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ne doit s'en élever que de l'efpece la plus aifée à dégager des parties heterogenes avec quoi elles font embaraffées & mêlées. Or nous avons affez fait fentir que des exhalaifons d'une feule efpece ne peuvent pas former la matiere du Tonnerre. On voit bien qu'aucune de ces raifons ne fubfiftant en Été, il doit alors tonner beaucoup plus fouvent, qu'en Hyver.

Mais, dira-t'on, il tonne pourtant quelquefois en Hyver. Il y a environ 80, ans, qu'il fit à Beziers en Languedoc un terrible orage le premier jour de Janvier. Tandis qu'on prêchoit dans l'Eglife des Jefuites, où il y avoit un peuple infini, la foudre tomba fur le frontifpice de cette Eglife, & abatit une ftatue coloffalle de Saint Louis qui étoit au milieu du Fronton qui fait le couronnement du frontifpice. Elle entra en même temps dans l'Eglife, commença à en faire le tour, brûla quand elle fut à l'Autel une partie du voile, qui fervoit à couvrir le Tabernacle, & acheva de faire le tour de l'Eglife; après quoi elle fortit & fe diffifans avoir fait mal à perfonne. En 1715. le premier Janvier encore, il fit des éclairs & tonna à Montpellier, tandis qu'il neigeoit actuellement. J'ai déja rapporté qu'en 1717. il tonna au Quefnoy le quatre Janvier. Cependant les raifons que je viens d'expliquer paroiffent interdire tout Ton

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nerre en cette faifon. De même les Tonnerres ne regnent pas dans les chaleurs de l'Eté les plus vives. C'eft fur tout à la fin, mais principalement au commencement de l'Eté. J'ai même appris que dans plufieurs Villes du bas Languedoc, un des Pays les plus chauds de la France, on paffa tout l'Eté de 1724.qui fut extraordinairement ardent, fans entendre au-delà de deux ou trois coups de Tonnerre affez foibles. Et cependant par les mêmes raifons que je viens de déduire, il paroît que c'eft en Eté fur-tout, & dans le plus fort de l'Eté, comme dans les Pays les plus chauds, qu'il doit y avoir plus de Tonnerres.

Ces objections ne doivent pas nous faire beaucoup d'embarras. Quoique communćment il ne s'éleve pas allez d'exhalaisons en Hyver, & fur-tout qu'il ne s'en éleve pas de differentes efpeces; cela n'empêche pas qu'il ne puiffe quelquefois s'en élever en affez grande quantité. Il ne faut pour cela qu'un ou deux jours de fuite d'un Ciel bien ferein, où il fouffle un vent de midi infenfible qui adoucit extrêmement le tems; & que cette temperature concoure avec qaelque fermentation un peu forte, que les exhalaisons arrêtées près de la furface de la terre doivent y exciter quelque-fois. Car alors fur-tout dans les lieux qui font bien à l'abri des vents froids, ces fermentations

augmentant beaucoup le tourbillonnement des exhalaifons, & dilatant un peu les pores de la terre par la chaleur qu'elles produifent, les rayons du Soleil, dont l'ardeur eft quelquefois infuportable dans ces circonftances, achevent d'ouvrir ces pores de la terre, & redoublent le tourbillonnement des diverfes fortes d'exhalaifons qui excitent ces fermentations. Ces exhalaifons par confequent doivent s'élever en quantité, & raffemblées enfuite dans les nuées qui peuvent furvenir, rien n'empêche qu'elles ne forment un ou plufieurs grands tourbil lons de Tonnerre, qui éclateront de la même maniere, & par les mêmes raisons que nous avons expliquées, d'où fuivra l'éclair & le bruit du Tonnerre, & quel quefois la chute de la foudre.

Ce n'eft pas au refte fans fondement que j'explique ainfi la maniere dont il s'éleve quelquefois en Hyver des exhalaifons en aflez grande quantité pour former le Tonnerre. Depuis que j'ai tâché d'acquerir quelque connoiffance de la nature, & de faire pour cela des obfervations, j'ai entendu gronder le Tonnerre en Hyver fept ou huit fois; & j'ai remarqué chaque fois, que ces Phénomenes avoient été précedez de plufieurs jours fereins & fi chauds, qu'on ne pouvoit fe promener au Soleil avec les habits qu'on porte ordinairement dans cette failon

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On fera peut-être plus embarraffé à conjecturer, comment il a pû éclairer & tonner pendant qu'il neigeoit actuellement, ainfi que je l'ai rapporté fur le témoignage de mes propres yeux & de mes oreilles. J'avoue que la chofe feroit inexplicable, ou, ce qui eft le même,ne pourroit s'expliquer que d'une maniere extrêmement forcée que dans mon fyftême, fi j'expliquois la neige comme on le fait ordinairement. Mais j'ai encore là deffus des pensées un peu differentes; on le comprend affez par tout ce que j'ai dit jufqu'ici. J'ai eu occafion de paffer quelques hyvers dans les montagnes, où j'ai fait des obfervations fur les frimats; elles m'ont fait à peu près entendre la méthode de la nature dans la formation de la neige. Les frimats ne font que des brouil lards épais, que la rigueur du froid gêle inceffamment. J'ai obfervé que les petites parties de ces brouillards font fort tenuës: elles fe foûtiennent & voltigent dans l'air à raifon de leur petiteffe & de leur tourbillonnement à mesure que ce mouvement de tourbillon diminue par le froid, elles tombent, mais lentement, parce qu'étant très-petites, la moindre agitation de l'air fuffit pour les pouffer à côté & les foûtenir un peu. Elles fe gêlent tout-à-fait en s'attachant aux feüilles des arbres,aux buiffons, aux herbes, aux cheveux des hommes, au

erin des chevaux &c. parce qu'alors elles communiquent aisément aux petites parties de ces corps, le peu de mouvement qui leur refte. De nouveaux globules de ces brouillards s'attachent enfuite à ceux-là; & ils forment enfin des filamens de glace fort courts & affez mols, compofez de trèspetits globules; en un mot très-femblables aux filamens qui compofent les floccons de la neige.

De cette theorie des frimats, dont les yeux font prefque les Juges & les Témoins, il eft aifé de déduire celle de la neige, qui leur eft fi femblable. Ainfi lorsque de plufieurs petits tourbillons de vapeurs réunis, il s'eft formé dans une nuée de petites goutes qui tombent au-deffous de la nuée par leur pefanteur, Ces petites goutes, ainfi que je l'ai dit en parlant de la grêle, perdent aifément par un froid intense, ou par le nitre qui les penetre, le peu de mouvement qu'elles confervent, & fe gêlent. Si la gelée eft forte, & fi elles ne trouvent point d'air chaud, qui les fonde, ou les ramoliffe dans leur chute, elles tombent en grefil, comme on le voit quelquefois en Hyver, lorfque le tems eft fort rude. Mais fi le froid qui gêle ces petites goutes de vapeurs, n'eft pas fi intenfe, & qu'elles trouvent en defcendant un air un peu plus chaud, qui commence à fondre leur furfa

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