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ÉPITRE

DE M. PEZA Y

A

M.

COLAR DE A U.

UEL Myrte heureux, quel bofquet fombre Prête la fraîcheur de fon ombre

A ta Mufe amante des bois ?
Près de l'Effone ou de la Seine,
Au doux bruit de quelque fontaine
Mêles-tu les fons de ta voix ?

Que j'aime ta Mufe Bergère!
Tu la pares des fleurs des champs,
Et dédaignes les faux clinquans

De toute parure étrangère.
Conferve la fimplicité,

Et la cadence, & la molleffe

De ces vers pleins de volupté,

Que laiffe échapper ta pareffe:
Ah! chercher un luftre emprunté
Eft une grande maladreffe,
Pour les vers & pour la Beauté.

Ton fléxible & brillant génie,
Occupé d'innocens loifirs;
A ton bonheur nous affocie,
En nous parlant de tes plaifirs.
Échauffé d'une douce flamme,
Tu fçais briller fans éblouir r;
Tu fçais peindre & tu fçais jouir :
Tes vers font des foupirs de l'âme.

Aux vertus, dont ton cœur fait choix,
Tu dois cet avantage extrême;
Même en critiquant quelquefois,

Dès qu'on te lit, il faut qu'on t'aime.
Tu ne connois point ces complots,
Ces tourmens, ces haînes cruelles;
Et fur les rives immortelles
Où l'Hipocrêne épand fes flots,
Tu te plais à voir tes rivaux

Moiffonner quelques fleurs nouvelles.

Ab!

Ah! loin de toi cet art honteux
Qui fouilleroit toutes les gloires;
Qui compte fes lâches victoires
Par le nonibre des malheureux !
Oui; je gagé que, pour médire,
Si tu veux élever la voix,
Soudain les cordes de ta Lyre
Vont fe détendre fous tes doigts.

Abeille induftrieufe & fage,

Tu

peux fucer dans le vallon,
Le Thym, la Rofe, fon bouton,
Pour en parfumer ton ouvrage :
De ta trompe tu fçais l'ufage;
Et méconnois ton aiguillon.
Jadis Théocrite & Virgile,
Sous les ombrages toujours verds
De Mantoue & de la Sicile,
Comme toi foupiroient leurs vers:

Combien j'applaudis à ton zèle,
Quand, loin de la Cour & des Grands
Ta main préfente un libre encens

A l'amitié pure & fidèle!

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Les Protégés, les Protecteurs

Sont mal venus chez les neuf Soeurs:
Tu fais que les Mufes font fières ;
Il leur faut des Amans, des Frères,
Un ruiffeau, de l'ombre & des fleurs.
O toi! que déjà Philomèle,
Par fes chants, invite & rappelle
Aux bords que l'Effone embellit,
Goûte encor le plaifir extrême
D'adreffer à l'Ami qui t'aime
Les vers que ta Mufe polit.
Puiffe la propice influence
De la campagne & du printems,
A tes organes languiffans,
Rendre cette aimable puiffance,
Qui met en valeur tous nos fens,
Et nous fait chérir l'exiftence.

Ah! point de vers fans la fanté !
Sans elle, point de volupté:
Des corps, des efprits & des âmes
Elle difpofe tour-à-tour.

Colardeau, les Mufes font femmes :
La fanté fied bien à leur cour.

Pour ces Divinités charmantes,

Pour les Mortelles plus touchantes,
Ménage-toi dans ton jardin :
Qu'un lait pur, que l'air du matin,
Que les fucs embaumés des treilles,
L'abfence des pénibles veilles,
La présence d'un Ciel ferein;
Qu'un tems, l'éloignement des belles
(Qui quelquefois peut-être fain)
Que le parfum des fleurs nouvelles
Te tiennent lieu de Médecin.

Mais, alors, tu hous dois fans ceff Compte de tes heureux loifirs: Aux haleines des doux Zéphirs S'il faut que ta fanté renaiffe, Plus d'excufe pour ta pareffe: Tu dois ta Mufe à nos plaifirs.

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