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en plus la honte & l'opprobre de l'univers, qui demande en quelque forte vengeance contr'elles, contr'elles, pour être délivré de Rom. 8. la difformité qu'elles y cau'ent: Car, comme dit l'Apôtre, jusqu'à maintenant toutes les créatures foupirent & font comme dans le travail de l'enfantement, dans l'attente de leur délivrance. Tout ce que l'on voit de hideux, d'affreux & de fale dans le monde; ces corps mangés de chancre & de pourriture, ces ulceres, & ces lepres uni verfelles qui font tomber le corps par piéces, ces cadavres rongés de vers, ces cloaques puants ne font que de foibles images de l'état monftrueux des ames mortes par le peché. Il eft vrai qu'elles ne le voyent pas; mais elles n'en font que plus miferables: car moins elles l'auront vu & connu en cette vie, plus elles le connoîtront clairement & vivement en l'autre ; & cette vue d'ailleurs n'eft retardée que d'un moment, parcequ'elles ne font éloignées que d'un moment de la mort qui lévera le rideau qui leur cachoit cet effroyable spectacle.

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IV. Une ame qui porte le peché renfermé en elle, y porte fon enfer. Il ne faut pour la réduire à l'extremité de la mifere que la forcer de fe voir; & c'eft-pourquoi Dieu en menace le pécheur par ces paro 492 les terribles: Je te reprendrai, & te mettrai

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toi-même devant tes yeux. ARGUA M te, flatuam contra faciem tuam. Vûe terrible, mais inévitable à tous les pécheurs, qui les portera à fe déchirer & à vouloir fe fuir eux-mêmes, fans s'en pouvoir jamais féparer : & c'eft ce qui caufera l'excès de leur defefpoir. Malheureux pouvoir que les pécheurs ont donc en cette vie de fe cacher à eux-mêmes, qui a pour fin cette effroyable impuiffance! Illufion funefte, qui ne les empêche de fe voir pour un rems, qu'afin de les mettre dans la néceffité de fe voir toujours en cet effroyable état !

ÓVerité éternelle, qui percez les ténebres de tous les cœurs, vous ferez à jamais la félicité ou le fupplice de toutes les ames; leur joie ou leur defefpoir; leur paradis ou leur enfer, felon qu'elles fe trouveront conformes ou contraires à vous; qu'elles vous aimeront ou qu'elles vous haïront: parceque devenant immuables par la mort, les ames juftes vous aimeront immuablement ; les injuftes vous haïront immuablement & demeureront immuablement convaincues de leur malice, de leur mifere & de leur difformité,

V. Comme la grande mifere des réprouvés en l'autre vie fera de fe voir, & que leur plus grand malheur en celle-ci eft de ne le voir point; auffi la grande coTome XIII.

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lere de Dieu pour l'autre vie eft de forcer les pecheurs de fe voir, & fa grande mifericorde pour celle-ci eft de mettre le pécheur devant fes yeux, & de lui faire connoître la mifere de fon état. Ceft par cette vue qu'il remplit les ames d'une con fufion falutaire, d'une haine fainte contre elles-mêmes & contre le peché, & d'un dégoût du monde qui le rend pour elles un fpectacle d'horreur, parceque c'eft le regne du peché. Ceft par cette vûe qu'il détruit leur orgueil & la vaine complaifance qu'elles avoient en elles-mêmes, & qu'il les convainc de leur mifere, de leur pauvreté, & de la profondeur de leurs plaies. La vue du peché dans l'autre vie eft la punition du peché, dans celle-ci ele en eft le remede & la deftruction. Mais afin qu'elle produife tous ces bons effets, il faut que la mifericorde de Dieu la tempere, & y joigne des fentimens de confiance & d'amour. Une vûe trop vive du peché changeroit l'état de cette vie en celui de l'autre, & y produiroit l'enfer & le defepoir. L'homme y eft incapable de - foutenir la vue du moindre peché connu dans toute la difformité qu'il renferme : & ainfi il est néceffaire que Dieu propor tionne à nos forces la connoiffance du peché, & qu'il ne nous en donne qu'autant que nous en pouvons porter.

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VI. C'est donc une excellente priere de demander à Dieu avec David, qu'il éclaire nos yeux, afin que nous ne nous endormions pas du fommeil de la mort: ILLUMINA oculos meos, ne umquam obdormiam in morte; & 4 avec faint Auguftin, que nous nous connoiffions nous-mêmes dans notre foiblefle & notre injustice, & que nous connoissions Dieu dans fa grandeur & dans fa juftice: Noverim me, noverim te. Mais il faut lui demander ces graces dans la proportion avec notre foibleffe. Ceft un grand orgueil que de croire qu'on n'a pas befoin de la condefcendance de Dieu en çe point, &, un grand défaut de certaines ames de vouloir trop pénetrer dans les ténebres de leur propre confcience, poury voir ce que Dieu leur cache par des raifons de mifericorde. Il faut fe contenter ordinairement de la mesure de lumiere que Dieu nous donne, & lui demander feulement qu'il nous délivre de l'aveuglement volontaire par lequel nous noнs cacherions & nous nous diffimulerions les plaies mortelles de nos ames pour n'être pas obligés d'y remedieṛ.

VII. La vraie difpofition où doit être une ame à qui Dieu fait connoître la difformité du peché, & qu'il a touchée d'une confufion falutaire, eft représentée par l'action de ces lépreux qui n'ofoient

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s'approcher de Jefus-Chrift, quelque de fit qu'ils euffent d'obtenir leur guérison par la grace. C'est par cette retenue qu'ils approcherent beaucoup plus du cœur de Jelus-Chrift, que s'ils avoient pris la liberté de s'approcher de fon corps en se jettant à fes piés. Un pécheur vraiment touché & vraiment converti doit reconnoître combien il eft éloigné de Dieu, & P118. s'écrier par ce fentiment, Longè à pecca toribus falus Il doit reconnoître qu'il y a une distance infinie entre l'impureté de fes pechés, & la fouveraine pureté de Dien. Il fe doit regarder comme dans un abîme profond, & crier à Dieu du fond Pf. 129. de cet abime: De profundis clamavi ad te, Domine: JE fuis tombé dans le fond de to mer, & la tempête m'a fubmergé. VENI in altitudinem maris, & tempeftas demerfit me. Il fe doit tenir trop heureux que Dien dans cet éloignement où il eft de lui, jeɛte fur lui quelque regard de mifericorde, & l'éclaire de quelques rayons de fa lumiere, pour reconnoître l'état où il eft. Ceft donc un fentiment inféparable de la vraie pénitence de fe juger indigne de ce qui eft réservé aux juftes, de fouffrir humblement d'être féparé de la table des enfans ; & de s'en féparer foimême par le jugement que la confcience prononce; ce qui fait dire à faint Auguf

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Pf. 68.

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