Mais vous futes toujours pour moi fans amitié Mon défefpoir vous plait. Tout doit assez vous dire Ah! combien la douleur rend injufte & barbare! Vous pleurez? Vous m'aimez? O ma chere Henriette! HENRIETTE. Ma raifon dit que je fuis coupable; (Le fixant tendrement.) Mais.... en vous regardant je me trouve excufable. Je fais bien que des rangs la diftance entre nous.... JAME. Des rangs? Devant l'amour ils difparoiffent tous. Du feul dont je fais cas vous devenez l'arbitre; Le nom de votre amant fera mon premier titre. pas s'ennoblir? Adorer la vertu, n'eft-ce pas De plaire à la beauté l'on peut s'enorgueillir; HENRIETTE, le retenant avec effro. Arrêtez, vous me faites frémir. De ma foiblesse, hélas! voulez-vous me punir, Dois-je avec mon repos perdre encor leur eftime? Mais laiffez-moi pleurer; & vous, foyez heureux, (Après avoir dit ces derniers mots d'une voix étouf fée par fes fanglots, elle fe couvre le vifage de fon mouchoir, & pleure amérement.) JAME. Que parlez-vous, ô Ciel! d'hymen & de bonheur? (Du ton le plus paffionné.) Henriette, fans vous...oui, fans toi, fans ton cœur, Il n'en eft plus pour moi, j'en atteste ma flamme, J'en jure par l'amour dont tu remplis mon ame, Et qui, jufqu'à la tienne à la fin parvenu, Fixe à tes pieds l'amant que charma ta vertu. (Ici Henriette toute en larmes le regarde encore de l'air le plus tendre, & Jame, les yeux attachés fur les fiens, demeure quelques moments en filence; puis il continue d'un ton plus pofe, & comme pour la rafurer.) Ah! mon fein reftera le feul dépofitaire Du tendre aveu qu'ici vous m'avez daigné faire ; Oui, c'eft pour me fauver la raifon & le jour, Et les cruels ici vont caufer mon trépas, HENRIETTE, le fuivant pour le retenir. Arrêtez. Où va-t-il ?... Ah! que je fuis à plaindre ! (En revenant, elle apperçoit le Lord Belton.) Ciel! Mylord!... Devant lui pourrai-je me contraindre ? SCENE IV. HENRIETTE, le Lord BELTON. (Henriette falue Belton, puis va s'affeoir vers fa table, & fe met à travailler.) BELTON, à part dans le fond. Oui, feule !....A cet afpect mon cœur a tressailli. (Il s'avance vers Henriette d'un air ouvert.) Je comptois dans ces lieux rencontrer Myladi. HENRIETTE. Mylord, elle eft fortie, & ne fera, je pense, BELTON, avec grace, s'approchant davantage. Sans nulle impatience, J'attendrai près de vous. Eh! qui fe fouviendroit, En vous voyant, que c'eft une autre qu'il cherchoit? (Il s'affied près d'Henriette, & regarde fon bouquet.) J'ai cru que de ces fleurs l'éclat pourroit vous plaire. Vous les embelliffez. Rien ne peut vous diftraire? (Henriette continue de travailler fans répondre. ) Et vous travaillez-là bien attentivement? HENRIETTE. C'est une robe avec la garniture. Myladi m'a promis d'en faire fa parure: Vraiment de Myladi le fort cft fort heureux. HENRIETTE. Elle eft fi bonne; elle a pour moi tant de tendreffe : Que ne lui dois-je pas ! BELTON, d'un ton affectueux & tendre. Mais fans doute qu'ici Les fentiments qu'elle a, je les partage auffi: HENRIETTE. A toutes les bontés que vous avez pour moi, |