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ARTICLE II.

Des Caufes du Tonnerre.

OUR découvrir la caufe du Tonnerre,

Pil ne s'agit que de trouver la caufe de

l'embråfement de la matiere Saline fulphureuse dont il eft compofé, car ce meteore n'exifte qu'au moment que cette matiere s'enflamme: Or il n'eft pas malaisé de découvrir cette caufe, elle est même déja toute trouvée. On fçait que la matiere étherée qu'on peut regarder comme l'ame du monde, puifque c'est à elle qu'il faut rapporter tous les mouvemens un peu confiderables; on fçait, dis-je, que cette matiere embrâfe feule tous les corps qui s'enflamment, & allume tous les feux par la véhémence de fon bouillonnement. C'eft d'elle que les corps qui fermentent tirent leur chaleur & leurs effervefcences. C'eft d'elle que la poudre à Canon reçoit & la vertu d'éclairer, & cette force fi prodigieufe qui lui fait furmonter tous les obftacles.

Mais comme cette matiere n'agit fur les corps pour les enflammer que dans les tems qu'elle les trouve avec certaines difpofitions,où elle peut les faire boüillonner avec elle; il ne fuffit pas pour connoître parfai

B

tement les causes du Tonnerrre, de fçavoir que la matiere éthérée eft la caufe prochaine & immediate qui enflamme la matiere dont il eft compofé; il faut encore en découvrir les caufes plus éloignées, ou pour mieux dire les caufes qui préparent la matiere du Tonnerre & la difpofent à être enflammée; c'eft à quoi je vais donner toute mon attention. Je ne fuivrai point le systême de Monfieur Defcartes, on verra bientôt les raifons que j'ai de l'abandonner ; j'efpere même que l'air de verité qu'on apperçevra dans ce que j'ai à propofer achevera de me juftifier.Mais avant que d'entrer en matiere, il eft à propos de rapporter quelques obfervations qui ont extrémement contribué à me déterminer au parti qu'on me verra prendre.

1o. Un homme d'efprit verfé dans la connoiffance de la Nature faisant un voyage en Auvergne, traversoit le Cantal, une des plus hautes montagnes de la France. Au milieu de la montagne il fe trouva invefti d'un brouillard épais, dont les globules étoient très fenfibles; il apperçût dans ces globules un bouillonnement fi extraordinaire & fi impetueux qu'il en fut effrayé, craignant, comme il me l'a affuré plus d'une fois, de fe trouver dans le cœur d'un orage terrible & d'y perir, il fe hâta de s'en tirer; & il eut bien dequoi le réjouir de la diligence qu'il

le

avoit faite, car il ne fût pas au haut de la montagne, où il joüiffoit du temps plus ferain, qu'il entendit fous fes pieds, vers le milieu de la côte, un bruit effroya. ble de Tonnerres, qui le firent trembler en lui faifant fentir le danger qu'il avoit

couru.

2o. Une autre perfonne avec qui j'ai eu beaucoup de relation étoit parti d'Aurillac petite Ville d'Auvergne par le plus beau temps & le plus chaud; il n'eut pas plûtôt gagné une petite montagne fort voifine, qu'il vit un brouillard fe former fur la Ville, & bientôt y éclater en Tonnerres ; de forte qu'il lui fembloit que les rues étoient pleines de Canons qui tiroient fans ceffe; ce font fes termes. Le nuage qui dans tout ce fracas ne tenoit pas plus d'efpace que la Ville même, & paroiffoit à peine furmonter les maifons, s'éleva peu à peu, s'étendit au large, & bien-tôt fe diffipa tout-àfait. Il faut remarquer que tandis qu'il tonnoit ainfi dans la Ville, le voyageur qui étoit fur la montagne fouffroit beaucoup du chaud./

3o. La troifiéme obfervation s'eft faite à Clermont dans la même Province d'Auvergne; car c'eft dans les Païs montagneux qu'onpeut faire fouvent de ces obfervations. C'étoit un Phyficien qui étant venu prendre les eaux de Vichi, alla jufqu'à Clermont,

& voulut voir le Puy de Dome, montagne devenue celebre par les experiences qu'on y a faites fur la pefanteur de l'air. Du haut de la montagne la veuë fe perd dans une plaine d'une étendue immenfe, couverte d'une infinité de Villes & de Villages. Quand il y fut arrivé, il fut bien étonné de ne plus voir de plaine, mais une grande Mer qui venoit battre le milieu de la montagne, & dont les flots irreguliers fe chaffoient les uns les autres en mille fens differens. C'étoit une nuée qui luidéroboit la veuë de toutes les Terres qu'elle couvroit; mais le spe&tacle magnifique que lui prefentoit cette nuée, le dédommageoit avantageufement de ce qu'elle lui faifoit perdre. Une Mer courroucée par la plus violente tempête que fes flots couvrent fans ceffe d'une écume blanchiflante n'a rien de fi frappant. Les rayons du Soleil qui dardoient à plomb fur la nuë lui en faifoient voir tous les flots & les divers mouvemens, les éclairs qui la fillonnoient de tous côtez, & les Tonnerres qu'il y entendoit par tout retentir, réveil. loient l'attention, & augmentoient infiniment la beauté du fpectacle. Il en fut fi charmé qu'il ne put fe tirer delà qué quelques heures après, lorfque tout ce grand Phenomene eut difparu. Vers la fin il vit le mouvement diminuer de beaucoup, & les éclairs devenir plus rares. A mefure que les

flots diminuoient, la nuë fe hauffoit & s'éclaircifloit; infenfiblement elle fe diffipa, & lui laiffa voir tous les charmes d'une des plus belles campagnes qui foient au monde.

4°. C'est une chofe conftante parmi les Gens qui habitent les Alpes & les Pirenées, qu'au haut de ces Montagnes on joüit souvent du Ciel le plus ferain, tandis qu'on voit fous fes pieds des orages épouventables qui ravagent la campagne ; & que fur ces hauteurs on a à craindre non pas la foudre qui peut y tomber, mais celle qui peut y monter, parce que les nuës, ou plutôt les brouillards ou fe forment les orages au deffous de ces hauteurs, lancent très fouvent le Tonnerre en haut.

5°. Il eft rapporté dans l'Hiftoire de l'Academie Royale des Sciences qu'en l'année 1717. le 4. Janvier au Quefnoi, le temps étant fort couvert, les nuages baifferent au point qu'ils paroiffoient toucher les maifons; qu'un tourbillon ou globe de feu parut dans le nuage au milieu de la place, alla avec l'éclat d'un coup de Canon fe brifer contre la Tour de l'Eglife, & le répandit fur la place comme une pluye de feu; après quoi la chofe arriva encore au même lieu.

Ces obfervations renverfent manifeftement l'opinion commune des Cartefiens; felon eux les nuës ne font

font que

des couches

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