Imágenes de páginas
PDF
EPUB

LE PORTRAIT

V1

MAN QUÉ.

ENEZ, Cloé; je vais peindre vos traits...
Mais que vois-je ? quelle folie!

De quels vains ornemens chargez-vous vos attraits?
C'eft la laideur qui peut être embellie;

Les Grâces, la Beauté ne le furent jamais.
Point de parure, un deshabillé frais,
Rien, s'il fe peut; & vous voilà jolie.
Cloé, pourquoi de vos cheveux
A-t-on gêné les replis & les ondes ?
Défaites-moi ces ridicules nœuds,

Et laiffez-les flotter en treffes vagabondes.
Un ruban, qui les lie, eft tout ce que je veux.
Eh quoi! dans vos regards aucun feu n'étincelle?
Vous avez deux beaux yeux tranquillement ouverts?
L'âme eft dans le coup-d'œil; mais où la vôtre eft-elle ?
Je voudrois que ces yeux baiffes, prefque couverts,

Fiffent tomber fur moi ces timides éclairs,
Ces rayons du defir, qui vous rendroient fi belle,
Qui me feroient & fi doux & fi chers!

Votre bouche eft charmante: eh bien ! par quelle cause,
Par quel motif ne me dit-elle rien?
Un foupir égaré fur ces lèvres de rofe,
Un feul foupir s'exprimeroit fi bien !
Ce fauteuil vous tient droite, immobile, gênée :
Pourquoi n'avez-vous pas choifi ce canapé ?
Votre enfemble charmant s'y fut développé,
Dans l'attitude abandonnée

Où fe repofe un cœur tendrement occupé.
Ah! Cloé, je vois trop ce que je devois craindre!
Un faux efpoir eft venu m'animer.

J'ai crû, qu'en vous peignant, je peindrois l'Art d'aimer:
C'eft l'Art de plaire qu'il faut peindre.

VERS

A CLO É. ·

L'AMOUR, dis-tu, l'Amour troubla ta vie ;

Et fur les cœurs, conquis par tes attraits,
Tu veux venger tous les maux qu'il t'a faits?
Mais du carquois de la coquetterie

Tu connois peu les redoutables traits;
Je fuis, j'échappe à tes mains vengereffes.
Non, tu n'as pas le talent dangereux
D'entremêler les tourmens, les careffes;
De refter froide, en affectant des feux,
De fubjuguer, en feignant des foibleffes:
Tu ne fçais point faire des malheureux.
Quoi! dès l'inftant, où ma bouche timide
Te peint l'efpoir dont mon cœur eft féduit,
Par un refus mon roman fe décide?...
L'amour s'éteint, quand l'efpoir eft détruit.
Ah! tu pouvois être bien plus perfide!

Près de Renaud, voi la farouche Armide:
Le fer en main, fa fureur le pourfuit;
Mais penfes-tu que fon bras homicide
Le plongera dans l'éternelle Nuit?
Elle fait mieux: elle l'enchante, il aime,
A fes genoux il languit endormi:
L'Amour foumet ce fuperbe ennemi;

Et fon fupplice eft dans fon bonheur même.
Pourquoi t'armer de l'orgueil d'un refus?
Peut-il fuffire au courroux qui t'anime?
On en gémit un jour, un jour au plus ;
Mais des faveurs on eft longtems victime.
Par ce nœud feul les cœurs font enchaînés ;
Juge le mien digne de ta colere.
L'Amour heureux fait plus d'infortunés,
Que les rigueurs n'en ont jamais pû faire.

SUR

SUR LA MORT

DE MONSEIGNEUR

[ocr errors]

LE DAU

DAUPHIN.

eft un Monftre fourd, aveugle, inexorable; La rage eft dans fon coeur, le poignard dans fa main La Nature effrayée & fon cri lamentable;

Rien ne l'émeut: il frappe avec un bras d'airain.
C'eft ainfi qu'on à vû fon fquélette terrible
S'affeoir tranquillement fur un lit de douleurs;
D'une Famille Augufte y rebuter les pleurs
Et porter lentement le coup le plus fenfible:
Les vœux de tout un Peuple ont été fuperflus;
Et la Mort á détruit fa plus noble efpérance...
Mais de tant de fureur ne nous étonnors plus
Elle a dû réfifter aux larmes de la France;
Elle fut infenfible à trente ans de Vertus;

[merged small][ocr errors]
« AnteriorContinuar »