Abailard, j'ai fenti renaître mes douleurs. Cher Epoux, cher objet de tendreffe & d'horreurs, A l'ombre des Autels, dans le Cloître ignoré. Cruel, je t'ai perdu, je perds tout avec toi: Tout vit par la chaleur d'une Lettre éloquente, On nous en fit un crime, & le Ciel en murmure, (a) De quibufcunque nobis scribas non parvum nobis remedium conferes: hoc faltem uno quòd te noftri memorem effe monftrabis. Quàm jucunda verò fint Epiftola amicorum ipfe nos exemplo proprio Seneca docet, fic fcribens ad Licinium nunquam Epiftolam tuam accipio, quin protinùs unà fimus... Si imagines nobis abfentium amicorum jucunda fint, quantò jucundiores funt litteræ, quæ abfentis amici veras notas afferunt, Epift. 2. Héloiff, ad Ab. p. 42. A ton cœur vertueux quand mon cœur fut lié Hélas! elle y couloit de ta bouche éloquente, (a) In omni autem Deus fcit, vitæ meæ ftatu, te magis adhuc offendere quam Deum verebar, tibi placere ampliùs quàm ipfi appeto. Me quidem juvenculam ad monaftica converfationis afperitatem non religionis devotio, fed tua tantùm pertraxit jufio. Nulla mili fuper hoc merces expectanda eft à Deo, cujus adhuc amore nil me conftat egiffe. Non enim mecum animus, fed tecum eft; effe verò fine te nequaquam poteft. Ibid. p. 47. 60. Le refte de la terre étoit perdu pour moi: Mon Univers, mon Dieu, je trouvois tout chez toi. Tu le fais ; quand ton âme, à la mienne enchaînée, Me preffoit de ferrer les noeuds de l'hyménée, Je t'ai dit (a): cher Amant, hélas ! qu'exiges-tu? » L'Amour n'eft pas un crime; il eft une vertu: » Pourquoi donc l'affervir à des loix tyranniques? >> Pourquoi le captiver par des nœuds politiques? » L'Amour n'eft point efclave; & ce pur fentiment » Dans le cœur des humains naît libre, indépendant. » Uniffons nos plaisirs, fans unir nos fortunes: >> Croi-moi ; l'hymen cft fait pour des âmes communes, » Pour des Amans livrés à l'infidélité: » Je trouve dans l'amour mes biens, ma volupté. Le véritable amour ne craint point le parjure: » Aimons-nous, il fuffit; & fuivons la nature. (a) Nihil unquam in te, nifi te, requifivi; te pur, non tua concupifcens non matrimonii fadera, non dotes aliquas expedavi, non denique meas voluptates aut voluntates, fed tuas (ficut ipfe nofti) adimplere ftudui; & fi uxoris nomen fandius ac validius videtur, dulcius mihi Semper extitit amica vocabulum; aut fi non indigneris, concubinæ vel fcorti; amorem conjugio, libertatem vinculo præferebam. Ibid. p. 45. » Apprenons l'art d'aimer, de plaire tour-à-tour, » Alors on me verra préférer ce que j'aime » A l'éclat des grandeurs, au Monarque, à moi-même. Je porte, avec orgueil, le nom de ton Amante: » S'il peint mieux mon amour, je le prendrai pour toi D Quels mortels plus heureux que deux jeunes Amans » Réunis par leurs goûts & par leurs fentimens; 1 (a) Deum teftem invoco; fi me Auguftus, univerfo præserens mundo matrimonii honore dignaretur, totumque mihi orbem confirmaret in perpetuo præfidendum, carius mihi & dignius videretur ta dici meretrix, quàm illius Imperatrix. |