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J'arrive dans le fein d'une famille aimée :

Mon âme, en ces momens, de regrets confumée,
(Quoi que fur tous fes goûts on fçût la prévenir)
Se fermoit toute entiere à l'attrait du plaifir.
Mon cœur infortuné, refferré dans lui-même,
S'occupoit des douleurs du feul objet qu'il aime.
Quelle lettre, en effet, on m'écrivit alors!
Les plaintes, les regrets, l'amour & fes transports;
Tout ce que le reproche eut jamais de plus tendre,
Tout ce que d'une Amante un Amant peut attendre
Les vœux & le ferment de me garder fa foi,

De m'aimer fans réferve & de n'aimer que moi;
Je trouvai tout, Ami, dans fa lettre chérie.
Tu m'obfervois envain : je réponds, je supplie,
Je conjure fon cœur de nourrir cet amour:
J'aime, je promets tout, j'annonce mon retour...
Vains projets! ta prudence & ta pitié barbare
Tentent de rappeller ma raifon qui s'égare.
Vainement je tuyois; vainement mes douleurs,
Dans des lieux écartés te déroboient mes pleurs:
Dans des antres fecrets, au fond de nos prairies,
Je portois, loin de toi, mes fombres rêveries.
Ta politique adroite épioit mes ennuis,
Dans l'épaiffeur des bois, cruel, tu me pourfuis:

Tu me peins mon Amante infidèle & coupable,
Me préférant bientôt un mortel moins aimable,
S'abandonnant au feu de fes embraffemens,
Me trahiffant, enfin, pour prix de mes fermens...
Né tendre, mais jaloux, je ne veux plus écrire:
Je maudis mon amour, je détefte Zelmire;
Aux dépens de mon cœur j'occupe mon efprit...
On m'aimoit, cependant; mais enfin ce dépit,
Ce fentiment affreux, fi puiffant fur nos âmes!
Livre ce que j'aimois à de nouvelles flammes.
Voilà ce qu'ont produit tes foins empoisonnés !
Je coule dans les pleurs mes jours infortunés:
Je suis trahi, perdu ; j'aime, je brûle encore.
On me méprife, Ami; que dis-je ? l'on m'abhorre,
Un autre dans les bras qui fçurent m'enchaîner,
Peut donner des plaifirs & s'en faire donner.
Ah! l'ingrate, après tout, fans remords & fans peine,
A pû rompre les noeuds de fa premiere chaîne.

Oui; di-moi, cher Ami, que fon cœur avili
A payé par la honte un criminel oubii;
Qu'aux yeux de l'Univers déformais méprifable,
Puifqu'elle doit rougir, elle n'eft plus aimable.
Pein-la moi des couleurs qu'apprête le mépris:
Di que je fus par elle indignement furpris.

Sers

Sers toi de ces couleurs qu'empruntoit ton pinceau,
Lorfque, de mes erreurs déchirant le bandeau,
Tu me repréfentois l'objet de ma tendreffe,
Digne au plus, à tes yeux, d'un feul moment d'yvreffe
Trop vil, pour mériter les tendres fentimens,
Qu'une flamme épurée infpire aux vrais Amans.
Toi, qui m'as arraché des bras de ce que j'aime,
Toi, le cruel auteur de mon fupplice extrême,
Force-moi de hair ce qui fut adoré;
Et ce qui plaît encore à mon cœur déchiré.
Ces lauriérs defféchés, ces dons de Melpomène.
Ces applaudiffemens, ces honneurs de la fcène,
Que ta voix me promet pour prix de mes travaux,
Sont un trop foible efpoir pour adoucir mes maux:
Hélas ! qui me rendra ces voluptés fi chères,
Ces nuits, ces jours heureux, ces plaisirs folitaires,
Ces doux momens filés par les mains de l'Amour,
Ces baifers, en un mot... que je rendois toujours ?
Ami, j'ai tout perdu ; j'ai perdu mon Amante.

Ces nouvelles beautés, que ta bouche me vante,
N'ont point, comme l'objet qui regne fur mon cœur,
Ce charme impérieux, cet afcendant vainqueur
Qui, de l'amour fur nous établiffant l'empire,

Nous fait goûter fon charme, au moment qu'il attire.

Tome

II.

Cc

;

Non, non; d'une autre ardeur je ne puis m'enflammer:
Apprend-moi, fi tu peux, l'art de ne plus aimer
Ou laiffe-moi, du moins, dans les maux que j'endure,
Souffrir, gémir, languir, mourir pour ma parjure.
Trop heureux, cependant, fi tes soins, fi le tems,
Si de ton amitié les fecours triomphans,
L'emportant à la fin fur mon âme rébelle,
Me fauvent de l'affront d'aimer une infidèle.

ÉG LOGUE.

Sit procul à nobis, formam cui vendere cura eft
Et pretium plenâ grande referre manu.

Tib. L. I. Eleg. 9.

X.

HILAS

MIR TIL.

HILAS.

U reviens donc, Mirtil, habiter nos hameaux! Mais di-moi ; quels ennuis & quels chagrins nouveaux, Du fein tumultueux des Palais & des Villes, Te font chercher encor la paix de nos asyles? Quels momens choifis-tu pour revoir nos climats! Nos champs font dépouillés, ou couverts de frimats: Nos ruiffeaux, retenus & glacés dans leurs rives, Ne font plus murmurer leurs ondes fugitives: La Nature, mourante & muette d'effroi, Eft trifte, défolée...

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