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s'il eût voulu ; & les cloux auroient percé fes mains & fes piés fans que fon ame en eût rien fenti. Mais auffi il pouvoit fouffrir autant qu'il vouloit, & fa volonté a été la mesure de fes douleurs, comme elle a réglé le tems de fa mort. C'a donc été la volonté de Jefus-Chrift pleine du defir de fatisfaire à la justice de Dieu, pénetrée de l'énormité des offenfes infinies des hommes, brûlante du defir d'être batifée dans ce batême de fang, qui a été la regle de fes douleurs corporelles : & ily a bien de l'apparence qu'ayant eu les plus grans motifs de fouffrances qui furent jamais, il a voulu fouffrir à proportion de

ces motifs.

II.

Mais fi les douleurs corporelles de Jefus Chrift font incomprehenfibles, qui comprendra celles de fon ame fainte Il avoit toujours eu dans l'efprit les pechés de tous les hom nes, & la nêne idée de la majefté de Dieu offenfés: & il eft vrai de dire en ce fens, que fes fouffrances fpirituelles ont été continuelles. Cependant comme le tems de la vie étoit deftiné à d'autres actions,p ut être n'a t-il pas laiffe agir ces objets telon toute leur grandeur & toute leur force. Mais la croix étoit le tems de fouffrir; c'etoit le tems où il avoit

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Ifai. 53 deftiné de devenir parfaitement l'homme de douleurs: c'est donc alors qu'il a voulu reffentir totalement l'impreffion des pechés de tous les hommes, & foutenir tout le poids de la juftice de Dieu. Les hommes ne font que bégayer en parlant de tout ceci : && tout ce qu'ils peuvent en dire, eft qu'il n'y a que JESU s qui fache la mefure de fes douleurs inte rieures.

III

Mais perfonne au moins ne doit ou blier qu'il étoit alors préfent à l'ame de Je fus Chrift; que les pechés de chacun de nous ont contribué à fes fouffrances, & qu'ils ont fait une partie de fon fupplice. Et fi nous avons quelque amour & quelque reconnoiffance pour Jefus-Chrift, nous devons entrer an moins dans quel que petite part de fes fentimens, & avoir quelque douleur de nos pechés, puifqu'ils en ont tant caufé à Jefus-Chrift. Nous devons craindre fur tout de les réiterer, & de lui caufer par-là un fecond crucifieHeb. 6. ment, comme parle faint Paul: Rursum crucifigentes fibimetipfis Filium Dei. Il y a des pechés qui font en quelque maniere inévitables, parcequ'ils font paffés, & il ne nous refte qu'à nous en affliger avec Jefus-Chrift, & à lui demander quelque par

ticipation de fes douleurs. Mais il n'en eft pas de-même des pechés futurs. Ils ne fe peuvent commettre fans notre volonté: & c'eft une horrible ingratitude que d'en faire un ufage fi déteftable. Le moins que nous puiffions faire eft donc de la livrer toute à Jefus-Chrift, pour ne vouloir jamais rien que ce qui eft conforme à la fienne. La vue de la croix eft favorable pour en obtenir la grace; puifque c'est le tems où il a principalement obtenu toutes celles qui fe répandent dans l'Eglife; qu'il les a toutes demandées à Dieu, & qu'il a été exaucé de fon Pere à caufe de cet hommage infini qu'il lui a rendu : Exauditus eft pro fua reverentia.

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Eplus grand fpectacle qui fut jamais, & qui a rempli d'étonnement tous les Anges du ciel, & en remplira tous les Saints dans toute l'éternité, ce mystere ineffable par lequel les démons furent vaincus,& les hommes réconciliés à Dieu, enfin ce prodige étonnant d'un Dieu fouf frant pour fes efclaves & fes ennemis, n'eut alors pour témoin que la fainte Vier

Heb.

7.

ge. Les Juifs & les payens n'y virent qu'un hom ne qu'ils haifoient ou qu'ils méprifoient, attaché à la croix. Les femmes de Galilée n'y virent qu'un jufte qn'on faifoit mourir cruellement. Marie feule représentant toute l'Eglife, y vid un Dieu fouffrant pour les hommes. Mais ce n'eft pas feulement en ce tems que ce miracle a eu peu de fpectateurs. A préfent même que ce Dieu crucifié regne en apparence fur une partie du monde, peu de Chrétiens le regardent comme il faut dans cet état. Leur efprit eft occupé de mille foins & de mille defirs inutiles: & Jefus-Chrift mourant pour eux y tient la moindre place, & fait la moindre partie de leur application. Cependant on ne lui appartient, qu'entant qu'on eft fon difciple: & l'on n'eft fon difciple qu'à proportion qu'on eft disciple de la croix. Il y eft élevé, comme dit faint Augustin, pour y enfeigner tous les fidelles. Il a fait de l'inftrument de fon fupplice une chaire où il exerce l'office de Docteur à l'égard de tous les hommes. C'est-là qu'il nous montre la voie du falut. Qui ne l'apprend point de lui n'y fauroit marchet, & qui n'y marche point, ne fauroit paryenir au falut.

II.

Il eft donc d'une extrême importance

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d'écouter Jefus Chrift fur la croix, & d'apprendre ce qu'il nous y dit. Et que nous y dit-il, ou plutôt que ne nous y ditil point? Recueillons quelques-unes de fes inftructions parmi le nombre infini de celles qu'il nous y donne.

Il nous apprend donc premierement ce que c'est que le peché. Nous en avons une idée foible qui ne nous en fait point concevoir l'horreur que nous devrions en avoir. Nous ne le regardons que par rapport à une action qui s'efface de notre mémoire, & qui ne nous paroît fubfifter qu'un peu de tems; par rapport à des biens périflables qu'il recherche, à des dommages temporels qu'il caufe. Mais ce n'eft rien que tout cela: il faut le regarder par rapport à la fainteté de Dieu. C'eft par la majefté infinie de l'offenfé qu'il faut juger de la grandeur de l'offenfe; & pour en concevoir quelque idée, il n'y a qu'à jetter les yeux fur la croix, & voir de quelle forte cette fainteté de Dieu punit le peché fur fon propre Fils, Fils, qui s'éroit chargé d'y fatisfaire pour les hommes. La vie de ce Fils unique infiniment plus précieuse que cent mille mondes, elt le feul facrifice qui ait pu expier l'énormité du peché cependant l'aveuglement des hommes eft tel, qu'ils ne laiffent pas de le commettre avec une facilité prodi

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