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LE TEMPLE

D E

GNIDE.

CHANT PREMIER.

GNIDE plaît à Vénus ; & Vénus la préfère

Aux Temples d'Amathonte, aux Bofquets de Cythère.
Elle ne quitte point le célefte féjour,

Sans voler vers ces lieux, fi chers à fon amour.
Quand fon char y defcend des voûtes azurées,
Le Peuple adorateur de ces belles contrées
N'éprouve point l'effroi fombre & religieux
Qu'infpire à l'Univers la préfence des Dieux:
Cet afpect bienfaisant, renouvellé fans ceffe,
Accoutume la vue aux traits de la Déeffe.
D'une foule indifcrete évitant le concours,
Si Vénus d'un nuage emprunte le fecours,
Alors les doux parfums, répandus autour d'elle,
Aux Gaidiens charmés annoncent l'Immortele.

GNIDE élève fes murs dans des champs fortunés
Des épis de Cérès en tout tems couronnés.
Là, de nombreux Troupeaux, fur des rives fleuries,
Foulent l'émail naiffant des riantes prairies :
Les Dieux verfent par-tout les trésors de leur main,
Le Soleil, dans un Ciel toujours calme & ferein,
Tempérant les rayons de fa flamme éthérée,
N'y flétrit point l'éclat dont la Terre est parée.
L'Oiseau, dès le matin, fous les feuillages verds,
D'accords harmonieux fait retentir les airs:
L'Onde entre les rofeaux murmure & s'y promène,
Flore de fon Amant y parfume l'haleine;
Et les cœurs, pénétrés de ce fouffle amoureux,
D'une volupté pure y refpirent les feux.

ON découvre, non loin des remparts de la Ville,
Du Palais de Vénus l'élégant periftile.
L'Artifan de Lemnos pofa fes fondemens.
Vulcain craignoit Vénus & fes reffentimens :
Vulcain, pour réparer la furprise cruelle
Dont rougit autrefois la Déeffe infidèle,
Lui bâtit ce Palais; Époux humilié,

Trop heureux qu'à ce prix l'affront fût oublié!

O GRACES, dont la main conduifit cet Ouvrage, Sans doute, c'eft à vous d'en retracer l'image!

Pour rendre tout l'éclat de ce brillant féjour,
Il faut, ou vos crayons, ou les traits de l'Amour.
Parmi tant de beautés, comment les peindre toutes?
Sur cent colonnes d'or quand j'appuîrois les voûtes,
Quand je ferois briller, fous ces vaftes lambris,
L'éclair des Diamans & le feu des Rubis;
Quand mes prodigues mains y répandroient encore
Les Perles, les Saphirs du berceau de l'Aurore,
Quand l'Opale & l'Azur s'uniroient incrustés;
J'en peindrois la richeffe & non pas les beautés.
D'AGRÉABLES Jardins l'enceinte eft embellie:
Une Rofe y renaît d'une Rofe cueillie.

Là Flore, là Pomone uniffent leurs faveurs,
Le fruit, fur les rameaux, fe couronne de fleurs.
Lorfque, dans ces Jardins, l'aimable Cythérée
De cent jeunes Beautés fe promène entourée,
On voit, pendant les Jeux & fous leurs pas légers,
Se courber, un inftant, les tréfors des vergers;
Mais, par l'enchantement d'un pouvoir qu'on ignore,
Les arbuftes foulés s'y relèvent encore.

LA, repofe Vénus, loin du trouble & du bruit.
Sous l'ombre des berceaux la volupté la fuit:
Son fourire applaudit aux Bergères de Gnide;
A leur danfe naïve elle-même préfide.

Vénus fe plaît à voir, fur leurs fronts satisfaits,
De leurs cœurs ingénus l'innocence & la paix.
Compagne de leurs Jeux, elle adoucit pour elles
De fes regards divins les vives étincelles.
Nymphes, de votre fort le Ciel même est jaloux:
Vénus eft votre égale & folâtre avec vous,

UNE vafte prairie, où fourit la Nature,
Etend, non loin de-là, fes tapis de verdure.
Ici l'heureux Berger, couché parmi les fleurs,
Auprès de fa Bergere affortit leurs couleurs.
Incertain dans fon choix, il balance; mais celle
Que choifit fon Amante eft toujours la plus belle
Ses parfums font plus doux,fon émail cft plus frais;
Et la main qui la cueille ajoûte à ses attraits.

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LE Céphée, en ces lieux, de fon Urne profonde
Épanche lentement le cristal de fon onde:
Il ferpente, s'amufe à prolonger fon cours;
Et fon lit tortueux fe joue en cent détours.

Le Dieu, parmi les joncs qui couronnent fes rives,
Embarraffe les pas des Nymphes fugitives:
L'Amant les fuit, les preffe ; & leur orgueil foumis
Donne, enfin, le baifer que leur bouche a promis.

LE Fleuve, à cet afpect, enchaîné dans fa course, Ne fçait s'il doit couler ou monter vers la fource:

Par un charme fecret fes flots font fufpendus,

Le flot qui fuit s'arrête au flot qui ne fuit plus.
Mais, quel trouble, s'il voit, près de fon onde pure,
Une jeune Beauté dépouiller fa parure,

Quitter des vêtemens, des voiles trop difcrets
Et venir dans fes eaux rafraîchir fes attraits!
ll frémit, il s'agite; & la vague enflammée
Autour de tant d'appas roule plus animée :
Pour les pofféder tous, pour mieux les embraffer
Pour atteindre à ce fein qu'il voudroit careffer,
Il foulève fes flots, s'élance; & plus rapide
Il entraîne avec lui la Bergere timide.

Ses Compagnes alors frappent l'air de leurs cris;
Mais, tout fier du fardeau dont fon cœur eft épris,
Le fleuve la foutient, doucement la promène,
Sur le dos argenté de fa liquide plaine.
Enfin, défefpéré d'abandonner ce poids,

Ce poids qu'il abandonne & reprend mille fois,
Il va la dépofer, fur fes rives fleuries
Dans les bras careffans des Nymphes attendries.
PLUS loin, croît un Bofquet de Myrtes enlacés.
Les timides Amans, nouvellement bleffés,
Viennent s'y confier leurs foupirs & leurs peines.
Ils fuivent, au hazard, des routes incertaines :

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