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Mais vous futes toujours pour moi fans amitié
Infenfible à l'amour, & même à la pitié.

Mon défefpoir vous plait. Tout doit assez vous dire
Que, fi l'on nous fépare, il faudra que j'expire.
Je gémis à vos pieds; vous m'y verrez mourir,
Sans peut-être à ma mort accorder un foupir.
HENRIETTE, en pleurant.

Ah! combien la douleur rend injufte & barbare!
Quel aveugle tranfport vous trouble, vous égare?
Ces reproches affreux manquoient à mes malheurs.:
Ingrat, ouvrez les yeux & regardez mes pleurs.
JAME, avec transport.

Vous pleurez? Vous m'aimez? O ma chere Henriette!
Dites; que votre bouche encor me le répete;
Confirmez-moi cent fois un aveu fi charmant.
Pour ne pas en douter, mon bonheur eft trop grand.
Vous m'aimez?

HENRIETTE.

Ma raifon dit que je fuis coupable; (Le fixant tendrement.)

Mais.... en vous regardant je me trouve excufable. Je fais bien que des rangs la diftance entre nous....

JAME.

Des rangs? Devant l'amour ils difparoiffent tous. Du feul dont je fais cas vous devenez l'arbitre; Le nom de votre amant fera mon premier titre.

pas s'ennoblir?

Adorer la vertu, n'eft-ce pas

De plaire à la beauté l'on peut s'enorgueillir;
Et celui qui vous voit agréer fon hommage,
Jouit, par vos bontés, de ce double avantage.
Ah! puifque c'eft fur moi que tombe un fort fi beau,
Je me fens ranimé par un efpoir nouveau,
L'on veut nous féparer, mais en vain on le tente:
Non, il n'eft déformais plus rien qui m'épouvante,
Et je vais.....

HENRIETTE, le retenant avec effro.

Arrêtez, vous me faites frémir.

De ma foiblesse, hélas! voulez-vous me punir,
M'expofer à la honte, & combler ma mifere?
Auprès de Myladi, dans l'efprit de mon pere
Prétendez-vous me perdre, en allant à leurs yeux
Révéler le fecret de mes funeftes feux ?

Dois-je avec mon repos perdre encor leur eftime?
Et faudra-t-il qu'en tout je fois votre victime?
Monfieur, prenez-y garde; oui, je vous haïrois,
Haïrois pour toujours, & vous défavoûrois.
Mon fort n'eft-il déjà pas affez déplorable?
N'aggravez point mes maux. Hélas! leur poids m'ac-
cable.

Mais laiffez-moi pleurer; & vous, foyez heureux,
Votre tante a pour vous des projets généreux;
N'y mettez point d'obstacle, & d'un riche hyménée
Hâtcz-vous de former la chaîne fortunée.

(Après avoir dit ces derniers mots d'une voix étouf fée par fes fanglots, elle fe couvre le vifage de fon mouchoir, & pleure amérement.)

JAME.

Que parlez-vous, ô Ciel! d'hymen & de bonheur? (Du ton le plus paffionné.)

Henriette, fans vous...oui, fans toi, fans ton cœur, Il n'en eft plus pour moi, j'en atteste ma flamme, J'en jure par l'amour dont tu remplis mon ame, Et qui, jufqu'à la tienne à la fin parvenu, Fixe à tes pieds l'amant que charma ta vertu. (Ici Henriette toute en larmes le regarde encore de l'air le plus tendre, & Jame, les yeux attachés fur les fiens, demeure quelques moments en filence; puis il continue d'un ton plus pofe, & comme pour la rafurer.)

Ah! mon fein reftera le feul dépofitaire

Du tendre aveu qu'ici vous m'avez daigné faire ;
Jame y va renfermer, avec un foin jaloux,
Le bonheur de favoir qu'il eft aimé de vous;
Mais il court publier qu'avec idolâtrie
Lui-même il vous adore, & qu'il perdra la vie
Si vous êtes jamais ravie à son amour.

Oui, c'eft pour me fauver la raifon & le jour,
Que mes parents eux-même, en de juftes alarmes,
Forceront votre pere à céder à mes larmes;

Et les cruels ici vont caufer mon trépas,
Ou, je le jure encor, vous n'en fortirez pas.
(Il fort précipitamment.)

HENRIETTE, le fuivant pour le retenir. Arrêtez. Où va-t-il ?... Ah! que je fuis à plaindre ! (En revenant, elle apperçoit le Lord Belton.) Ciel! Mylord!... Devant lui pourrai-je me contraindre ?

SCENE IV.

HENRIETTE, le Lord BELTON.

(Henriette falue Belton, puis va s'affeoir vers fa table, & fe met à travailler.)

BELTON, à part dans le fond.

Oui, feule !....A cet afpect mon cœur a tressailli.

(Il s'avance vers Henriette d'un air ouvert.) Je comptois dans ces lieux rencontrer Myladi. HENRIETTE.

Mylord, elle eft fortie, & ne fera, je pense,
Pas long-tems à rentrer.

BELTON, avec grace, s'approchant davantage.

Sans nulle impatience,

J'attendrai près de vous. Eh! qui fe fouviendroit, En vous voyant, que c'eft une autre qu'il cherchoit? (Il s'affied près d'Henriette, & regarde fon bouquet.) J'ai cru que de ces fleurs l'éclat pourroit vous plaire. Vous les embelliffez. Rien ne peut vous diftraire?

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(Henriette continue de travailler fans répondre. )

Et vous travaillez-là bien attentivement?
Quel eft ce bel ouvrage? Il me paroît charmant.
Pour qui?

HENRIETTE.

C'est une robe avec la garniture.

Myladi m'a promis d'en faire fa parure:
Vous jugez fi je dois la broder de mon mieux.
BELTON.

Vraiment de Myladi le fort cft fort heureux.
D'elle feule on s'occupe, on y fonge fans ceffe.

HENRIETTE.

Elle eft fi bonne; elle a pour moi tant de tendreffe : Que ne lui dois-je pas !

BELTON, d'un ton affectueux & tendre.

Mais fans doute qu'ici

Les fentiments qu'elle a, je les partage auffi:
Sur-tout à votre égard. Oui, plus que l'on ne penfe,
Votre ame eft obligée à la reconnoiffance.

HENRIETTE.

A toutes les bontés que vous avez pour moi,

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