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A TOI.

Quid faciam dubito: dolor eft meus ista vide:e;

Sed dolor à facie major abeffe tuâ eft.

Ovid. Heroïd. 15.

A

VII.

tes ménagemens il faut donc consentir ?

Il faut donc te cèder & te perdre & partir?

Tu l'ordonnes; tu veux que, pendant deux années,
L'Amour féparément file nos deftinées;

Et que, par l'efperance amusant ma douleur,
J'attende que le tems me rende, enfin, ton cœur ?
Mais ton cœur pourra-t-il, pendant cet intervalle,
Nourrir une tendreffe à ma tendreffe égale?
Et ne prévois-tu pas qu'un mortel trop heureux
Peut, au-delà du terme, affujettir tes vœux ?
Si tu peux aujourd'hui facrifier ma flamme
A de chers intérêts, trop puiffans fur ton âme
Sur quel efpoir, hélas! puis-je me confoler?
Trompes-tu la victime avant de l'immoler?

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Je n'ofe approfondir ta politique obfcure.

Mon cœur foufcrit à tout; mais enfin il murmure:
Il fe plaint de l'arrêt que ta bouche a dicté ;

Et t'accufe, tout bas, de trop de cruauté.

Quand, de tous mes tranfports l'interprête fidèle, Quand ma bouche,en des jours de trouble & de querelle, Ofa te reprocher tes foibles fentimens ;

Quand mêlant l'amertume à mes emportemens
J'ofai te faire voir mes profondes bleffures;
Moins fenfible à l'amour que fenfible aux injures,
Tu nommas dureté cette tendre fureur.

Hélas! je t'adorois en déchirant ton cœur!
Mais réponds a ton tour: que veux-tu que je penfe
De l'épreuve nouvelle offerte à ma conftance?
Tu m'aimes, me dis-tu : quel eft donc le degré
D'un amour qui peut naître & s'éteindre à fon gré?
Ah! fi ta confiance aujourd'hui me l'avoue,

Au plus trifte abandon c'est moi que l'on dévoue;

Mon Rival trop heureux occupe tous tes foins.

Me perdrois-tu pour lui, s'il t'intéreffoit moins?
Entre l'Amour & nous doit-il être l'arbitre?
Si je fus ton Amant, di-moi donc à quel titre?
Oui, réponds... m'as-tu vû, foigneux de te tromper,
Mendier tes faveurs ou bien les ufurper?

Ai-je follicité le bonheur de te plaire ?

Je n'ai fû que t'aimer, me contraindre & me taire.
Quand tu me donnas tout, je n'afpirois à rien:
Mon cœur irréfolu se méfioit du tien ;

Je forçai mon amour & ma bouche au filence:
Je n'ofois attaquer ta froide indifférence.

Dans le moment funefte, autant qu'inopiné,
Où tu prévins mes feux, où tu m'as couronné;
N'ai-je pas dû penfer que ton âme enflammée
Se livroit toute entière au plaifir d'être aimée?
Que, libre dans tes vœux, ainfi que dans ton choix,
Tu te donnois à moi par le plus faint des droits?
Pourquoi, dans ces momens de preftige & d'yvreffe,
N'ai-je pû voir le piége où tomboit ma foibleffe!
Quel bonheur, en effet, m'annoncerent tes feux?..
Ceffons de rappeller ces inftans malheureux :
I a coupe, où s'enyvra ma raifon étonnée,
Cette coupe fatale étoit empoifonnée.
J'aurois dû te connoître ; & preffentir dès-lors

Qu'un amour partagé s'éteint dans les remords;
Que ton cœur, las d'un nœud qu'il croit illégitime,
Pour le brifer un jour m'objecteroit le crime.

Quel crime, cependant ?... Si ç'en fut un pour toi

De tromper mon rival & de trahir ta foi;

C'en eft un autre encor, mais plus grand, plus horrible, D'abufer lâchement d'une âme trop fenfible,

L'avoir troublé la paix dont tu fçus m'arracher,
D'abandonner un coeur que le tien vint chercher.
Feut-être, trop d'aigreur empoisonne mes plaintes ;
Mais, fi de mes chagrins tu fentois les atteintes,
Zelmire, à mon amour tu croirois tout permis.
Affez & trop long-tems, adorateur foumis,
J'ai traîné fur tes pas, dans un humble filence,
Les fers que déformais veut brifer ta prudence.
J'eus des torts, je le fais ; j'eus les torts d'un jaloux:
Je foupçonnai tes foins... mais di-moi, fommes-nous
Dans ces triftes ferrails, dans ces prifons d'Afie,
D'où la main des muets bannit la jaloufie?
L'effain des féducteurs environne tes pas:
Pour un cœur adoré quel cœur ne tremble pas?
Cet or impérieux, que l'opulence étale,
Emporte la balance & la rend inégale.

J'ai frémi, j'ai prévû qu'un Mortel trop heureux
Triompheroit, enfin, du plus doux de mes vœux:
Dans ce trouble cruel, dans cette horrible attente
J'ai querellé le fort, l'Amour & mon Amante.

Eh quoi? tous mes foupçons étoient-ils incertains? Le flambeau de l'Amour va s'éteindre en tes mains;

Pour un bonheur douteux, que ta pitié m'annonce,
Au nœud qui nous unit tu veux que je renonce?
De quel frivole efpoir faut-il m'entretenir ?
Ah! fi par le paffé je juge l'avenir,

Feras-tu quelqu'effort pour brifer une chaîne,
Dont l'éclat t'a féduite & qui te rend fi vaine?
Que dis-je ? penfes-tu qu'il foit en ton pouvoir
De remplir, quelque jour, mon chimérique efpoir ?.
Par de nouvelles loix chaque jour maîtrisée,
Chaque jour plus contente & moins désabusée,
Pourras-tu t'occuper du fort d'un malheureux,
Egaré dans la foule où fe perdront fes vœux?

Mais je veux bien, Zelmire, en croire tes promeffes: (Que m'importe une erreur, après tant de foibleffes? C'en eft une de plus & je veux l'embraffer;) Mais, fonge que c'eft toi, toi qui m'y veux forcer; Songe que tu promets à l'Amant le plus tendre De lui rendre les droits que tu vas lui reprendre. Ta bouche l'a juré, ton cœur en eft garant; Ton cœur fera puni s'il trahit le ferment: Il le fera par moi, peut-être par lui-même ; Par moi, qui fçais haïr au même excès que j'aime, Qui fçaurai, fur tes jours, rejetter le mépris

Dont mes jours malheureux auront été flétris;

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