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ou même de grêle avec des vents impetueux; & que ce qu'il y a de plus ordinaire dans fes effets, c'eft qu'arrivant à terre il brûle ou il renverfe, il brife tout ce qui lui fait obftacle, en répandant dans fon chemin une horrible puanteur. Voilà donc ce qui Nous doit conduire dans nos recherches, & d'où il faudra déduire la nature & les caufes du Tonnerre, & l'explication de tous les effets.

J

ARTICLE PREMIER.

De la nature du Tonnerre.

E trouve d'abord une fi grande analogie entre le Tonnerre & la poudre à Canon, ou plûtôt les effets de l'un & de l'autre font fi femblables, que je ne puis douter que leur nature ne foit à peu près la même : Comme le Tonnerre, la poudre à Canon venantà s'enflammer donne une lumiere très vive qui fe diffipe en un inftant, avec un bruit que la feule coûtume de l'entendre fans danger, lorfqu'on fçait d'où il part, a pû rendre moins effroyable. Comme le Tonnerre elle brûle, elle fait fauter les tours & les murailles, elle brife,elle renverfe tout ce qui la refferre, & elle répand au loin une grande puanteur; la poudre à

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Canon eft un veritable Tonnerre artificiel, & il imite fi bien le naturel, que des Infulaires, la premiere fois qu'ils virent des Europeans avec leurs armes à feu, ne douterent pas que ce ne fût autant de Dieux, qui venoient à eux la foudre à la main pour les faire perir.

Il doit donc demeurer conftant, comme on le penfe communement, que la matiere du Tonnerre eft une matiere Salino-fulphureuse, de même que celle de la poudre à Canon, & nous devons d'autant plus le penfer, que nulle autre forte de matiere n'eft propre à s'enflammer. Car il confte aujourd'hui par les plus exactes obfervations des Chimiftes, que les corps combuftibles ne font combuftibles, que par les fels & les fouffres qui entrent dans leur compofition,, & qu'il n'y a jamais d'inflammation,fi ces deux principes ne fe trouvent mêlez dans -les corps qui s'enflamment.

Mais il ne faut pas s'imaginer qu'il suffic d'avoir raffemblé dans les airs des fels & des fouffres pour avoir la matiere du Tonnerre, on en trouve dans tous les corps mixtes,& tous les corps mixtes ne font pas des Tonnerres. Ces fouffres & ces fels peuvent compofer differens corps felon qu'ils font diversement menagez,arrangez,mêlez avec d'autres fubftances heterogenes: Il s'agit de trouver ce qui diftingue la matiere

du Tonnerre d'avec les autres, les fouffres & les fels en font le fonds, il faut en connoître auffi les affaifonnemens.

Pour nous conduire dans cette recher che, n'abandonnons pas la penfee de la conformité de la poudre à Canon avec la matiere du Tonnerre, elle paroît trop jus te pour craindre qu'elle nous égare.

Ce n'eft pas affez connoître la poudre à Canon, de fçavoir précisement qu'on y fair entrer du falpêtre ou du nitre, du fouffre & du charbon pulverifés: il faut encore connoître la nature de ces ingrediens qu'on emploïe dans fa compofition; le nitre contient beaucoup d'efprits acides volatils, le fouffre & le charbon donnent une huile très fubtile, mais ni le nitre, ni le charbon pulverifé, ni le fouffre pris feparément ne font point capables des effets de la poudre à Canon, le nitre mis à un feu ardent fond, mais il ne s'enflamme point avec détonation, à moins qu'on n'y jette du charbon pulverifé; le fouffre fond de même au feu, & s'éleve en fleurs ou fe confume peu à peu en jettant une petite flamme bleuë; le charbon pulverifé ne prend feu que par parties & s'éteint auffi-tôt. Pour former de la pou dre à Canon de ces trois fortes de fubftances, & la rendre capable de tous les effets qu'elle produit,il faut les bien mêler enfemble dans une certaine proportion, les

arrofer avec de l'eau ou de l'efprit de Vin, les bien piler dans un mortier pendant vingt-quatre heures, les humecter enfuite de nouveau, tamifer enfin toute cette matiere & la faire paffer par un crible pour la grener; mais avant toutes chofes, il faut avoir foin que le nitre qu'on y employe foit bien rectifié, & le fouffre bien écumé.

Il eft aifé de voir comment toutes ces préparations doivent aboutir à rendre la poudre à Canon capable des divers effets dont j'ai parlé. On prend du falpêtre bien rafiné & du fouffre purifié, parce que dépoüillez l'un du fel fixe qu'il contient, l'autre des impuretez & des parties terreftres qui y font mêlées, ils en font plus en état de fe rarefier, lorfque la caufe de la rarefaction pourra agir fur ces matieres. On y ajoûte du charbon pulverifé, parce que fon huile très fubtile eft très inflammable, & que fes parties legeres & fpongieufes contiennent beaucoup d'air & de matiere étherée. On broye le tout pendant long temps dans un mortier pour mêler plus intimement les parties de toutes ces fubstances; l'eau ou l'efprit de Vin dont on arrose ce mélange tandis qu'il eft fous le pilon, fert à en lier les parties qui formant ainsi un corps vifqueux, enferment beaucoup d'air entre elles comme dans des entraves d'où il ne peut le dégager. On fait enfuite pas

Ter cette matiere dans un crible; ce qui produit deux effets, dont l'utilité eft manifefte. Le premier eft, qu'il fe forme des grains de toute cette matiere, & ces grains laiffent enfuite entre eux de grands intervalles qui renferment beaucoup d'air.Le fecond eft, que la matiere de chaque grain en eft plus ferrée & plus preffée; cette matiere étant ainfi plus preffée, le reffort de l'air renfermé en eft plus bandé, & cet air peut moins fe dégager de lui-même, lorfque la poudre vient à fêcher ; de forte qu'on doit regarder chaque grain de poudre, & même les parties d'air renfermées dans les intervalles qui feparent les grains comme autant de petits ballons tout prêts à se débander, & à fe dilater avec violence au moment qu'on détruira la force qui bande leur reffort.

Il faut même confiderer que ces ballons ont un reffort un peu different du reffort des autres corps, ou pour parler plus jufte, il faut obferver, qu'il y a dans ces ballons deux fortes de reffort, l'un toûjours animé, l'autre toûjours prêt à l'être. Pour bien entendre ma penfée, il faut fe faire une idée jufte de la maniere dont je conçois qu'il faut expliquer le reffort de l'air & celui de la poudre à Canon qui n'en est pas different lorfqu'elle eft fondue.

Le Pere Malebranche a prouvé que la

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