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J'épuifai le plaifir dans fes embraffemens :
Leur fouvenir encor redouble mes tourmens!
Du plus ardent amour tel eft l'affreux falaire...
Apprens un autre affront que je ne puis te taire :
Lorfque d'entre fes bras je fortois enchanté,
Dans de rians tableaux traçant la volupté,
Je peignois mon bonheur & j'aimois à l'écrire.
Mais l'ingrate, fouvent, ne daignoit pas me lire :
D'un œil indifférent elle voyoit mes vers.
Lorfque de mon Rival elle vantoit les airs,
(Des airs que vous cuffiez dédaignés au village)
A peine de ma Lyre elle écoutoit l'hommage.
Son oreille fuperbe en critiquoit les fons:
D'un Amant plus heureux elle aimoit les chanfons;
Et cet Amant, Hilas, fans goût & fans génie,
Recevoit de fes mains le prix de l'harmonic.

Enfin, honteux de voir mon Rival encenfé, Jufques dans fes défauts applaudi, careffe, A l'amour j'ai mêlé le reproche & la plainte: J'ai parlé de mes droits & j'ai banni la feinte : Ami, le croirois-tu ? pourrois-tu le prévoir ? On m'a représenté l'honneur & le devoir... Eh! connoît-on l'honneur au fein de la baffeffe? Eft-ce donc par devoir qu'on fauffe fa promeffe?

Je te parle fans doute un langage étranger,
Quelles mœurs je dépeins aux regards d'un Berger!
Ah! mon Ami; ce monde, où j'ai traîné ma vie ;
Ce monde fi brillant, que je hais, qu'on envie,
Où le coeur le plus pur eft toujours abufé;
Ce monde méprisable eft trop peu méprifé.
Je m'en éxile, enfin ; mais rempli d'amertume,
Du dépit, malgré moi, le poifon me confume;
D'ennuis & de chagrins mon cœur eft dévoré :
Le trait me bleffe encore & j'en fuis déchiré.
HILAS.

En te quittant, Mirtil, ton Amante perfide
Avoit-elle l'œil trifte & de larmes humide?
Ton départ dut fans doute émouvoir fa pitié ?
MIRTIL.

J'ai vû couler fes pleurs; mais je fuis oublié;
Et lorfque, fur vos bords, je refte folitaire,
Quand je cherche à mourir, l'ingrate cherche à plaire.
HILAS.

Que ne l'imites-tu? mille de nos Beautés,
Couronneront tes vœux, qu'une autre a rebutés.
Rappelle-toi le jour où tu quittas nos rives;
La jeune Eglé fuivit tes traces fugitives.

Elle ne rougit point de montrer fes douleurs:
Devant fa mere même, elle verfa des pleurs.
Dans nos hameaux, Mirtil, c'cft ainfi que l'on aime;
Retourne vers Eglé.

MIRTIL.

Non; Vénus elle-même

Ne peut me confoler de ce que j'ai perdu.
Ami, de mon naufrage encor tout éperdu,
A de nouveaux écueils veux-tu que je m'expose?
Ah! fans doute; il eft tems que mon cœur fe repofc!
Sur vos bords fortunés je viens chercher la paix:
Dans un nouvel amour la trouve-t-on jamais ?
Je l'attends de tes foins & de l'indifférence.
Voilà, dans mes malheurs, ma derniere espérance;
Et, fi de mes chagrins tu prends quelque pitié,
Au défaut de l'amour, offre-moi l'amitié.

LETTRE

DE MA D *** (*)

A MADAME L'ABBESSE DE***.

Has tibi fatales cecinit mea pagina diras:

Eventum formæ difce timere tuæ.

Propert. I. III. El. 23.

X I.

GARDIENNE d'un Bercail favorifé des Cieux,

Vous, dont la piété, l'amour Religieux,
Veillent fur le Troupeau, qu'aux foins de votre zèle
A daigné confier la fagefle éternelle,

Oma Merc... (ce nom me fera-t-il permis?)
Ma Mere! confolez un coeur prefque foumis;

(*) Cette piéce a été imprimée dans le Journal des Dames 2 Novembre 1777, P. 444.

Qui cherche, loin du trouble & des crimes du monde
De vos Cloîtres facrés la retraite profonde.
Je viens faire à vos pieds d'humilians aveux:
Connoiffez ma foibleffe & mes deftins honteux.

Élevée & nourric au fein de l'infortune,
Je dus m'enfevelir dans la foule commune,
Dans ce vulgaire obfcur d'Artifans ignorés,
Aux ferviles travaux par befoin confacrés:
J'ai fçu, pour mon malheur, changer ma deftinée.
Je vivois fans remords, vivant infortunée;
Pauvre des biens du monde & riche de vertus,
Je connoiffois l'honneur... que je ne connois plus.
Le dangereux attrait d'une aimable figure,
(Cher & fatal préfent que m'a fait la Nature!)
Que vous dirai-je encor? un cfpoir féducteur
Aux vices de mon fiecle abandonna mon cœur.
Je parus fur la fcène, où l'amour mercenaire
Met fes plaifirs à prix, fes faveurs à l'enchère:
Les dons de la fortune éblouirent mes yeux.
Mon cœur, plus corrompu, devint ambitieux;
Mais, aux plaifirs d'un maitre en efclave vendue,
J'eus l'art de reffaifir na liberté perdue;
Et, malgré mes tyrans, malgré leurs foins jaloux,
Par un manége adroit, je les abusai tous.

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