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du papier, vient prendre les enfans & les emmene dans la boutique.)

SCENE III.

VILSON, Madame SONBRIGE.

Madame SONBRIGE.

LE lord Orfey eft venu hier.

VILSON.

Je ne le fais que trop.

Madame SONBRIGE

Il m'écrivit encore le foir.

VILSON.

Pour vous remercier, fans doute, de ce que vous lui aviez promis le matin.

Madame SONBRIGE, tirant une lettre de fa poche, & la donnant à Vilson.

Voilà fa lettre, vous en jugerez.

VILSON, lifant avec émotion.

Oui, quelle que puiffe

» étre votre condition & la naissance de Fanni, que » vous vous obflinez à me cacher, mon amour ne » s'en informe plus. Je mets aux pieds de votre fille

» mes titres, mon rang & ma fortune; je fuis réfolu de l'époufer dans deux jours. Après une telle » affurance, je ne crois pas que vous parliez encore » de l'amour de Vilfon, ni qu'il ofe me difputer le » cœur & la main de Fanni, Je vais passer vingt» quatre heures à la campagne, & j'enverrai demain » chercher votre derniere réponse. Je compte qu'elle » fera conforme à mes vœux ; fans quoi je ne répon» drois pas des excès où la violence de mon amour » pourroit me porter. Le lord Orfey ».

(Vilson rend triflement la lettre à Madame Sonbrige, fans la regarder.)

Eh bien, votre résolution?

Madame SONBRIGE obfervant Vilson,

Elle eft prife. Cette lettre m'a déterminée tout de fuite,

VILSON,

Et Fanni.... n'a point de peine à fe conformer..... Madame SONBRIGE.

Je vais combler ses voeux les plus doux,

(Vilfon la regarde avec une indignation mélée de mépris, & Madame Sonbrige continue d'un ton plus tendre.)

Oui, Vilfon, depuis long-tems ma fille voit en vous un amant, & je veux qu'aujourd'hui elle y chériffe un époux,

Un époux ? moi?

VILSON.

Madame SONBRIGE avec douceur.

Oui, vous-même, fi vous voulez accepter sa main. VILSON baifant la main de Madame Sonbrige, avec un transport d'amour & de reconnoiffance.

Ah, Madame ! fi je le veux ... mais pourquoi m'avoir tenu fi long-tems dans l'affreufe incertitude?... Vous ne favez pas tout ce que je fouffrois.

Madame SONBRIGE.

J'ai voulu vous punir ainfi d'avoir un feul inftant douté de mes fentimens & de ceux de ma fille. Avez-vous pu nous faire cette injure?

VILSON.

Madame, pardonnez à un amant des allarmes fi juftes. Eh! fuis-je digne que vous me faffiez un fi grand facrifice? Que Fanni renonce pour moi....

Madame SONBRIGE.

Ce facrifice ne coûte ni à fon cœur, ni au mien. Non, mon ami, une funefte expérience m'a trop appris à ne plus me laiffer éblouir par l'éclat de la fortune, & à me défier des féductions des grands. Voici le moment de vous faire connoître, enfin, qui nous fommes. Je ne dois point vous laiffer époufer Fanni fans vous mettre dans le fecret de fa naiffance, & vous dévoiler les malheurs de fa trifte mere. Je

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vous eftime affez pour croire que cet aveu ne changera point vos fentimens ; & j'aime trop ma fille pour vouloir qu'elle fût à vous, s'il étoit capable de les changer.

VILSON.

Ah! ne le craignez pas. Quoi que vous ayez à m'apprendre, l'estime la plus pure & le plus tendre amour m'attachent à vous pour jamais.

Madame SONBRIGE

J'ose y compter. Affeyons-nous.

(Elle va s'affeoir près de la table, & Vilson s'affied de l'autre côté.)

Le récit que je vais vous faire, coûte à mon ame, & va renouveller mes douleurs. Vous allez apprendre le fujet de cette mélancolie qui m'accompagnera juf qu'au tombeau, & dont vous ne vous étonnerez plus quand vous en faurez la cause.

Je fuis née à Dublin, Mon pere, qui faifoit un commerce affez confidérable, effuya de grandes pertes, & mourut comme j'étois encore fort jeune. Je n'avois déjà plus de mere, & je reftai fans biens fous la tutele d'un oncle, qui, dès que j'eus quinze ans, réfolut de m'unir avec un riche négociant de cette ville. Mais dans ce tems-là, pour mon malheur, arriva le lord Falkland, d'une des premieres maifons d'Écoffe. Il venoit voir un de fes parents, qui étoit viceroi d'Irlande. Il m'apperçut dans une promenade; mes foibles appas

le frapperent, & je le remarquai. Il trouva le moyen de me parler, de me déclarer fon amour. L'honnêteté, la candeur, toutes les vertus étoient peintes fur fon visage, je les crus dans fon cœur. Comme on preffoit mon mariage, féduite par mon amant, je me déterminai à le fuivre, & il me mena avec lui en Écoffe.

SCENE IV.

VILSON, Madame SONBRIGE, UN
MARCHAND, DAVID.

(Un Marchand entre alors par la boutique, tenant à la main une lettre de change. Dès que Vilfon l'apperçoit, il fe leve & va à lui, tandis que Madame Sonbrige s'appuie triflement fur la table, près de laquelle elle refle affife.)

LE MARCHAND, prefentant fa lettre à Vilfon. MONSIEUR, c'est une lettre-de-change de douze

eents guinées. Je viens en toucher le montant.

VILSON.

Monfieur, vous allez être payé.

(Il va vers la boutique, & appelle David qui paroit à la porte.)

David. .. .. il faut payer douze cents guinées. James eft-il revenu?

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