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Jamais Phriné n'a reffenti l'Amour:
Le plaifir feul ou l'intérêt l'occupe.
D'après cela, mon cfprit eft bien loin
De déclamer contre ton inconftance:
En offenfant, elle prévient l'offenfe;
Et, comme toi, mon cœur en a besoin.
Après un goût, un autre doit renaître:
(Tu m'as donné cette utile leçon,)
Et dans le choix d'être dupe ou fripon,
Tout bien pefé, c'eft fripon qu'il faut être.

ÉPITRES

Α ΤΟΙ

AVERTISSEMENT.

L Es onze Piéces qui fuivent, toutes écrites de la main de

l'Auteur, étoient renfermées fous la même enveloppe, avec cette infcription, Epitres à Toi. Nous n'avons pû découvrir en quel tems elles ont été composées, ni fi elles ont rapport d quelque circonftance de la Vie de M. Colardeau peut-être ne font-elles qu'une traduction ou une imitation de quelques Poefies Allemandes ou Italiennes. Quoiqu'il en foit, nous les plaçons ici fuivant l'ordre dans lequel l'Auteur les avoit luimême arrangées, & fans autre titre que celui qu'il a jugé d propos de leur donner.

ÉPITRE

A TOI.

Nulla domus tales unquam contexit amores:
Nullus amor tali conjunxit fœdere amantes.
Catul. 59.

I.

ZELMIRE, enfeigne-moi le Temple de l'Amour :

N'a-t-il plus parmi nous d'autel ni de féjour ?
Je fais que nos Ayeux placèrent fon image

Au fond de leurs jardins, dans l'ombre du boccage:
Là, l'Amant éloigné de l'objet de fes feux
Solitaire, y portoit fes regrets & fes vœux.
Je m'imagine voir une Grecque naïve,
Loin d'un Amant chéri, languiffante & plaintive,
Aller, aux pieds du Dieu, gémir, verfer des pleurs,
L'implorer; & pour don lui préfenter des fleurs.

Un Amant fortuné demandoit autre chofe.
Un baifer, quelquefois, fut le prix d'une rofe;
Et d'un cœur bien épris l'Amour toujours content
Payoit d'une faveur le plus mince préfent.
Où trouver aujourd'hui ce Dieu que je révère ?
Ah! Zelmire, tu fçais fi j'ai des vœux à faire:
En conjurant l'Amour de remplir mon espoir,
Il faut lui demander jufqu'au bien de te voir.

Que vous êtes heureux, Amans, qui dès l'aurore
Voyez l'objet aimé, pour le revoir encore ;
Qui, par l'aube naiffante, arrachés de fes bras,
Sous les yeux de l'Amour, fuivez par-tout ses pas;
Qui, lorfque de la nuit le voile fe déploye,
Courez jouir encor d'une plus douce joye!
Libres dans vos plaisirs, libres dans vos amours,
De vos embraffemens rien n'interrompt le cours.

Zelmire, ne dis point qu'un état fi tranquille
Nous endort dans l'ennui d'un bonheur trop facile.
Je fais qu'il eft des cœurs foibles & languiffans,
Qui n'ont d'activité que celle de leurs fens ;
Dont l'ardeur paffagere & toujours inégale
S'éveille par moment & meurt par intervalle :

Mais,

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