O U LA PRIERE A L'AMOUR (*) Le jour s'eft levé pur du berceau de l'Aurore: Ses feux naiflans, un charme, un pouvoir que j'ignore, Vers ces lieux reculés ont égaré mes pas. Quel eft donc cet afyle? où vais-je ? où fuis-je, hélas... L'encens qui déjà fume, allumé par mes mains, Mon trouble,aux pieds duDieu qui reçoit mes offrandes; Mais, aux pieds d'un Enfant, d'où vient que je friffonne? Sa main eft défarmée, il tient une couronne: (*) Cette Piéce a été faite à l'occafion d'un tableau de M. Greuze. Son fourire eft-il fait pour infpirer l'effroi ? Dieu, que l'on peint cruel! Mifis l'eft plus que toi. Mifis !... à ce nom feul, je me fens plus émue... Le jour où, dans le Cirque, il s'offrit à ma vue, Le feu de fes regards pénétra tous mes fens... (Ainfi, fous ces berceaux, s'cft répandu l'encens!} Sous mes voiles légers ce feu fecret circule... Mifis, m'a-t-il trompée? ai-je été trop crédule? Hier il me furprit, tandis que je rêvois; Je me plaignis à lui des maux que je fouffreis, Je lui peignis comment éperdue, inquiète, Des antres ignorés je cherchois la retraite, Combien j'en chériffois le filence & l'horreur; Satisfaite, du moins, d'y cacher ma douleur ! Ma plainte le touchoit... un foupir l'a finie. »Tu me fuis, m'a-t-il dit ; & l'Amour ta punie: » C'est ainsi qu'il frappa l'infenfible Daphné. >> Lui feul peut confoler ton cœur infortuné: »De ce cœur, qu'il agite, il demande l'hommage. » Son Temple eft près d'ici, ce Temple eft un boccage : » Vole, au lever du jour, fous ces ombrages frais, >> Vafoumettre à ce Dieu ton cœur & tes attraits. » Au pied de fes autels que ta fierté fléchiffe: » Va, le bonheur fuivra ton premier facrifice. Moi-même, plus heureux, j'attendrai ton retour: » On accorde à l'Amant ce qu'on offre à l'Amour... Eh! bien, Dieu favorable! écoute ma prière : A ton culte facré fe livrant toute entière Aglaé vient t'offrir un coeur fimple, ingénu... Mais quel bruit jufqu'à moi tout-à-coup parveriu.... Je frémis... Qui peut donc agiter ces feuillages? L'air cft pur, le matin voit naître peu d'orages; Ce n'eft point-là des vents le fouffle impétueux... Mifis oferoit-il... Ah! finiffons mes vœux : Q'aurois-je à redouter près du Dieu que j'implore? Il puniroit Mifis... Le bruit redouble encore... Ciel! entre ces rameaux eft-ce Mifis?... c'eft lui!... Dieu puiffant! Dieu vengeur ! prête-moi ton appui, Voi mourir à tes pieds, ces Colombes fidèles : Mifis exige-t-il que j'expire comme elles?... Boccage malheureux, redoutable féjour!... L'Innocence périt aux Autels de l'Amour; |