Imágenes de páginas
PDF
EPUB

STANCES

PRELUDES

[blocks in formation]

RÉLUDES enchanteurs des ébats de l'Amour,
Voluptueux fourire, où l'âme fe déploye;
Regards plus enflammés que les rayons du jour,
Baifers de feu, reçus & donnés tour-à-tour,
Se peut-il déformais qu'un malheureux vous croye?

Hier, fur votre foi, plein d'ardeur & d'efpoir, Je volai vers le lit de celle que j'adore : Hélas! ce n'étoit plus ce que j'avois crû voir. Duplaifir, dans fes yeux, j'ai vû mourir l'aurore; Et fur fa bouche, enfin, je n'ai pris qu'un bon foir. Doux regards, doux baifers, puis-je vous croire encore?

Si mes vœux, près d'Eglé, font toujours fuperflus, Du trône des plaifirs fi fa main me repousse;

Piqué de fes froideurs, outré de fes refus, (Quoique né fort crédule & d'humeur affez douce) Baifers, regards trompeurs, je ne vous croirai plus.

Mais déjà le fommeil s'avance avec la nuit: Amour, puiffant Amour! donne-moi la victoire. Mon Amante paroit, la volupté la fuit... Comblera-t'elle, enfin, mon bonheur & ma gloire? Oui; fon œil me l'annonce & le plaifir y luit. Regards,baifers charmans,qu'il eft doux de vous croire;

L'AMOUR ET L'AMITIÉ. GÉNÉREUSE Amitié, toi, dont la douce flamme

D'un trouble impérieux n'agite point notre âme;
Toi qui, n'impofant point de tyranniques loix,
Laiffes à la raifon la liberté du choix;

Toi qu'un goût réfléchi fait naître de l'eftime,
Qui confoles les cours que l'infortune opprime;
Amitié, qu'on adore & qu'on ne connoît pas,
Tes deftins font-ils donc de faire des ingrats?
Il est un Dicu cruel, que l'Homme te préfère...
Pardonne, c'est l'Amour ; pardonne... il eft ton frère.
Sous d'horribles couleurs, pein-moi, fi tu le veux,
Son funefte afcendant, fon defpotifme affreux :
Di-moi que tous fes traits, trempés dans l'amertume,
Empoifonnent nos fens d'un feu qui les confume;
Moi, je te répondrai, que les emportemens,
Les pleurs, le défefpoir, les plaintes des Amans
Ce flux & ce reflux, cet éternel délire

D'une âme qui poffède ou d'un cœur qui defire;
Nos craintes, nos cnnuis, toutes nos passions,
Vains preftiges des fens, erreurs, illufions;

De quelque titre, enfin, que ta raifon les nomme,
Sont les refforts fecrets, & le befoin de l'Homme.
Ton bonheur uniforme & fa tranquilité

Détruit notre énergie & notre activité.
Ton fentiment eft foible: il faut à l'âme humaine
Ou les feux de l'Amour, ou le fiel de la Haîne.

Mifantrope ennuyé, tout fatigue mon cœur:
Mes regards offufqués d'une fombre vapeur,
Voyans tous les objets à travers un nuage,
Me repréfentent tout fous un afpect fauvage;
Les dégoûts ont glacé ma fenfibilité,

Je hais tout: cependant un Ami m'eft refié,
Il conferve fur moi les droits de l'habitude.
Je veux m'envelopper, fuir dans la folitude:
Il m'embraffe en pleurant ; mais fa molle pitié
Va me faire haïr jufques à l'Amitié.

Lui, pleurer! cft-ce à l'Homme à répandre des larmes?
C'eft à la Beauté feule à leur prêter des charmes.
L'Ami qui me confole ajoûte à mes chagrins:
Étalant à mes yeux fa raifon que je crains,
Combattant mes dégoûts, l'erreur qui m'empoifonne;
Quand il faut me tromper, le malheureux raisonne.
Loin que d'un tel fecours mon cœur foit attendri,
Par fcs moralités il eft encor flétri

Mais que, dans ces momens, où notre âme abatue
Se plaît à dévorer le poifon qui la tue;

Où, nous affoupiffans dans nos profonds chagrins,
Nous nous défuniflons du refte des Humains;
Qu'alors une Beauté tendre & compatiflante.
Conduite par l'amour, à nos yeux fe préfente;
Qu'elle daigne répandre au fein de fon Amant
Ces pleurs délicieux, les pleurs du fentiment!
Entre elle & nos ennuis, notre âme partagée
Du poids de fes douleurs eft bientôt foulagée.
L'Aftre du jour fur nous fe lève plus matin:
On fent, à chaque inftant, s'adoucir ce levain,
Ces poifons lents & froids qui, coulans dans nos veines,
Dans chacun de nos fens multiplioient nos peines.
Sans doute, il n'eft point d'Homme affez infortuné,
De quelques maux cruels qu'il foit environné,
Qu'il ne puiffe aifément, au fein de ce qu'il aime,
Oublier fa douleur & s'oublier foi-même.

Quel eft ce malheureux revêtu de lambeaux ?
Je le vois à pas lents defcendre des côteaux;
Bravant fous le Midi l'ardente canicule.

Depuis le jour naiffant, jufques au crépuscule,

« AnteriorContinuar »