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DAVID, reftant à la porte.

Non, Monfieur; vous favez que le banquier Sudmer demeure à l'autre extrêmité de Londres. James ne peut être ici que dans une heure ou deux. VILSON, à David,

Et il n'y a pas affez d'argent ici pour payer?
DAVID, rentrant dans la boutique.

Non, Monfieur, il n'y en a plus.

VILSON, rendant au marchand fa lettre-de-change. Monfieur, ayez la bonté de revenir dans deux heures.

LE MARCHAND.

Cela me dérange beaucoup. On m'attend ailleurs, & ce retard m'empêchera peut-être de conclure une affaire.

Madame SONBRIGE, fe levant, tirant Vilson à part, & lui préfentant des billets qu'elle vient de tirer d'un porte-feuille.

Tenez, voilà précisément des billets de banque pour la fomme qu'on demande. C'eft la dot de ma fille & toute notre fortune. Je vous la remets, fervez-vous en pour payer ce marchand.

VILSON, à Madame Sonbrige, fans prendre ses billets. Madame, la main de Fanni n'a pas besoin d'être accompagnée d'autres biens. Je ne recevrai point...

Madame SONBRIGE.

Vains difcours. N'allons-nous pas faire la même famille ? J'ai encore des diamans pour cinq cents gui nées. Ma fille s'en pare aujourd'hui, mais demain elle s'en défera, pour que vous en mettiez l'argent dans votre commerce. Ne faites point attendre ce marchand; payez fa lettre.

VILSON, prenant les billets de Madame Sonbrige. Puifque vous le voulez, Madame, je vais l'acquitter. Tenez, Monfieur, voilà le montant de votre lettre en billets de banque.

LE MARCHAND, recevant les billets de Vilfon, les examinant, puis rendant fa lettre-de-change, après avoir mis fon acquit.

Cela eft jufte... Voilà mon acquit. (Il fort.)

SCENE V

VILSON, Madame SONBRIGE.

(Ils reviennent tous deux s'affeoir près de la table. Vilfon tient à la main la lettre-de-change qu'il vient d'acquitter.)

Madame SONBRIGE.

QUAND Falkland me fit quitter l'Irlande, il me pro

mit que l'hymen nous uniroit, dès que nous arrive

rions en Écoffe. Mais lorfque nous y fûmes, il me conduifit d'abord dans une campagne écartée; & m'appprenant que fon pere vivoit encore, me de manda du tems pour obtenir fon aveu. Cependant... la naiffance de Fanni fembla redoubler la tendreffe de mon amant. Il venoit souvent me voir en fecret, &. me renouvelloit toujours les promeffes qu'il m'avoit faites. Jugez de mon défespoir, quand j'appris toutà-coup qu'il venoit d'époufer ladi Rutland. Le perfide me marqua que c'étoit fon pere qui, quelques jours avant fa mort, l'avoit contraint à cet hymen; qu'il n'avoit pas eu la force de réfifter, & peu de tems après, il partit avec fa femme pour la Jamaïque, dont il venoit d'être nommé gouverneur. Après fon départ, on me remit une lettre de lui avec trois mille livres sterlings en billets de banque. Il me promettoit de faire un fort à ma fille, de pourvoir à tous nos befoins, & me prioit de demeurer toujours dans la terre où j'étois établie. Mais un féjour qui me rappelloit fans ceffe fa perfidie me devint odieux. Je me retirai à Neucastle, où je restai douze ans chez un Négociant que j'avois connu en Écoffe.

VILSON.

Et pendant tout ce tems-là, Mylord ne vous don na-t-il pas de fès nouvelles ?

Madame SONBRIGE.

Je ne voulois plus recevoir fes lettres. Mais il

écrivoit au négociant chez qui j'étois, & s'infor moit souvent de moi & de ma fille. Enfin, je me réfolus à retourner en Irlande. Je quittai Neucastle pour venir m'embarquer à Bristol: ma fille y tomba malade, & je fus obligée de laiffer partir le vaisseau, qui fit naufrage fur les côtes d'Irlande.

VILSON.

Ah! le Ciel voulut vous fauver. Il favoit la perte que je devois faire, & vous deftinoit toutes deux à m'en confoler. Que j'eus de bonheur d'arriver alors à Bristol!

Madame SONBRIGE.

Votre rencontre ne fut pas moins heureuse pour moi. Je venois d'apprendre la mort de mon oncle & il m'avoit déshéritée. Cette nouvelle, l'amitié que votre chere Clarifs prit pour moi & pour ma fille, fes instances, les vôtres, tout me décida à vous fuivre à Londres. Vous favez le refte. Il y a deux ans que nous perdîmes, vous une femme, & moi une amie, également chere à tous deux. Avant d'expirer, elle me conjura de ne point vous quitter, & de vous donner ma fille, quand elle feroit en âge de la remplacer. Je promis. J'ai vu avec plaifir le penchant de Fanni s'accorder avec mes intentions. Je différois pourtant à caufe de fa grande jeuneffe; mais les poursuites du lord Orfey, & fur-tout les menaces qu'il nous fait dans fa lettre, ne permettent plus de

délais. Vilson, c'eft aujourd'hui, ce matin, dans une heure, que vous épouferez ma fille, fi ce que vous venez d'apprendre ne vous fait point rejetter fa main. VILSON fe levant, ainfi que Madame Sonbrige.

Ah! Madame! croyez que vos malheurs ne font que vous rendre toutes deux plus cheres à mon cœur. Puiffent mes foins & ma tendreffe vous les faire oublier! je vole aux genoux de Fanni.

Madame SONBRIGE.

Elle s'habille. Allons nous-mêmes nous préparer, & faites avertir le miniftre.

VILSON.

Il fera prêt. Le docteur William eft mon meilleur ami, & il partagera ma joie.

( Il donne la main à Madame Sonbrige, & comme il est prêt à fortir avec elle, David entre par la boutique.)

Tiens, David, enrégiftre cette lettre avec les autres.

DAVID, prenant la lettre-de-change.

Je vais auffi faire le compte des ouvriers. Ils demandent leur quinzaine.

(Vilfon & Madame Sonbrige fortent par la gauche.)

SCENE VI.

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