RÉPONSE
DE M. COLAR DEAU.
A L'ÉPITRE PRÉCÉDENTE. OUI, ma Mufe eft une Bergére; Et le joli chapeau de fleurs,
Dont l'embellit ta main légère, Plaît à fes goûts, fied à fes mœurs. Elle eft fimple, & fi naturelle Que, dès le moment où fon front A ceint fa couronne nouvelle, Un coloris fubtil & prompt L'a fait rougir d'être fi belle. Tu fçais plaire, tu peux tromper: Aux traits d'un éloge infipide Il eft facile d'échapper ;
Mais lorfque la grâce y préfide, Bientôt on s'en laiffe occuper. C'eft un rézeau, dont l'art perfide Attire & fçait envelopper
L'innocence foible & timide.
Mais non; tu n'as pas prétendu Tromper une Muse ingénue, Dans l'hommage que ma rendu Ta Lyre pour moi prévenue. Du moins, un Éloge m'est dû: Jamais du fiel noir de l'envie Mon cœur ne fut empoisonné; Et la palme, tant poursuivie, Dont mon émule eft couronné, Je n'ai jamais imaginé
Qu'à mon triomphe il l'eût ravie. Sur l'arbufte d'Anacréon S'épanouit plus d'une rofe: Le myrte a plus d'un rejetton; Daphné, dans fa métamorphofe, De rameaux couvrit l'Hélicon. Si pour vous la fleur eft éclofe; Pour moi s'entr'ouvre le bouton. Rivaux, que la gloire rassemble, Vous, Amans, Poëtes, Guerriers, Ah! cueillez, mais cueillez ensemble Et ces myrtes & ces lauriers! Du fouffle infecté des Furies, Cruels, n'allez pas deffecher
Ces roles, ces palmes fleuries Que l'on doit rougir d'arracher. Quand la haîne les a flétries. Je plains le cœur rongé d'ennui Et d'un orgueil atrabilaire, Qui des jouiffances d'autrui Se fait un malheur volontaire Et qui préfume que, fans lui, Ne peut exifter l'art de plaire. Pour moi, qui fuis, dans mes loifirs, L'éclat d'une gloire fublime;
Qui, limitant mes vains defirs,
Les borne aux douceurs de l'eftime; Moi, qui du cercle de mes jours Vois fortir tant d'heures fatales, Et n'ofe employer, dans leur cours, Que de rapides intervalles :
Moi, moi, que l'on vit enfanter Des vers fans art & fans preftige, Que leur naturel fait goûter, Où jamais l'efprit ne corrige
Ce que le cœur m'a fçu dieter; Iibre dans mon infouciance,
Modefte, ou timîde en mes voeux,
J'attends, pour toute récompenfe, Qu'on fouffre que je fois heureux. C'eft peut-être trop d'exigeance; Et dans notre Cirque orageux, Où l'on fe nuit par concurrence, Nos Ariftarques fourcilleux
Connoiffent peu la tolérance.
Mais, Pezay, qu'importent leurs cris, Leurs intrigues, & leurs outrages? Le mérite de mes écrits
Ne dépend point de leurs fuffrages: Tu les aimes;... voilà leur prix. Indifférent fur mes ouvrages, D'après ton goût, je les chéris: De ton Épitre enchantereffe J'ai refpiré le pur encens, Déjà mes efprits languiffans Ont fenti le feu de l'yvreffe: Oui; le charme de tes accens Eft l'aiguillon pour ma pareffe, Et la volupté pour mes fens,
STANCES,
Tu plains mes jours troublés par tant d'orages,
Mes jours affreux, d'ombres environnés ! Va, les douleurs m'ont mis au rang des Sages; Et la raifon fuit les Infortunés.
A tous les goûts d'une folle jeuneffe J'abandonnai l'effor de mes defirs: A peine, hélas! j'en ai fenti l'yvreffe, Qu'un prompt réveil a détruit mes plaifirs.
Brûlant d'amour & des feux du bel âge, J'idolâtrai de trompeufes Beautés. J'aimois les fers d'un fi doux efclavage; En les brifant, je les ai regrettés.
J'offris alors aux Filles de Mémoire
Un fugitif de fa chaîne échappé; Mais je ne pus arracher à la Gloire
Qu'un vain laurier, que la foudre a frappé,
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