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Philip.

2.13.

a

ne fauroit rien faire de bon que par l'im preffion de la grace de Jefus-Chrift, doit agir comme fi tout étoit en fon pouvoir. Mais cette defiance jufte ne laiffe pas d'a voir d'autres effets effenciels que la préfomtion des Juifs ne pouvoit avoir. Car premierement,au-lieu que le Juif, quand on lui propofoit les ordres de Dieu, répondoit avec une confiance préfomtueufe, qu'il les executeroit ponctuellement; la défiance d'un Chrétien le porte au contraire à recourir à Dieu, à lui demander fa grace, & à n'efperer d'accomplir fa loi que par fa mifericorde. Ainfi l'un pro, met, l'autre prie. L'un fonde fon efperance fur lui-même, l'autre la fonde fur la mifericorde de Dieu. L'un n'a point de crainte, parcequ'il croit avoir une reffource affirée dans foi-même: l'autre opere fon falut avec crainte & tremblement, comme dit l'Apôtre, parcequ'il fait que c'eft Dieu qui opere la volonté & l'accompliffement de la loi de Dieu.

V. Cette préfomtion judaïque & cette défiance chrétienne font encore plus diftinguées à l'égard des chofes que Dien ne commande pas expreflément. Car le préfomtueux croyant avoir la forcé en foi-même, s'engage fans crainte dans les emplois, & ne croit point avoir befoin de confulter fi Dieu l'y appelle: mais le vrai

humble fachant que fa force eft dansDiell, & non dans foi même, craint de s'engager à quoi que ce foit fans l'ordre de કે Dieu, parcequ'il voit bien qu'il n'aura pas tant de lieu d'efperer le fecours de Dieu dans les chofes qu'il aura entreprifes fans fon ordre. Ainfi la confiance judaïque eft la fource de tous les engagemens témeraires aux emplois relevés & aux minifteres de l'Eglife, & la défiance chrétienne eft la fource de la retenue dans les deffeins & les entreprises, & de l'attente paifible de l'ordre de Dien & de fa vocation pour s'engager dans les minifteres. Celui qui croit pouvoir tout, entreprend tout ;& celui qui croit ne pouvoir rien, n'entreprend rien de lui-même, & ne s'engage qu'aux chofes où il voit que Dieu l'engage par les rencontres & les ordres de fa providence, ce qui fait voir qu'il y a bien des Juifs, & peur de Chré

tiens.

VI. Si le cœur d'un Chrétien eft fort different de celui d'un Juif dans le commencement des actions, il n'en eft pas moins different dans les fuites & dans l'accompliffement. Le Juif ne croit point avoir befoin d'une priere continuelle dans l'execution de fes bonnes œuvres : & quand elles font faites, comme il les attribue à fes propres forces, il s'en glorifie

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en lui-même il fe perfuade être le prin cipal auteur de fa juítice; & il en demande à Dieu la récompenfe par droit de juftice, comme un ouvrier demande la récompenfe de fon travail à celui qui l'employe. Mais le Chrétien continue toujours de vivre dans la même dépendance de Dieu & dans la même connoiffance de fa foiblefle, lors même qu'il execute le plus exactement ce qui lui eft commandé. Il fe tient toujours devant Dieu dans la même difpofition d'humilité. Il ne fe prefere à perfonne, parcequ'il croit que fa force eft en Dieu & non en lui-même. Et quand les œuvies font accomplies, il ne perd pas le fentiment de la pauvreté, il ne s'imagine pas en être plus riche; il reconnoît humblement que tout ce qu'il peut y avoir de bon dans ses actions ne lui appartient point : & s'il en attend la récompenfe de Dieu, il l'attend comme un effet de fa bonté, qui récompenfe fes dons, & qui veut bien qu'ils deviennent nos mérites. Ainfi dans la force & fon abondance il reconnoît fa foibleffe & fa pauvreté, parcequ'il fait que cette force & cette abondance ne lui appartient point, & qu'elles font toujours dans les mains de Dieu & non dans les fiennes.

VII. Saint Paul nous donne encore lieu de confiderer la difference d'un Chré

den & d'un Juif par trois autres vûes, felon trois fens qu'on peut donner à cette parole Le jufte vivra par la foi : JUSTUS v. IN ex fide vivit. Le jufte, c'est-à-dire le Chrétien, vit par la foi de Jefus Chrift, parcequ'il croit en lui, & que c'eft ce qui le fait Chrétien. Le Juif qui eft deftitué de cette foi, ne fauroit donc vivre. Or la foi de Jefus-Chrift eft le principe de la vie en

trois manieres.

Premierement, elle en eft la caufe méritoire: car c'est par les prieres de la foi qu'on obtient la vie. Quiconque n'a donc pas la foi ne l'obtient point, &'ne la Tauroit avoir ne l'ayant point obtenue: car Dieu a réfolu de toute éternité de n'accorder rien aux hommes qu'en fon Fils, & par la foi & l'amour de fon Fils Les élus font élus en lui,& non en euxmêmes. Jefus-Chrift eft cette race d'Abraham dans laquelle toutes les nations feront benies. Sans la foi en Jefus-Chrift on ne fauroit avoir de part à cette bénediction, & par confequent on ne fauroit obtenir la principale, qui eft la vie de la grace.

VIII. Secondement, le jufte vit par la foi, parceque cette foi eft fa vie même: car par cette foi il ne faut pas entendre une foi fans charité, mais une for jointe à la chafité, & qui opere par la

charité. Or la foi jointe à la charité eft proprement la vie de l'ame. Son amour eft la vie. Elle ne vit de Dieu qu'en le connoiffant & en l'aimant, & elle ne le connoît d'une connoiffance jointe à l'amour que par la foi en Jefus-Chrift & par la charité. Les Juifs ont conmu Dieu; mais comme ils l'ont connu faus JefusChrist, ils ne l'ont point aimé. Leur connoiffance étoit une connoiffance froide, fans chaleur, fans onction & fans vie. Ils le connoifloient comme leur maître : ils craignoient fa puiflance; mais ils ne l'aimoient pas. Jefus-Chrift feul eft aimé de fon Pere, & Jefus - Chrift feul aime fon Pere. Pour être aimé de Dieu, il faut donc être en Jesus-Chrift. Pour aimer Dieu il faut être en Jefus - Christ, c'est-à-dire, uni à fon corps par la participation de fon efprit, qui eft l'efprit de charité.

IX. Enfin le jufte ou le Chrétien vit par la foi, parceque la foi eft la lumiere qut le conduit dans les œuvres de juftice & qui lui fait connoître cette juftice. Les Juifs regardoient ces œuvres d'une autre maniere. Ils ne les aimoient pas pour el les-mêmes, & parcequ'elles étoient juftes. Ils n'aimoient que la recompenfe que Dieu y avoit attachée, qui étoit l'exemtion des châtimens, & la pofleffion des biens temporels. Or cette connoiffance &

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