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J'ai fçu mefurer d'un coup-d'œil
Ces Coloffes de la fortune:
De leur Palais fuyant le feuil,
Loin de leur grandeur importune,
De leur fafte & de leur orgueil,
J'ai fçu, conduit par la fageffe,
Chercher une fociété,

Cù, fans preftige & fans yvreffe,
Mon cœur, plus heureux, a goûté
Les doux plaifirs de la tendreffe
Et tous ceux de l'égalité.

;

Que le même goût te ramène Reviens, te dis-je, il en eft tems: Reviens aux rives de la Seine, Suivi des Arts & des Talens. Les Jeux, les Spectacles brillans Vont renouveller notre fcène. Hélas! tout languit dans le deuil; Et, depuis ta fatale absence L'ennui fe promène, en filence, Sous l'ombre des bofquets d'Auteuil. Auteuil, où l'amitié facrée,

Sœur & compagne des Amours,

Filoit, fur le fufeau d'Aftrée,

Le brillant tiffu de nos jours;
Auteuil, afyle frais & pur,
Où Boileau choifit fon Parnaffe
Et crut retrouver le Tibur,
Que chantoit la lyre d'Horace;
Auteuil, enfin, féjour heureux,
Où la Beauté devient plus belle,
Le plaifir plus voluptueux,
La félicité plus réelle.
Revien, tout fera réparé:
Nos efprits reprendront courage.
On te regrette, on t'a pleuré;
Mais on t'aimera davantage,

Si tu reparois au rivage
Où ton retour eft defiré.

Dispose donc ton équipage;
Pars: le bonheur d'être adoré
Vaudra bien les frais du voyage.

Z z

AU ROI LOUIS XV.

Vous voilà donc Bourgeois d'Auteuil, (*)

SIRE; & voilà notre village
Qui va jouir de l'avantage,
Dont fe vantent, avec orgueil,
Choify, la Meute & l'Hermitage.
Vous y viendrez chercher l'ombrage
Le doux lilas, le chevrefeuil:
Tant mieux pour nous. Bon voifinage
Fut toujours d'un heureux préfage.
Nous voudrions vous faire accueil,
Immortalifer notre hommage

Par quelque éclat; mais ce Hameau
Qui vit les Muses raffemblées
Se promener dans les allées

Du Jardin qu'habitoit Boileau,

Auteuil, ne voit plus fa fontaine

Abreuver le facré

troupeau

(*) En 1764. Le Roi eut une petite maison de chaffe à Auteuil,

près du Bois de Boulogne.

Qui s'enyvre dans l'Hypocrêne :
Les Mufes n'aiment plus notre eau.
Nous nous en confolons; les Graces
Valent, tout au moins, les neuf Sœurs:
Elles tiendront ici leurs places.
Bien-tôt, amenant fur leurs traces
Une foule d'adorateurs,

Nos regards les verront paroître,
Dans des chars légers & brillans,
Rire, folâtrer fous le hêtre;

Et, dans les beaux jours du Printems,
Former une danfe champêtre.

Tel eft l'agrément de ces lieux,
SIRE; rempliffez notre attente,
Venez-y: tout en ira mieux.

Il faut bien que du haut du Trône,
LOUIS defcende quelquefois :

L'émail des prés, l'ombre des bois,
Les dons de Flore & de Pomone
Doivent lui plaire; & les bons Rois
Ont bien fouvent, dans le filence,
Caché fous le nom de Bourgeois,
Les grands titres de leur naiffance.

542

VERS

Pour une jeune Fille, vêtue en Indienne, qui offrait un Bouquet à CLAUDINE.

On a l'air du pays, de quelque lieu qu'on vienne.
Ce vifage bruni par les feux du Soleil,

Ces perles, ces colliers, ce bifarre appareil;
Tout dit que je fuis Indienne.

Chemin faifant, foit juftice ou méprife,

Soit préjugé pour ma Patrie,

Je n'ai point encor vû de blanche affez jolie,
Qui fur nos teins de jays pût remporter le prix;
Mais on m'avoit bien dit, que certaine Claudine,
Dont la vue embellit les boccages d'Auteuil,
Nous furpaffoit par l'efprit & la mine.
Aimable fans étude & belle fans orgueil,

Elle charme, dit-on, d'un mot & d'un coup-d'ail,
Cette Beauté, c'est vous: je le devine,

Je le fens au plaifir que je goûte à vous voir :
C'est donc à vos attraits que je viens rendre hommage,
La neige de vos Lys triomphe du beau noir;
Et l'Europe, par vous, fur l'Inde a l'avantage,

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