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fonnes qui les lui racontoient. Seneque, dans l'endroit cité, ne rapporte ce qu'il dit des Tonnerres dont il parle, que comme un bruit populaire; & fuppofant la verité de ce bruit, il ne fait que conjecturer comme une chofe vrai-femblable, qu'il n'y avoit point alors de nuées dans l'air. Neanmoins pour juftifier les Hiftoires, & Pline lui-même, qui n'eft pas toûjours auffi menteur qu'on le dit, il faut avouer qu'il n'eft pas impoffible, qu'il y ait des Tonnerres fans nuées fenfibles. Il y a même des faits avoüez par nos meilleurs Phyficiens,qui en démon trent la poffibilité. Ces feux aëriens que peuple nomme des Etoiles, font quelquefois entendre, comme l'affure M. Bayle, un fifflement femblable à celui des fufées, quelque-fois un bruit plus grand. J'ai entendu l'un & l'autre, & une fois je vis une de ces Etoiles, qui peta comme un de ces petards qu'on met dans les fufées ; c'étoit déja un petit Tonnerre. Pourquoi ne pour roit-il pas arriver qu'il fe formeroit quel quefois des Tonnerres plus grands dans un Ĉiel ferain? Voici donc comment j'explique ce phénomene.

le

Il eft facile que par les vents & les diverfes agitations de l'air, il fe raffemble dans le Ciel le plus ferain une quantité confiderable d'exhalaifons de diverfes fortes,

Phil. s. Partic. Part. 1. Lib. 3. Difput. 4. Art. 1.
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dont l'amas fe formera à une telle distance, ou à une telle hauteur, qu'il ne fera pas un objet fenfible pour nous, quoiqu'il ait quelques toifes de diametre. Et alors il ne paroîtra point de nuées dans l'air ; fur-tout fi cet amas fe forme au-deffus de la couche azurée de l'air, comme il peut arriver quelque-fois. Si les petits tourbillons de ces exhalaifons font fort près les uns des autres, 18 que la caufe qui les a rapprochez dure quelque temps: on conçoit, fuivant tout ce que j'ai dit, qu'il s'y formera bien-tôt des tourbillons plus grands, & que les petits tourbillons qui forment ces grands tourbillons fe brifant les uns les autres, & leurs parties fe mêlant, la matiere du Tonnerre fe préparera d'autant plus vite, qu'il n'y a point là, ou prefque point, de vapeurs, & éclatera enfin avec grand fracas,en s'enflammant, & lançant de la matiere embrafée, laquelle pourra quelquefois arriver à terre & y caufer du défordre, comme Pline affure qu'il arriva du temps de la conjura tion de Catilina. Pour les Foudres & les Tonnerres, dont parle Seneque, arrivez dans le temps de l'incendie du Mont-Ethna: Je conviendrai facilement qu'il n'y avoit pas des nuées de vapeurs, mais il y avoit certainement des nuées d'exhalaisons, & fi épaiffes qu'elles déroboient tout à fait le jour aux Habitans du Pays, auffi effrayez

des ombres de la nuit, qui les avoient enveloppez avant le temps, que du bruic terrible des Tonnerres. Et je ne fuis pas furpris que des nuées d'exhalaifons fuffent fi fécondes en Foudres & en Tonnerres, Dans le fyfteme que j'ai tâché d'établir, c'eft une fuite neceffaire de mes principes & des explications que j'ai données.

que

-8°. Le bruit diffipe quelquefois le Ton nerre; il attire quelquefois, ce qui rend dit-on, le mêtier des fonneurs de Cloches affez perilleux. Il eft vrai qu'on affure le Tonnerre tombe plus fouvent fur les clochers qu'ailleurs. En 1718. le 15. Avril vers les 4. heures du matin le Tonnerre tomba fur 24. Eglife de la Baffe-Bretagne & précisement fur des Eglifes où l'on fonnoit pour l'écarter. Des Eglifes voifines ou l'on ne fonnoit point furent épargnées. Ce qui femble prouver que le fon des cloches fut caufe de la chûte du Tonnerre fur ces Eglifes. Le bruit des cloches peut fans doute y contribuer. Car s'il fe trouve des tourbillons de Tonnerre à peu-près verticaux à une Eglife ou à un clocher, les lignes de fon, qui de toutes les parties des cloches vont frapper ce tourbillon dans fon Hemifphere qui regarde le clocher, le preffent, & par confequent augmentent fon reffort. Mais ceffant dans l'inftant de le

2 Hift. de l'Académie Royale des Sciences, an.1719.

comprimer, ce tourbillon trouve de ce côté-là moins de refiftance à son reffort, que des autres côtez. S'il vient donc à s'enflammer dans cet inftant; c'eft de ce côté-là qu'il doit éclater, & que la matiere dont il eft compofé doit s'élancer.

Ce qui peut encore déterminer le tour billon du Tonnerre à éclatter de ce côté-là. C'eft que le fon qui diffipe les nuées commence à diffiper les plus yoifines, celles qui font entre le clocher & la matiere du Tonnerre. Les nuées fe diffipant de ce cô té là, le tourbillon du Tonnerre en eft moins preffé, & par-là plus déterminé à éclater vers le clocher.

Le même fon diffipe quelquefois le Ton nerre; mais ce n'eft qu'en diffipant les nuées. Et l'on fçait affez comment il peut contribuer à cette diffipation des nuées. Il n'eft pas neceffaire d'expliquer ici en particulier, pourquoi la Foudre ne tombe pas toutes les fois qu'il tonne, ni pourquoi la Foudre ne tombe pas fans bruit de Tonnerre, ni fans éclair. Quand on aura vû tout ce que j'ai dit jufqu'ici, on ne trouvera plus de difficulté à cela., Venons donc aux effets de ce terrible méteore, lorf qu'il tombe à terre.

Les effets que le Tonnerre produit fur la terre, lorfqu'il vient y tomber.

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Ly a toujours quelque difference dans les effets que le Tonnerre produit lorfqu'il tombe: ainfi je ne finirois pas fi je voulois expliquer féparément tous ceux qui ont quelque chofe de fingulier. Il faut fe borner. Je ne m'attacherai qu'à ce qu'il y a de plus remarquable & de plus fûr en certe matiere, ce qui fuffira pour faire entendre l'explication des chofes moins confidera.. bles. Je vais d'abord rapporter les effets, dont j'entreprends de donner l'explication.

1. Il eft certain que fouvent le Tonnerre tue fubitement les hommes & les animaux, lorsqu'il tombe fur eux: Il n'y a guéres de Villes, de Villages, de Hameaux, qui n'en puiffent rapporter quelque exemple funefte. Ce qu'il y a de bien particulier, c'eft que parmi ceux que la Foudre a tuez, il s'en eft trouvé en qui il ne paroiffoit aucune bleffure fur le corps. Pitcarne rapporte, que s'étant trouvé à Edimbourg prefent à l'ouverture du corps d'un jeune homme, qui avoit été tué d'un coup de Foudre, à la mort près, on ne trouva rien

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* Differt. de caufis divers. molis, quâ fluit fanguis, &c, f. 18.

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