoiqu'il y ait des Martyrs dont le genre de fupplice a été en apparence & plus long & plus cruel, il y a néanmoins beaucoup de vraifemblance que Jefus - Chrift a plus fouffert que tous les Martyrs ensemble. La raison en eft que l'ame ne fouffre qu'à mefure qu'elle s'applique à la douleur. Or dans les hommes fimplement hommes, cette application ne dépend point d'eux. L'ame eft furmontée par la violence d'un fentiment involontaire. Elle ne s'y applique qu'imparfaitement. Une application affoibli l'autre, l'ame dans cette vie étant incapable en même tems de plufieurs applications violentes.

Il n'en étoit pas de même de JefusChrift. Son application n'étoit nullement forcée Il pouvoir ne rien fouffrir

« AnteriorContinuar »