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images de la nature font rendues dans les plus beaux vers & coloriées avec le pinceau le plus brillant & le plus large. De pareils ouvrages font faits pour vaincre les dégoûts de ces efprits difficiles qui s'élevent contre le genre pittorefque. Ce genre, qui paroît facile, parce que le modèle eft fous nos yeux & frappe à la fois tous nos fens, n'en a pas moins fes difficultés & fes écueils.

Sans doute, il faut beaucoup d'art pour donner un enfemble à des defcriptions accumulées, pour y jetter du mouvement & de la vie, pour les diftribuer avec intelligence & les faire contrafter, pour les lier par des épifodes intéreffans qui les fondent les unes dans les autres. Des peintures d'objets phyfiques qui fe fuivent fans ordre, fans des paffages adroitement ménagés, fans des intermédiaires qui repofent l'imagination, en remuant la fenfibilité; ces peintures inanimées font fatigantes, monotones; & dès-lors ne produifent aucun effet. C'est pour éviter de ne peindre qu'une nature immobile & morte, que les payfagiftes les plus célèbres ont mêlé dans leurs compofitions des groupes vivans & des fcènes paffionnées. C'est ainfi que l'im

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mortel Vernet

a

par l'attitude & l'efprit des figures,

fû faire de fes tableaux autant de Poëmes intéreffans. C'est ainfi que la fameufe inscription, & in Arcadia ego, répand une mélancolie fi douce fur le beau payfage du Pouffin: ce trait de génie eft au-deffus même du mérite pittorefque. Voilà le vrai modèle de la Poéfie defcriptive : c'eft par-là qu'elle peut s'élever à la hauteur de la Poéfie la plus fublime, qui doit elle-même renfermer des images & des fentimens. Celle qui, s'adreffant toujours à la 1aifon, ne peint jamais rien à l'efprit & ne dit rien à l'âme, manque fon objet, n'eft qu'une profe froide & fententieufe, inutilement affujettie à ia gêne de la rime & de la mesure.

Si quelque fujet peut prêter à la variété des images & à tous les charmes de la Poéfie descriptive, c'eft fans doute celui que je viens de traiter. La création de l'Homme & de la Femme, leur étonnement à l'aspect du grand fpectacle de la Nature leurs premieres fenfations, le développement de leurs idées, l'yvreffe de toutes leurs jouiffances; quelle foule de beautés on auroit pû tirer d'un fonds auffi riche! mais fa fécondité n'a été qu'un embarras de

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plus pour moi. Sans doute il m'eût fallu les pinceaux de l'Albane & de Milton: cependant, fi je me fuis traîné de loin sur leurs traces, s'il m'eft échappé quelques étincelles de leur feu, j'aurai affez fait dans la mesure de mes talens. L'impuiffance de mes efforts, pour les égaler, ne m'humiliera point : il ne peut être honteux de refter au-deffous de ces grands Maîtres.

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LES HOMMES

DE

PROMETHEE,

DANS

POEM E,

ANS les plaines d'Enna, non loin de Syracufe,

Sur ces bords fortunés où coule l'Aréthufe,
A la Reine des Dieux un Temple confacré
Offre de fes débris l'amas défiguré.

Du portique abattu les colonnes brifées,
Sous leur comble entr'ouvert les voûtes écrafées,
Les marbres, les metaux confufément épars,
Majeftueux encore, étonnent les regards.
Un fage me guidoit à travers ces décombres:
De ce grand monument il éclairoit les ombres;
Et, cherchant des objets le fens mystérieux,
Occupoit ma raifon du plaifir de mes yeux.
L'Autel, le San&uaire & fon augufte enceinte
Des injures du tems ont moins fenti l'atteinte.

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Là, d'antiques tableaux les murs enveloppés,
Confervent tous leurs traits au ravage échappés.
Sur la frefque brillante, on y voit Prométhée
Donnant un nouveau Maître à la terre enchantée.
Pour peindre ce grand jour, où de favantes mains
Paîtrirent le limon qui forma les Humains;
L'Artifte a réuni, dans le plus bel enfemble,
Tout ce qu'un fite heureux & déploye & raffemble.
L'horifon, fous un ciel & de pourpre & d'azur,
Y fuit dans la vapeur d'un air tranquile & pur.
Ce lointain, couronné du fommet des montagnes,
Offre, dans les vallons, de riantes campagnes.
Un fleuve entrecoupé de joncs & de rofeaux,
D'un cours lent & paifible, y promène fes caux;
Et toujours plus charmé, plus épris de fes rives,
Amufe, en cent détours, fes ondes fugitives.
Ici, c'eft un torrent qui, d'un cours orageux,
Tombe, bondit & roule à flots impétueux :
D'une humide vapeur il obfcurcit la plaine,
Pouffe & rejette au loin les débris qu'il entraîne.
Là, d'orgucilleux palmiers s'élancent dans les airs:
Plus loin, d'humbles buiffons les côteaux font couverts;
Et par-tout la verdure, aux yeux qu'elle intéresse
Fait briller du Printems la grace & la jeuneffe.

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