cours inutiles eft une des grandes manieres dont on peut honorer Dieu; parcequ'en les retranchant on retranche la nourriture ordinaire des paffions: & c'est pour nous donner cette inftruction que Jefus-Chrift, qui n'avoit pas befoin de cette réserve, parcequ'il n'avoit point de paffion, a voulu néanmoins la pratiquer. III. Jefus-Chrift de plus nous avoulu montrer par cette conduite quelle eft la véritable vie des Chrétiens, & fur tout des Prêtres & de ceux qu'il employe au miniftere de l'Eglife. Ils ne doivent avoir que deux objets au monde, Dieu & le prochain. Dieu, pour s'adrefler à lui continuellement dans la priere, pour l'adorer, pour le remercier fans ceffe de fes graces, & pour augmenter leur amour par la méditation de fes verités: le prochain, pour l'inftruire de tout ce qu'il eft néceflaire qu'il fache pour fon falut: avec cette difference néanmoins, que leur pente & leur inclination doit être de converfer avec Dieu & de fe tenir en fa préfence, & qu'il n'y a que la néceffité qui les doivent appliquer au prochain. Mais hors de ces deux objets, la vie d'un Chrétien reffufcité avec Jefus-Chrift doit être toute féparée des créatures. Toutes les occupations, tous les divertiflemens, tous les amusemens du monde font indignes de lui, & il les regarde avec railon comme des occupations d'enfans, qui ne favent ce qu'ils font. Jefus Chrift reffufcité eft fon modelle & fa regle, & il ne peut comme lui s'occuper que du prochain par néceffité, & de Dieu par inclination. VOLOFS-FI FACSEE HAGE.FIL: GEOD100EACH L'ASCENSION. Com I. Omme il y a bien de la difference entre l'état d'une maifon que l'on bâ. tit & celui d'une maison toute bâtie, & qu'il eft néceflaire même pour rendre un édifice parfait d'en ôter les machines & les inftrumens fans lefquels on ne l'auroit pu faire: il y a de même une grande difference entre ce qui a été néceflaire à la fondation de l'Eglife, & ce qui eft néceffaire à l'Eglife toute formée. La préfence vifible de Jefus Chrift avoit été néceffaire pour former Eglife: il falloit que les Apôtres euffent été témoins de fa vie, de fa mort & de fa réfurrection, & qu'ils puffent dire, comme faint Jean, qu'ils ne publioient que ce qu'ils avoient vu, 1. Foam que ce qu'ils avoient entendu, & que ce que 1. 1. leurs mains avoient touché du Verbe de vie. Mais après que l'Eglife a été fon1ée fur des témoignages fi affurés, il falloit que cette préfence vifible de Jefus-Christ fåt fouftraite aux Apôtres & au monde. Et cette fouftraction n'étoit pas moins effencielle à l'Eglife formée, que fa préfence l'avoit été pour la former: car le deffein de Dieu en formant l'Eglife, a été de faire une fociété de gens qui vê, cuffent de la foi, qui efperaffent des biens invifibles, & qui pour ces objets invifibles méprifaffent tout ce qu'il y a de vifible. C'eft la grande difference de la vie chrétienne, & de la vie payenne & fenfuelle. L'homme vivant par les fens ne connoît point d'autres biens que ceux qui frappent les fens, dont il jouit par les fens. Tout le refte lui paroît chimere. Les objets même qui paroiffent plus fpirituels, comme la gloire & la réputa tion, ne le frappent qu'entant qu'ils deviennent en quelque forte fenfibles par les difcours qu'on lui en fait. Il y a peu de gens qui fe fouciaffent d'une réputa tation dont ils n'entendroient jamais parlet. Et fi quelques uns ont été fenfibles à la gloire qu'on reçoit après la mort de la part des hommes, ç'a été en s'imaginant qu'ils y auroient part. La Religion chrétienne eft fondée fur des principes tout contraires, Elle fait profeffion de ne compter pour rien ce qui frappe les fens, d'adorer d'adorer un Dieu invifible, d'efperer des biens qu'elle ne pourra jamais montrer à perfonne fenfiblement. C'est par-là que Dieu a voulu que cette fociété operât lon falut: & il est bien clair qu'il étoit néceffaire pour cela qu'elle fût privée de la vûe de fon fondateur dans l'état de fa gloire, & qu'elle fût réduite à le croire par la foi. C'est la raison pour laquelle Jefus-Chrift eft féparé d'elle en montant aux cieux, pour y être à jamais placé à la droite de fon Pere: & en cela il n'a pas moins fait pour fon Eglife que pour lui-même ; car felon l'ordre de fa fageffe divine, fes plus grandes graces étoient réfervées pour le tems de fon abfence, & pour cet état d'une foi parfaite. On ne voit que foibleffe & imperfection dans fes Apôtres avant fon Afcenfion ; & l'on voit en eux une force incomparable après la Pentecôte, à laquelle l'Afcenfion les prépara. Il est étrange combien l'homme a de pente aux chofes fenfibles, combien il eft porté à s'y attacher, puifque la préfence même vifible de Jefus-Chrift étoit un obftacle aux graces de Dieu à l'égard des Apôtres: & cela fait voir combien il fe glisse fouvent d'imperfections dans les moyens fenfibles dont les perfonnes qui font à Dieu font obligées de fe fervir dans les communications qu'elles ont avec leurs Tome XIII. Y fuperieurs & leurs directeurs, dans les dévotions exterieures qu'elles pratiquent, & même dans les mouvemens fenfibles qu'elles ont pour Dieu. Il leur femble qu'elles perdent beaucoup quand elles perdent tout cela; & néanmoins c'eft fou vent une mifericorde que Dieu leur fait de le leur ôter, pour leur faire la grace de le fervir d'une maniere plus fpirituelle & plus pure. II. L'Afcenfion de Jefus-Chrift étoit encore néceffaire pour lui-même, non seulement pour le mettre en poffeffion d'une place qu'il avoit méritée & qui faifoit partie de fa gloire : mais auffi pour ac complir parfaitement l'office de Prêtre éternel, & de rédemteur des hommes. Il falloit qu'après avoir immolé fa victime, c'eft à-dire, fon corps, fur le Calvaire, il la portât dans le fanctuaire du ciel; qu'il préfentât à Dieu fon Pere une obla tion non paffagere, mais éternelle ; & qu'il parût devant lui comme l'Avocat & le rédemteur de tous les membres. Auffi c'eft fur cette préfence de Jefus - Chrift devant fon Pere, & fur cette victime qu'il lui offre en qualité de Prêtre éternel, que faint Paul fonde principalement la confiance que nous devons avoir de nous approcher de Dieu. C'est ce qui |