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time vigilance continuelle. La vie chré tienne étant une vie oppofée an torrent de la nature, qui ne fait point effort contre ce torrent, en eft nécessairement entraîné. Mais par cet effort on ne fe foutient pas feulement contre le torrent, mais on s'avance on fait du progrès contre fon cours, & l'on en fait même d'autant plus que l'on continue ces efforts: car aulieu qu'en réfiftant au cours d'un fleuve, on fe laffe: l'ame au contraire en réfiltant au torrent du monde, de la coutume, & de la concupifcence, fe fortifie & affoiblit fes ennemis.

VII. La feconde confequence n'eft pas moins confiderable, & elle fait toute la prudence d'un Chrétien. C'eft qne puif que l'on eft obligé de combattre contre fa chait, & d'afforblir fes impreffions par la réfiflance de l'efprit, on eft donc obligé d'éviter tout ce qui les rend plus vives, plus fortes & plus agiflantes. O: il y a mille chofes dans le monde qui augmentent la force des paflions. Les objets les excitent & les enflamment : les mauvais exemples les autorilent, & font qu'on fe croit en fureté en les fuivant. Tel qui feroit capable de réfifterà une paffion quand elle n'avoit point d'autre force que celle qu'elle tiroit de la pente de la nature, n'en peut foutenir l'effort quand elle eft forti

fiée par la coutume. Il y a certaines chofes qui augmentent directement l'impreffion des paffions, d'autres qui les fortifient indirectement en diminuant la réfiftance de la volonté,en amo!iffant le cœur, en amufant l'esprit, & en ôtant à l'ame les armes avec lesquelles elle auroit pu fe défendre.

On ne réfifte aux paffions que par les exercices qui fervent à calmer l'ame: or on ne la calme qu'en l'appliquant à certains objets qui la tiennnent en repos & dans une affiette tranquile, tels font par exemple, la priere, la lecture, la méditation de la verité. Tout ce qui nous détourne de ces exercices, nous difpofe à succomber aux tentations. L'ame a befoin de certains dehors & de certains retranchemens pour en arrêter l'effort. Tout ce qui ruine donc ces dehors, leur ouvre Pentrée du cœur. En s'accoutumant avec les vices, on en perd l'horreur, on s'y apprivoile, on commence à s'y plaire, & l'on y eft bien tôt pris.

VIII. Il ne faut pas penfer que cette chair à laquelle l'Apôtre nous oblige de refifter pour vivre de la vie de l'efprit, ne comprenne que les paffions qui fe gliffent dans le cœur par l'appas de la volupté. L'ame par le peché eft devenue toute charnelle, même à l'égard des objets fgi

rituels ; parcequ'elle les recherche par le même principe que les objets corporels. En le feparant de l'amour de Dieu qui lui faifoit trouver fon plaifir en Dieu, elle est tombée dans l'amour de foi-même : & c'eft par cet amour qu'elle fe porte également à la recherche des plaifirs, tant des fens que de l'efprit. Ceftpourquoi l'Apô tre pour nous donner dans toute fon étendue l'idée de ce qu'il appelle la chair, n'y comprend pas feulement la fornication, & les autres vices groffiers, mais auffi les inimitiés, les envies, les jaloufies, les animofités & les querelles. La chair eft oppofée à l'efprit ; & l'efprit & la chait comprennent tous les objets où la volonté fe peut porter. Or l'efprit de Dieu ne nous porte qu'à Dieu, & ne nous fait rien aimer que par rapport à Dieu. Tous les autres objets pour fpirituels qu'ils foient, que nous pouvons rechercher par d'autres motifs, appartiennent donc à la chair. Etre charnel, felon l'Apôtre, c'eft mar 1. Cor. cher felon l'homme corrompu. N'êtesvous pas charnels, dit-il aux Corinthiens, &ne marchez-vous pas felon l'homme ? Or l'homme corrompu eft efprit & corps, & la corruption eft encore plus grande dans l'efprit que dans le corps.

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IX. Il eft remarquable que ces œuvres de la chair dont parle faint Paul, com

prennent les principales caufes qui trou-
blent dès ce monde même la tranquilité
des hommes, & rendent leur vie mifera-
ble. Et au contraire les fruits de l'efprit
qu'il exprime enfuite, contiennent les vé-
ritables fources de la paix tant interieure
qu'exterieure: ce qui fait voir que dès
cette vie même la mifere eft infé arable
de la vie charnelle, & que la paix eft in-
feparable de la vie conduite par l'Elprit
de Dieu. Une ame agitée de paffions in-
quietes, déchirée par l'envie, les jaloufies,
les haines, les craintes, ne fauroit être
que miferable; & c'eft ce qui fe rencontre
toujours dans la vie charnelle. Aucon-
traire, une ame remplie de la joie & de la
paix du Saint-Elprit, pleine de bonté pour
tous les hommes, exemte des paffions ma-
lignes & turbulentes, poffede ce qui con-
tribue le plus à rendre la vie heureufe.
Ainfi en fuivant la chair on tombe dans
la tribulation de la chair: & par confe-
quent en vivant felon l'efprit, on évite
les tribulations, & l'on jouit de ce qu'il y
a de plus heureux dans la vie. Ce qui fait
dire à faint Paul, que la pieté eft utile à tout,
&que c'est à elle que les biens de la vie pré- 4.
Jente & de la vie future ont été promis. Il est
vrai qu'on ne peut accomplir, fans quel-
que douleur, ce que l'Apôtre nous pref
crit dans l'Epitre de ce jour, en difant,

I.

Tim

8.

24. que ceux qui font à Jefus Chrift, ont cru cifié leur chair avec fes paffions & fes de firs déreglés, mais c'eft une douleur qui nous délivre d'autres douleurs beaucoup plus fâcheufes. Il faut néceffairement ou crucifier fa chair, ou être crucifié par fa chair; la faire fouffrir, ou fouffrir par elle : c'eft-à-dire, qu'il faut par néceffité, on mortifier fes paffions, ou être tourmenté par fes paffions, qui font d'autant plus vives qu'on les aura moins mortifiées. Or il vaut incomparablement mieux faire fouffrir fa chair & la crucifier en cette vie, que de reffentir toutes les peines qu'elle caufe dès cette vie même à ceux qui fe laiffent dominer par elle.

DALILI CHODBTQQZQQOCITY :LQTD.ESIDES

SUR L'EVANGILE

DU XIV DIMANCHE

D'APRE'S

LA PENTECOSTE

E

EVANGILE. Matth. 6. 24.

N ce tems-là, JESUS dit à fes Difciples: Nul ne peut fervir deux maîtres: car ou il hairà fun & aimera

l'autre,

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