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Par moi, qui te rendrai, dans la même mesure,
Et les indignités & la honte & l'injure.

Enfin, je chercherai mon plus cruel vengeur
Dans tes propres remords, dans le fond de ton cœur.
Si tu trahis l'efpoir dont tu flattes mes peines,
Puiffes-tu, fous le poids de tes honteuses chaînes,
Traîner, dans les affronts, des jours deshonorés,
Des jours à l'esclavage, à l'opprobre livrés!
Puiffe l'ingrat Mortel, auteur de mon supplice,
Ne te payer jamais le prix du facrifice.
Heureux! fi je puis voir ton cœur, toi, ta beauté
Au comble du mépris qu'ils auront mérité!

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STANCES

Α ΤΟΙ.

L'AMOUR

TRAHI.

Omnia perfolvi; fruitur nunc alter amore,

Et precibus felix utitur ille meis.

Tib. L. 2. El. 5.

VIII.

Je l'ai dit à l'Écho, l'Écho l'a répété;

Je l'ai dit au Zéphir, le Zéphir en murmure;
Je l'ai dit à la Terre, au Ciel épouvanté;
Enfin, je veux le dire à toute la Nature:
Zelmire, à la noirceur de l'infidélité,

Vient d'unir, fans remords, le crime du parjure.

Je n'eus point l'art cruel de la tyrannifer.
L'ingrate! elle me vit, adorateur timide,
N'ofer rien, quand peut-être il falloit tout ofer.

Son choix,fon goût, fon cœur;tout pour moi la décide:

Elle m'aime, le jure ; & j'en crois le baiser
Offert & recueilli fur fa bouche perfide.

Des fermens qu'elle a faits ces lieux furent témoins. Sous ce hêtre, où nos noms furent gravés par elle, Mon bonheur fut l'objet de fes plus tendres foins: Les droits, que m'accorda fa faveur infidèle, S'ils font anéantis, font atteftés du moins; Et, fans les garantir, tout ici les rappelle.

Malheureux ! de quel coup me fuis-je vû frapper ? Hier un autre Amant, dans ce lieu folitaire, Lui prodigua des voeux dont il fçut l'occuper. Loin que mon fouvenir fervît à l'en diftraire; Tout ce que l'inhumaine a dit pour me tromper, Sa bouche, mille fois, l'a redit pour lui plaire.

Zelmire, ce Rival vengera ton Amant. Puiffe-t-il être ingrat, autant que je fuis tendre! Qu'il jure de t'aimer pour rompre fon ferment, Qu'à des charmes nouveaux il brûle de fe rendre; Et puiffes-tu fouffrir, par un double tourment, L'affront de voir ta honte, à l'horreur de l'entendre!

ÉPITRE

A UN AMI

Sur l'infidélité de ZELMIRE.

Odi & amo: quare id faciam fortasse requiris?
Nefcio; fed fieri fentio, & excrucior.

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CHER

I X,

HER & cruel Ami, penfes-tu que mon cœur Loin de ce qu'il adore ait trouvé le bonheur; Qu'il fe repofe, enfin, dans ce fage équilibre D'un cœur fans paffion, indifférent & libre? Tu croyois les brifer ces fers de mon amour, Ces fers, quittés cent fois & repris tour-à-tour. Ah! je rappelle encor le jour, le jour horrible, Où parjure, où barbare, & cependant sensible, Dans un affreux exil par tes mains entraîné, Je fuyois loin des yeux qui m'avoient enchaîné.

De ces yeux adorés pein-toi l'inquiétude!
Soit amour, foit instinct, foit même l'habitude;
Quoique de mon départ j'euffe tû le moment,
Zelmire fçut prévoir l'exil de fon amant :
Ou plutôt, fans foupçons, mais d'horreur pénètrée,
Incertaine, tremblante, en fecret déchirée
Elle fentoit des maux à fon cœur inconnus ;
Et pleuroit un ingrat qu'elle ne verroit plus.
Hélas! je rejettai fes baifers, fes careffes :
Cent fois, renouvellant fes plus vives tendresses,
Ses bras, autour de moi ferrés avec effort,
M'entraînoient au plaifir, où plutôt à la mort.
Juge du trouble affreux de mon âme éperdue!
On découvroit encor à ma tremblante vue
Ces attraits, de nos fens toujours victorieux,
La volupté du cœur & le charme des yeux...
Ah! je n'étois point né pour être ainfi parjure!
Et cependant, j'osai poursuivre mon injure.
Pour la derniere fois, j'admirois fes appas;
On me les dévoiloit... Je n'en profitai pas :
Je la quitte, je pars fans fentiment, fans vie.
Jadis, avec regret abandonnant Julie,
Ovide relégué fur des bords inhumains,
N'avoit pas reffenti d'auffi cruels chagrins.

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