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s'éclaircir qui a tort ou qui a raison. Ils fe mettent fous la conduite du premier venu; & il leur plaît de le croire bon, pour n'avoir pas la peine d'en chercher un autre. Leur imprudence eft femblable à celle d'un homme qui pour faire le tour du inonde, prendroit le premier vaiffeau & le premier marinier qu'il trouveroit au bord de la mer. D'autres compofent d'abord avec Dieu, & lui déclarent par le fond de leur cœur qui eft expofé à fes yeux, qu'ils veulent bien faire pour leur falut telles & telles chofes; mais qu'ils ne veulent pas aller plus avant; qu'il ne veulent point renoncer à la vie molle; qu'ils ne veulent point de retraite, point de pénitence, point d'humiliation, point de retranchement de luxe; qu'ils ne veulent hazarder ni leur repos, ni leur fortune pour les interêts de Dieu. A cela près ils font difpofés à accepter le paradis fi l'on veut le leur donner.

VI. Jefus-Chrift ne répond pas directement à la queftion de ce Docteur de la loi; il le renvoye à l'Ecriture: Que porte la loi Qu'y lifez-vous ? Dieu ne veut pas qu'on le repofe tellement de fon faJut fur l'inft nction des hommes, que l'on n'employe auffi fa propre application s'inftruire de ce qui eft néceffaire pour fe fauver. Et c'eft fouvent ce défaut de

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s'appliquer aux verités du falut, qui rend fufceptible des erreurs qui font infpirées les mauvais directeurs. Si l'on avoit bien foin de s'inftruire du fond de la Religion par les moyens que Dieu met en notre pouvoir, comme eft la lecture & la méditation de l'Evangile, l'attention aux verités que l'on apprend dans les inftructions publiques de l'Eglife, on discerneroit plus facilement les faux directeurs des véritables. C'est l'ignorance & le peu d'application des Chrétiens aux verités du falut, qui les rend fi faciles à féduire, & qui les engage en tant de mauvaises voies. Ils ne confultent jamais la loi de Dieu. Ils ne fe demandent jamais à eux. mêmes Que porte l'Evangile ? Qu'est-ce Joan, 12, qu'on y lit? Cependant ce fera l'Evangile

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qui nous jugera Sermo quem locutus fum, ille judicabit cum in noviffimo die. Chacun eft donc obligé de s'en inftruire, & de fe remplir l'efprit & le cœur des verités de la loi de Dieu. Il eft bon d'interroger les Pafteurs & de leur demander: Que ferai-je pour obtenir la vie éternelle? Mais on ne difcerne ces Pafteurs à qui l'on doit s'adrefler, que par un commencement d'inftruction, & par la connoiffance des principes duChriftianifme jointe à la droiture du cœur. Ceftpourquoi quand on les peut lire dans l'Evangile, où le doit:

&

& quand on ne les fauroit lire, on doit y fuppléer en fe rendant plus affidu & phis attentif aux inftructions communes, par lefquelles on peut juger de la créance qu'on doit avoir pour les avis que l'on nous peut donner en particulier.

VII. Ce Docteur de la loi répond fort jufte à Jefus Chrift, en réduisant tous les devoir néceflaires pour être fauvé, au précepte de l'amour de Dieu & du prochain. Les perfonnes qui ont le cœur corrompu, ne laiflent pas fouvent d'avoir une certaine lumiere affez jufte dans les chofes qui ne choquent pas directement leurs paffions; ce qui fait qu'ils paroiffent fort capables de conduire les autres. Mais quand on rencontre leur paffion, on ne trouve plus en eux ni lumiere ni équité. Et c'eft ce qui fait auffi que nous devons faire fort pen d'état de l'équité & de la lumiere que nous avons en certaines chofes qui ne font pas contraires au principal objet de nos paffions. Ce n'eft pas par-là que nous devons juger de nous-mêmes. Il faut voir fi cette lumiere s'étend à tous nos devoirs, & s'il n'y a point de certains endroits où nous faffions de faufles applications des verités génerales.

VIII. Cet homme qui répond fi juf te en general, que toute la loi fe réduifoit à l'amour de Dieu & du prochain, ne

Tome XIII.

C

favoit pas néanmoins qui étoit fon prochain: & il n'en eft que trop fouvent de même de nous. En même tems que nous favons les verités relevées, nous ignorons fouvent celles qui font d'une pratique très-ordinaire.

Qui ne fait parmi les Chrétiens que tollte la loi confifte à aimer Dieu, & fon prochain? Et qu'est-ce qu'on ne fe permet point avec cette perfuafion? On croit & on dit qu'il faut aimer Dieu de tout fon cœur, de toute fon ame, de toutes fes forces. Et avec cela l'on emploie tout fon tems à la recherche des honneurs, des plaifirs, & des richeffes du monde. Mais, dit-on, on ne les préfere pas à Dien, & l'on feroit prêt de les quitter s'il s'agiffoit de l'honneur de Dieu. L'ame se tient ce langage pour demeurer avec moins de fcrupule attachée à ce qu'elle aime. Mais il y a toute forte d'apparence qu'elle fe trompe. Un amour toujours en action, comme l'est en eux l'amour du monde, qui prend à tout moment de nouvelles forces, ne cede pas fi facilement qu'on penfe à un amour languissant & oifif, tel qu'eft dans la plus part du monde,l'amour de Dieu, à qui l'on donne feulement une préference pour des occafions rares qui ne fe rencontrent prefque point, pendant qu'on fe livre à l'amour du monde, &

qu'on s'y laiffe conduire dans la plupart de fes actions.

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IX. Ce Docteur de la loi defirant de paroître jufte, & fuppofant qu'il n'avoit point d'autre prochain que fes parens, fes amis, ou tout-au-plus ceux de fa nation, demanda à Jefus-Chrift; qui étoit fon prochain; afin de lui faire voir qu'il ne manquoit pas à ce qu'il devoit. Bien des gens font dans la même disposition, & l'ont peut dire avec verité, que ceux qui font poffedés de l'amour d'eux-mêmes, n'ont point de prochain, ou plutôt qu'ils n'en connoiflent point d'autre que ceux qui font liés à leurs interêts. Ils n'aiment les gens qu'à proportion qu'ils leur font utiles & qu'ils entrent dans leurs paffions, Hors de là ils leur font indifferens. Ils ne prennent part ni à leurs biens ni à leurs maux. Ils ne les regardent point par les liens communs de la nature ni de la grace. Ils ne les fervent point pour eux-mêmes, & pour leur faire du bien. Leur charité a toujours quelque vûe fecrette d'interêt qui l'attire & la remue. Ainfi elle ne regarde jamais le prochain comme prochain, & l'on peut dire que de toutes les qualités des hommes c'eft celle qui fait le moins d'impreffion fur l'efprit..

X. Jefus Chrift voulant donc apprendre à ce Docteur de la loi combien les

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