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ce, elles adherent aifément les unes aux autres, à mesure qu'elles fe rencontrent & forment de petits floccons, qui font plus grands & plus mols, à mefure que le tems eft plus doux; parce que ces petits globules étant moins gelez, ils ont moins de rigidité, & s'attachent plus facilement, & par confequent en plus grande quantité, les uns aux autres. La neige fe formant ainfi au-deffous de la nuée, & dans fa partie inférieure, il n'eft pas impoffible, que dans le cœur de la nuée, ou dans fa partie la plus haute, il fe forme, comme je l'ai expliqué, des tourbillons de Tonnerre tandis qu'il neige au-deffous.

A l'égard de l'autre objection prife de la rareté des Tonnerres dans le fort de l'Eté, & durant les plus grandes fécheref fes, elle doit faire encore moins de peine. Dans les grandes chaleurs, & pendant les féchereffes, il ne fe forme point de nuées, où la matiere du Tonnerre puiffe fe préparer. Il est vrai qu'il s'éleve dans ce tems-là une grande quantité d'exhalaisons. Mais ontre qu'il eft bien difficile, qu'il s'en éleve aflez, pour former des nuées entieres, les exhalaifons qui s'élevent dans ces grandes chaleurs, ne font pas affez épurées, il s'y trouve beaucoup de parties terreftres mêlées, que la force de la chaleur éleve en même-tems. De même, que fi le feu eft

trop violent, lorfque l'on fait de l'Eau-devie, tout le vin de la Cucurbite s'en va en vapeurs dans le récipient, où l'on trouve les fouffres du vin prefque tous mêlez, & auffi peu inflammables qu'ils l'étoient dans la Cucurbite. Ces exhalaisons élevées par une chaleur trop ardente, entrainant avec elles des parties terreftres, ne font pas inflammables. Il ne doit donc point y avoir alors de Tonnerre. Tout au plus, fi les parties de ces exhalaifons les plus fublimées, & les plus épurées, viennent à se raffembler par quelque accident particulier, elles pourront alors s'enflammer, & former quelqu'un de ces feux aeriens, dont j'ai parlé, ou même quelque Tonnerre. Mais ce dernier meteore arrive fi rarement dans ces circonstances, qu'on ne peut pas fe bien affûrer, qu'il foit jamais arrivé.

Tout ce que je viens de dire, fait assez fentir, que c'eft au Printems fur-tout, & vers le commencement de l'Eté, qu'il doit y avoir des Tonnerres, ou dans les Etez fort temperez. Toutes les exhalaifons que le feu central, ou les autres feux inteftins de la terre avoient pouffées vers la furface & qui s'y étoient arrêtées pendant l'Hyver, commencent à s'exalter, & à monter plus haut en quantité, quand le Soleil du Printems vient à réchauffer la terre. Auffi voiton alors toutes les plantes croître & groffir,

la Nature trouvant dans ces exhalaifons un aliment propre à la refaire de la défaillance génerale, où elle avoit gémi pendant l'Hyver. Au commencement du Printems, les Tonnerres ne font pas fi fréquens, parce que les exhalaifons, étant comme noyées dans une quantité prodigieufe de parties aqueufes, dont la Terre eft par tout imbibée, il ne s'éleve prefque que des vapeurs. A la fin du Printems, & au commencement de l'Eté, que la Terre a été un peu deffechée, les exhalaifons s'élevent en plus grande quantité; & de-là vient qu'alors il n'y a gueres de pluyes fans Tonnerres, & qu'ordinairement les Tonnerres font très-fréquens en bien des endroits. En Automne, il y a communément moins de Tonnerres, parce que les exhalaisons ayant été comme épuisées pendant le Printems & pendant l'Eté, tant à la nourriture de toutes les plantes & de tous les fruits, que par la diffipation, qui s'en eft faite, it doit s'en élever beaucoup moins ; & par conféquent, il ne doit pas y avoir autant de Tonnerres.

6o. Il ne tonne pas également dans tous les Pais. Communément il tonne plus fouvent dans les Païs montagneux, que dans les Plaines. La raifon generale eft, qu'il y a des Païs où il pleut moins fouvent que dans les autres; ainfi on y voit moins

de nuées où fe puiffe former le Tonnerre. Quant à la cause de ces pluyes plus fréquentes en certains Païs qu'en d'autres elle dépend de leur fituation, & des vents qui y régnent. De plus, il y a des Païs, où il fe trouve plus d'exhalaifons propres à former le Tonnerre, qu'en d'autres. En Angleterre, par exemple, il y a beaucoup de mines, qui prouvent la grande quantité de fouffres & de divers fels, qui font dans les entrailles de cette grande Ifle. D'ailleurs on y brûle fans ceffe du charbon de pierre, qui en eft tout plein. Il ne faut pas être furpris, qu'il y ait plus de Tonnerre en Angleterre qu'en France.

7°. Mais fi c'est dans les nuées que le Tonnerre doit fe former; comment peut-il y avoir des Tonnerres, tandis qu'il n'y a point de nuées. C'est un fait que l'Hiftoire nous garantit, & Pline rapporte (a) qu'un Homme fut tué d'un coup de Tonnerre dans un tems où le Ciel étoit très-ferein. Seneque dans fes queftions naturelles (6) parle ainfi. On a vû le Mont-Ethna jetter quantité de feux, & vomir beaucoup de fable brûlant. Tout l'air en fut obfcurci ; & la ; nuit foudaine que cet obfcurciffement, répandit dans le Païs, effraya terriblement

(a) Lib. 2. Cap, 15.

(b) Lib. 2. Cap. 30%

les Peuples. On dit qu'alors il y eut quan tité de Tonnerres & de Foudres, caufez fans doute par le concours des corps fecs. & non des nuées. Il n'eft pas vrai-femblable qu'il y eût des nuées par un fi grand embrafement de l'air. C'eft ici une difficulté très ferieuse dans tout fyftême du Tonnerre, peut-être auffi que le fait n'est pas bien asfuré. Il pourroit le faire qu'il y avoit quelque petite nuée dans le Ciel, quand on entendoit ces Tonnerres. Une petite nuée n'empêche pas de regarder le tems comme fort ferein. Il peut même fe faire que cette petite nuée étoit diffipée par le coup de Tonnerre qu'on avoit entendu, & qu'on ne l'avoit pas apperçûë auparavant faute d'attention. Il eft certain que la plûpart des Auteurs qui expliquent le Tonnerre, je mets Mr. Defcartes à la tête, ne parlent point de ce Phénomene. On ne peut pas fuppofer qu'ils ignoraffent ce qu'en difent les Hiftoires. Il faut donc qu'ils ne l'ayent pas crû affez certain pour devoir en chercher l'explication. Sennertus même qui en parle, ne le donne pas pour une chofe entierement fûre. Il n'eft pas bien contraire à la verité, dit-il, * qu'il y ait eu des Tonnerres, ou quelque chofe de femblable fans nuées. Pline eft fort accufé de rapporter des faits fans affez examiner l'autorité des perEpit. Phif. Lib. 4. Cap. 119, fonnes

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