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VERS

A MAR I E.

SEUL, fous ce berceau de verdure,

Où des feux du Midi nous évitons les traits,
Où vainement la main de la Sculpture
Sur un bloc dégroffi crut rendre vos attraits,
Je m'occupois de vous, aimable Silvanire,
Sentant de votre fête arriver l'heureux jour;
Mon cœur s'abandonnoit au zèle qui l'inspire.
Déjà, je préludois des accords fur ma Lyre;

Quand je vis paroître l'Amour,

Ce n'étoit point ce tyran, dont la chaîne S'appéfantit fur ceux qu'il foumet à fes loix: Chaîne funefte, & dont l'Amant d'Hélène Sentit & la honte & le poids!

Mais c'étoit cet Enfant fi careffant, fi tendre,
Le fils du fentiment & de la Volupté,
Dont la main ne veut nous furprendre,
Que pour guider nos pas vers la félicité.

Des traits brûlans, dont fa main eft arméc, Il m'en offre un, trempé dans la coupe des Dieux ; Trop heureux le Mortel qui fentira ses feux! Apollon vint enfuite & me donna fa Lyre: Remets-là, me dit-il, aux pieds de Silvanire: Ses doigts en tireront des fons harmonieux Elle chante l'Amour & c'eft moi qui l'infpire. Les Graces, les trois Sœurs, rivales de Vénus, Me donnèrent, pour vous, leur magique ceinture; Et l'on va voir, en vous, unis & confondus, Et les préfens des Dieux & ceux de la Nature.

ÉPITRE

A M. D'E P**.

Qui foupçonnoit l'Auteur d'avoir fait des Vers contre lui, fur l'infidélité de fa Maîtreffe.

Je n'aime point, par un vain perfi.lage,

E

De mes Amis cenfurer les erreurs :

Tout homme eft foible, & chacun a fes mœurs;
Je plains un fou, comme j'eftime un fage.
Cher d'Ep**, plus de foupçon fur moi:
J'ai pris, par choix, la Bonté pour devife,
Du fol écrit qui te ridiculife

Ma main n'a fait ni les Vers, ni l'envoi :
Un fot peut feul rire d'une fottife;

Mais repouffons les traits de tes Cenfeurs.
Eft-ce un travers, qu'aux jours de ton Automne,
Ton fang encor dans tes veines bouillonne?
Ne fait-on pas, fur nos fragiles cœurs,
Quel eft l'effet d'une mine friponne?
Un fin fourire, oracle des faveurs,

Un œil malin qui s'irrite & pardonne,
Des riens charmans, des caprices trompeurs,
Mille refus, plus doux que ce qu'on donne...
Voilà comment la coquette aiguillonne
Des fens flétris, éteints dans les langueurs,
Eh! qui pourroit, fût-il octogénaire,
Voir, fans defir, la folâtre Phriné,
Dans un boudoir aux plaifirs deftiné,
Renouveller tous les Jeux de Cythère?
Là, tous les fens font charmés tour-à-tour:
Là, fur des coins, paftilles enflammées
Portent, dans l'air de ce difcret féjour,
L'ambre irritant de leurs douces fumées.
(L'ambre, dit-on, eft l'encens de l'Amour.)
Dans une niche où, loin de tout profane,
Sont fufpendus d'inutiles rideaux,

Un lit charmant, que l'on nomme Ottomane,
Offre aux defirs des couffins, des carreaux:
L'heureux Sultan y conduit la Sultane.
Vois-y Phriné; Phriné dont les attraits
N'ont plus l'éclat de leur première aurore;
Mais fa parure, un deshabillé frais,
Mille rubans lui donnent l'air de Flore.

Lorfque fon fein ne venoit que d'éclore,

On l'admiroit, on foupiroit auprès;
Mais, maintenant, on le baife, on l'adore:
Enfin Phriné, par l'art de fes aprêts,

Eft auffi jeune & bien plus belle encore.
Ce qui lui prête un charme encor plus fûr,
C'eft ce regard, que l'aimable friponne
Lance toujours & fi tendre & fi pur
C'eft cette bouche, où le rire afsaisonne
Chaque baifer que fon Amant lui donne;
C'eft l'air, le ton, fauffement ingénus,
Dont la perfide échauffe un je vous aime.
On le dit mal, quand on le fent foi-même:
On le dit micux, quand on ne le fent plus.
Pour nos Phrinés, tromper eft l'art fuprême.
Si, fur leur front, le ciel mit la candeur,
Si, dans leurs yeux, il peignit l'innocence
Si, fur leur bouche, il plaça l'éloquence,
Il mit auffi l'impofture en leur cœur.
Voilà comment la Nymphe enchantereffe
Devint fi chère à tes efprits charmés.
Chaque plaifir nous coûte une foibleffe;
Et la première eft de nous croire aimés.
Tu fus heureux; mais auffi tu fus dupe;
Et, fi j'en crois la Gazette du jour,

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